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Juillet / Août 2019

13

AGEFI Luxembourg

Emploi / RH

Cette rubrique, à paraître tous les mois, a pour but d’in-

former le lecteur, avisé ou non, de manière claire et conci-

se des sujets d’actualité et des nouveautés en matière de

droit du travail aussi bien au niveau des législations

luxembourgeoise et européenne qu’au niveau des déci-

sions de justice et cela chaque fois que la nouveauté en

question est censée avoir des répercussions sur la vie et le

fonctionnement des entreprises luxembourgeoises.

T

out salarié est tenu à une obligation

générale de loyauté vis-à-vis de son

employeur, obligation impliquant,

entre autres, l’interdiction de concurrencer

ce dernier au cours de la relation de tra-

vail. Néanmoins, dans le but de protéger

ses intérêts après la cessation des relations

de travail, l’employeur peut, dès la conclu-

sion du contrat de travail et en application

de l’article L. 125-8 du Code du travail, y

insérer une clause de non-concurrence

visant à empêcher l’exercice, à titre indé-

pendant, d’activités concurrentes de la

part du salarié après la fin de son contrat

de travail.

Le régime légal d’une telle clause ne répondant

pas pleinement aux besoins des employeurs, la

pratique a vu se développer des clauses de non-

concurrence dites «élargies», pratique validée par

la jurisprudence sous certaines conditions.

1. Rappel du régime légal de

la clause de non-concurrence

Selon l’article L. 125-8 du Code du travail, la clau-

se de non-concurrence a pour objet d’interdire au

salarié,

«pour le temps qui suit son départ de l’entre-

prise, d’exercer des activités similaires afin de ne pas

porter atteinte aux intérêts de son ancien employeur en

exploitant une entreprise personnelle

».

La clause de non-concurrence doit remplir les

conditions suivantes pour être valable :

- sous peine de nullité, la clause doit être constatée

par écrit ;

- la clause de non-concurrence sera réputée non

écrite si, aumoment de la signature de la conven-

tion, le salarié est mineur ;

- la clause de non-concurrence sera réputée non

écrite si le salaire annuel versé au salarié au

moment du départ de l’entreprise ne dépasse pas

un niveau déterminé par règlement grand-

ducal

(1)

, à savoir 6.817,07 euros à l’indice 100, soit

55.518,22 euros à l’indice actuel de 814,40.

Lorsque le salaire annuel excède le niveau déter-

miné par règlement grand-ducal, alors la clause

de non-concurrence ne produira d’effets qu’aux

conditions suivantes :

- la clause de non-concurrence doit se rapporter à

un secteur professionnel déterminé et à des acti-

vités similaires à celles de l’employeur ;

- elle ne peut être prévue pour une durée supé-

rieure à douze mois prenant cours le jour où le

contrat de travail a pris fin ;

- elle doit être limitée géographiquement aux

localités où le salarié peut faire une concurrence

réelle à l’employeur en considérant la nature de

l’entreprise et son rayon d’action sans s’étendre

au-delà du territoire national.

Enfin, la clause de non-concurrence est inappli-

cable lorsque l’employeur a résilié le contrat avec

effet immédiat et ce, de manière abusive, ou s’il

n’a pas respecté le préavis. Le fait d’exercer une

activité concurrente en tant que salarié n’est par

conséquent pas interdit par le Code du travail.

2. Constructionprogressive d’un régime

jurisprudentiel approuvant la pratique des

clauses de non-concurrence dites

«élargies»

Afin de répondre aux besoins des employeurs et

en s’inspirant du modèle juridique français, la

pratique a vu se développer des clauses de non-

concurrence dites «

élargies

», consistant à étendre

le champ d’applicationmatériel (applicable à l’ac-

tivité salariée), et le champ d’application spatio-

temporel de la clause, en contrepartie d’une

indemnisation financière.

Une telle cause a été validée par un arrêt du 13

novembre 2014

(2)

, dans le cadre duquel la Cour

d’Appel a d’abord considéré que la clause de

non-concurrence litigieuse n’avait pas le même

objet que la clause de non-concurrence prévue

par le Code du travail, en ce qu’elle visait l’hypo-

thèse d’un salarié qui s’interdit, après la fin de ses

relations de travail, d’entrer au service d’une

entreprise concurrente ou de faire des démarches

pour être engagé par une telle entreprise.

Les obligations du salarié par rapport à celles qui

auraient été les siennes au regard duCode du tra-

vail n’étant pas aggravées, la Cour d’Appel a

déclaré la clause licite. Elle s’est ensuite attachée à

vérifier que la clause respectait un certain équi-

libre entre les parties – à savoir celui qui doit exis-

ter entre la protection des intérêts de l’employeur

et la sauvegarde de la liberté du travail du salarié

– ainsi qu’une limitation dans son champd’appli-

cation, par analogie à l’article L. 125-8 duCode du

travail.

