AGEFI Luxembourg - avril 2024

AGEFI Luxembourg 8 Avril 2024 Fiscalité / Economie Par Karine BELLONY, Founding Partner VAT solutions D epuis l’instauration du ré- gime de TVA intracommu- nautaire, inspiré dumodèle français qui fête ses 70 ans, les opéra- teurs économiques sont régulièrement confrontés à des évolutions réglemen- taires en TVA. L’année 2025 ne sera pas en reste, avec l’entrée en vigueur de deux nouvelles disposi- tions issues de laDirective «taux» (1) , et la refonte du ré- gime de la franchise pour les petits entrepreneurs, elle- même issue d‘une autreDi- rective «petites entreprises» (2) . Ces deuxDirectivesmodifient la Directive TVA (3) («laDirective»), dont les nouvelles dispositions doivent être transpo- sées par le législateur luxembourgeois dans la Loi TVA luxembourgeoise («Loi TVA») préalablement à leur entrée en vigueur le 1 er janvier 2025. Evénements virtuels Lelieudetaxationdesévénementsvirtuelsquiimpli- quent une intervention humaine en direct (événe- ments «en live») fait actuellement l’objet d’interprétationsdivergentesentrelesEtatsmembres. En effet, certains Etats membres les considèrent commetaxablesaulieud’établissementduprestataire de services, tandis que d’autres privilégient le lieu de résidence ou d’établissement du client. Cette incerti- tude,quiconcernelesservicesrendusaussibienàdes clients professionnels identifiés à la TVA dans l’UE («assujettis»)qu’àdesclientsnonprofessionnels(«non assujettis»), a pris une importante toute particulière avecledéveloppementremarquabledel’offredefor- mations à distance depuis 2020. Pourlesservicesrendusàdesclientsassujettis,lenou- vel article 53 alinéa 2de laDirective impactera lapor- téedel’article17.2.4°a)delaLoiTVA.Lesdroitsd’accès à un événement virtuel qui sont facturés à un client assujettiserontdésormaisexplicitementtaxablesdans le pays du client. Parallèlement, ce dernier sera le re- devablede laTVAdue si leprestatairen’est pas établi dans ce pays. Les droits d’accès rentreront ainsi offi- ciellementdanslarèglegénéraleapplicableenmatière de services entre assujettis, prévue par l’article 17.1.b) de la Loi TVA. Pour lesmêmes services rendus à des clients non as- sujettis, l’article 54 de la Directive impactera la portée de l’article 17.2.4°b) de la Loi TVA. Les services en re- lation avec un événement virtuel «en live», qui sont facturés à un client non assujetti, seront désormais explicitement taxables, par application d’une nouvelle règle parti- culière,danslepaysd’établissementou de résidence du client. L’adhésion au système déclaratif centralisé One Stop Shop (4) permettra au prestataire de ser- vice de collecter et reverser la TVA ainsi due à l’étranger auprès de l’administra- tion luxembourgeoise, qui elle-même re- verseracetteTVAauxEtatsmembresàqui elle revient. Il reste à voir si le législateur luxembourgeois décidera d’étendrel’applicationdutaux super réduit de TVA aux ser- vices consistant à donner accès à la diffusion en direct d’événementsdont l’accès sur place bénéficie du taux super réduit, ainsi que le nouveau libellé de l’annexe III à laDirective le lui permet désormais. Parallèlement et concernant de tels ser- vices rendus à des non assujettis résidents dans à l’étranger, les prestataires de services luxembour- geois devront porter une attention particulière à l’évolutionde ce sujet dans les autres Etatsmembres pour appliquer le bon taux de TVA. Letéléchargementenligned’événementspréenregis- trésn’estpasconcernéparcesévolutions,carilconsti- tueunservicerenduparvoieélectroniquequiestdéjà taxable au lieu d’établissement du client assujetti ou de résidence du client non assujetti. Secteur de l’art Lesecteurdel’artvaêtreparticulièrementimpactépar lesnouvellesdispositionsissuesdelaDirective«taux». Actuellement,ledispositifdel’article40delaLoiTVA étendlepérimètred’applicationdutauxréduitde8% à certaines opérations portant sur des objets d’art tels que définis par l’annexe E de la Loi TVA (essentielle- ment, importations par toute personne, et ventes par l’artiste ou ses ayants droits de tableaux, dessins, gra- vures, sculptures etc.). En parallèle, les galeries d’art peuvent appliquer le régimede lamarge bénéficiaire prévuàl’article56ter-1delaLoiTVA,moyennantop- tionpréalable,auxventesd’objetsd’artqu’ellesontim- portés ou qu’elles ont achetés à l’artiste ou ses ayants droits–doncachetésouimportésenamontparlaga- lerieavecuntauxdeTVAde8%.Cerégimeparticulier permet aux galeries d’art de ne