Ainsi, une clause de non-concurrence élargie

demeure valable et assure une liberté de travailler

au salarié dès lors :

- qu’elle permet au salarié de trouver un emploi

auprès d’entreprises non-concurrentes,

- qu’elle est limitée dans le temps et l’espace, et,

- qu’elle comporte une contrepartie financière.

En l’espèce, la clause litigieuse respectait les

conditions susvisées, à l’exception de l’étendue

géographique, qui a été jugée excessive, puisque

l’interdiction s’étendait à des centaines de

kilomètres au-delà des frontières duLuxembourg

(notamment jusqu’à l’Île de France, la Basse et

Haute Normandie). La clause fut par conséquent

réduite géographiquement au Luxembourg, à

l’Alsace et à la Lorraine. Il apparait ainsi que la

Cour d’Appel a appliqué, par analogie, le sens

des dispositions de l’article L. 125-8 du Code du

travail, afin de délimiter les contours du champ

d’application de la clause litigieuse.

De cettemanière, le juge n’a pas considéré la clau-

se de non-concurrence comme automatiquement

nulledu seul fait que sonpérimètregéographique

dépassait les limites prévues par la loi, mais a

apprécié sous quelles conditions la clause en

question pouvait être valable, en appliquant indi-

rectement le principe des limitations légales.

3. Confirmation et poursuite de la

construction du régime des clauses

de non-concurrence dites

«élargies»

La Cour d’Appel est venue confirmer le princi-

pe de la validité de la clause de non-concurren-

ce élargie, et poursuivre la construction de son

régime, par un arrêt du 20 décembre 2018

(3)

. Tout

d’abord, la Cour d’Appel n’a aucunement remis

en cause l’existence d’une telle clause de non-

concurrence élargie et s’est attachée simplement

à en vérifier les conditions de validité déjà

énoncées en 2014.

LaCour d’Appel consacre néanmoins la condition

de proportionnalité, qui doit exister entre l’intérêt

légitime de l’employeur et la liberté du travail du

salarié, comme une véritable condition de validité

de la clause de non-concurrence élargie, à laquelle

s’ajoute la condition spatio-temporelle.

L’employeur doit être en mesure de justifier de

l’existence d’un intérêt légitime (tel qu’une fuite

de savoir-faire, un détournement de clientèle ou

encore une rupture d’égalité avec des entreprises

concurrentes). À défaut d’équilibre entre les par-

ties, la clause serait par conséquent déclarée nulle.

La Cour d’Appel considère par ailleurs que

quand bien même la clause de non-concurrence

litigieuse a été établie après la fin des relations de

travail, dans le cadre d’une convention transac-

tionnelle, il n’en demeure pas moins qu’elle vise

la même période que celle de l’article L. 125-8 du

Code du travail, à savoir «

le temps qui suit le départ

du salarié de l’entrepri

se», et doit partant respecter

par analogie la disposition légale.

Enfin, la Cour d’Appel s’inspire à nouveau de

«

l’esprit

» du texte de loi pour vérifier la validité de

la clause de non-concurrence élargie, laquelle doit

être, dans une certaine mesure, limitée dans le

temps et dans l’espace.

En l’espèce, la clause a été jugée excessive en rai-

son de sa durée (5 ans), de l’absence de contre-

partie financière, et dumontant des dommages et

intérêts fixés en cas de violation de celle-ci. La

clause entravait ainsi le salarié dans sa liberté du

travail, et était disproportionnée.

Conclusion

Nous assistons à la consécration jurisprudentielle

d’un véritable régime de la clause de non-concur-

rence élargie, qui s’inspire des limitations légales

pour encadrer l’étendue d’une telle clause.

Il n’en demeure pas moins que certaines ques-

tions restent à ce stade sans réponses, telles que la

possibilité de renonciation à la clause par l’em-

ployeur, les modalités pratiques d’une telle

renonciation, ou encore les modalités de paie-

ment de l’indemnité de non-concurrence en cas

de non-respect de ses obligations par le salarié.

M

e

Christophe DOMINGOS, avocat à la Cour, Partner,

M

e

Thérèse LALLART, avocate, Junior Associate,

CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg

1) Article 6 du règlement grand-ducal du 11 juillet 1989 portant appli-

cation des dispositions des articles L. 122-1, L. 122-4, L. 121-5 et L.

125-8 du Code du travail.

2) Cour d’Appel, 13 novembre 2014, n°39706 du rôle.

3) Cour d’Appel, 20 décembre 2018, n°44974 du rôle

L’actualité du droit du travail

Clause de non-concurrence

«élargie»

: pratique validée par le juge

E

galement connu sous le nomde

professionnel de l’executive

search ou de headhunter,

le chasseur de têtes sert d’in-

termédiaire privilégié entre

un employeur ayant des

besoins spécifiques dans un

secteur donné et des talents.

Véritable générateur de

liens, ce professionnel

applique des techniques de

sourcing et fait appel à son

expérience et intelligence

situationnelle/émotionnelle

pour s’assurer de l’alchimie entre

l’entreprise et son futur collabora-

teur. Avoir recours à lui est d’autant

plus stratégique quand on souhai-

te contacter des candidats

qui ne sont pas en

recherche active et ceux

qui sont en quête d’un

nouveau défi ne l’an-

noncent pas nécessaire-

ment sur les réseaux

sociaux. Analyse démysti-

fiée dumétier de chasseur de têtes

en cinq histoires.

Un chasseur de têtes n’est pas seulement un recru-

teur. Si son métier consiste

in fine

à rechercher et

sélectionner des profils en adéquation avec les

besoins d’un client, ses techniques d’identification,

d’investigation et d’approche directe, sa connais-

sance dumarché et des postes ainsi que sa sensibi-

lité au savoir-être constituent sa

valeur ajoutée.

Mythe #1 : Un chasseur de

têtes vous envoie des

dizaines de CV. Faux

Unchasseurde têtesn’envoie

jamais de cv à l’aveugle.

Après lui avoir confié une

mission, le headhunter acti-

vera son réseau, qui lui

permet de connaître tout

(ou

presque)

du

marché du travail et utilise-

ra des techniques de sourcing,

telles que les recherches

booléennes, pour identifier précisé-

ment les bons profils.

Concrètement, et en

toute confi-

dentialité, le

profession-

nel de l’execu-

tive search identi-

fie des profils dans

leur milieu profession-

nel, les approche, les

qualifie, les rencontre tout

en évaluant leurs compétences ;

cerne leur personnalité et ce qui les

motiverait à accepter à rejoindre un nouvel

employeur.

Après un entretienoù les savoirs, les savoir-faire et

les savoir-être occupent uneplacemajeure, le chas-

seur de têtes ne présentera guère plus de trois à

cinq profils. C’est une démarche extrêmement

sélective qui permet de réduire le risque d’erreur

de «casting». La raison ? L’assurance de créer un

lien parfait entre les deux parties.

Mythe #2 : La mission d’un chasseur de têtes

s’achève à l’embauche de son candidat. Faux.

Une fois le candidat sélectionné, lamissiondupro-

fessionnel de l’executive search continue. Il accom-

pagne la négociation du contrat d’embauche et

intervient à des moments charnières du nouvel

employé tels que les premiers jours d’intégration,

le bilan des trois mois, la fin de la période d’essai,

et lapremière année. Si l’employé placé est sollicité

parunautrechasseur, il est rarequ’il réponde favo-

rablement à son offre tant il est en phase avec la

culture de l’entreprise.

Mythe #3 : Tous les chasseurs de têtes appliquent

les mêmes techniques. Faux

Le parcours personnel et professionnel du chas-

seur de têtes est un des éléments forts de sa pro-

position de valeur. Une expérience en ressources

humaines et en entreprise est souvent un atout

considérable pour mener à bien une mission

d’executive search. La qualité du réseau, une

connaissance approfondie des postes, des profils,

dumarchéet lacomplexitéde l’entreprise fontpar-

tie intégrantedubagageduchasseurde têtes.C’est

en alliant la compréhension des enjeux écono-

miques et la connaissance des entreprises et des

talents qu’un chasseur se distingue.

Mythe #4 : Les réseaux sociaux suffisent pour

recruter aujourd’hui. Faux.

Réduire le processus de recrutement aux réseaux

sociaux, c’est s’exposer à des erreurs. Il est certain

que le chasseur de têtes ne peut plus exercer son

métier sans prendre le temps d’apprivoiser les

médias sociaux, de digitaliser ses prises de

paroles et d’animer en ligne ses différentes com-

munautés. Rayonner sur les réseaux sociaux

s’inscrit seulement dans une démarche plus glo-

bale où les interactions humaines constituent la

clé de voûte du métier de l’executive search. Les

réseaux sociaux lui permettront d’enclencher la

première étape de son approche directe avant de

rencontrer les individus.

Par ailleurs, s’imaginer qu’une licence Recruiter

sur LinkedIn remplace un professionnel de l’exe-

cutive search est un autre mythe.

Mythe #5 : Un chasseur de têtes est un ambassa-

deur de l’entreprise. Vrai.

Un chasseur de têtes identifie le réel besoin,

exprimé ou pas, par son client. En d’autres termes,

il doit rapidement comprendre les enjeux, les pro-

cessus, les zones de risques mais aussi les oppor-

tunités et surtout s’approprier la culture d’entre-

prisede son client. Faire en sorte que les valeurs de

l’entreprise entrent en résonance avec celles des

candidats est l’essencemême de sa valeur ajoutée.

Le chasseur est également garant des candidats

qu’il présente. Sa réputation est en jeu.Autant dire

que ce professionnel de l’executive search cherche-

ra à approfondir les motivations de ses candidats,

ses projets de carrière et de vie.

Chasseurde têtes : unmétierparticulier, pourdes

profils singuliers. ToutDRHetdécideurpeuvent

s’appuyer sur ses compétences et ses expertises

pour accompagner leur croissance.

Caroline LAMBOLEY

Lamboley Executive Search

(+352) 621 246 155

Le chasseur de têtes en cinq mythes