collecter et payer la TVA que sur la marge réalisée (à 17%), sans pouvoir récupérer la TVApayée en amont (à 8%). Acompterdu1 er janvier 2025, laDirective«taux»ex- clut lesobjetsd’art importésouachetés avecbénéfice d’un taux réduit, de l’application de la marge béné- ficiaire, impactant directement la portée de l’article 56ter-1.5. de la Loi TVA. En parallèle, cette Directive a déjà ouvert la possibilité pour les Etats membre d’inscrire les ventes d’objets d’art, de collection ou d’antiquité dans la catégorie générale des biens éli- gibles au taux réduit. A condition que le législateur luxembourgeois dé- cide d’inscrire les ventes d’objets d’art, de collection oud’antiquité à l’annexeAde la Loi TVA, tout assu- jetti pourrait appliquer le taux réduit de TVAsur les ventesde telsbiens (à l’exclusiondesventes réalisées par les professionnels du secteur sous régime de la marge bénéficiaire, qui resteraient soumises au taux standard de 17%). Anoter que le régime de lamarge bénéficiaire conti- nueraitdes’appliquerdepleindroit,commec’estdéjà le cas actuellement, pour les galeries qui achètent des œuvres d’art, de collection ou d’antiquités dans l’UnionEuropéenne,auprèsdeparticuliersouauprès d’autres galeries avec applicationde lamarge bénéfi- ciaire (actuel article 56ter-1.1. de la Loi TVA). Régime des petites entreprises Les petites entreprises luxembourgeoises engagées dans une activité économique bénéficient actuelle- mentd’unrégimeoptionneldérogatoire,prévuàl’ar- ticle 57 de la Loi TVA. Ce régime concerne aussi bien les personnes morales que les indépendants per- sonnes physiques. Ce régime particulier permet aux assujettisquinedépassentpasunchiffred’affairesan- nuelde35.000EUR,denepassoumettreleursopéra- tionsàTVA,sanspouvoirrécupérerlaTVApayéesur leursachats.Ilssontsoumisàdesobligationsdéclara- tives TVAsimplifiées. Actuellement, les effets du régime de la franchise de l’article 57 de la Loi TVA sont limités aux opérations qui sont territorialement taxables auLuxembourg. LaDirective«petitesentreprises»institueunnouveau seuil européen global de franchise, de 100.000 EUR, et relève le seuil national maximal autorisé à 85.000 EURpourtouslesEtatsmembresquirestentlibresde fixer leur seuil national dans cette limite. La mise en place du seuil européen de 100.000 EUR est une nouveauté. Eneffet,danslecasd’unesociétéallemandequirece- vrait des services de consultance informatique d’une petite entreprise luxembourgeoise bénéficiant du ré- gime de la franchise au Luxembourg, la TVA alle- mande serait due sur les services rendus (et le redevableseraitleclientallemand)carleseffetsduré- gime dérogatoire ne s’étendent pas en dehors du Luxembourg. Pour peu que le client allemand ait un droit à déduction limité de la TVA sur ses achats, et queleprestataireluxembourgeoissoitenconcurrence avec une petite entreprise allemande bénéficiant du régime de la franchise allemande, il y a fort à parier que le choix du prestataire se portera sur celui des deux qui propose des services sans TVA. A compter du 1 er janvier 2025, la Directive 2020/285 institueunrégimedefranchiseeuropéenpourlespe- titesentreprises,dontleseffetsvontdépasserlesfron- tières nationales. A la triple condition de ne pas dépasser le seuil fixé par le pays d’établissement sur ses opérations locales (35.000 EUR au Luxembourg), par le pays dans lequel la transaction est taxable (22.000EURenAllemagne)etleseuileuropéenglobal de100.000EUR,lapetiteentrepriseluxembourgeoise peutdésormaisopterpourbénéficierdurégimedela franchise dans un autre pays membre que son pays d’établissement. Pour ce faire, un système de guichet unique sera dis- ponible au Luxembourg, via lequel elle devra maté- rialiser sa décision de bénéficier du régime de la franchise dans chacundes Etatsmembres concernés. Elle devra par la suite soumettre des déclarations tri- mestrielles pour déclarer l’ensemble de son chiffre d’affaires ainsi exonéré à l’étranger, le pays d’établis- sement ayant la charge de contrôler la bonne utilisa- tionde ce nouveau régime de franchise européen. Si nous reprenons le cas de la société allemande qui recevrait des services de consultance informatique d’une petite entreprise luxembourgeoise bénéficiant du régime de la franchise au Luxembourg, le presta- tairedeservicesluxembourgeoispourraitaupréalable opter, auprès du guichet unique luxembourgeois, pourbénéficierdurégimedefranchiseenAllemagne. Ainsi,ilpeutfairebénéficiersonclientallemandd’une exonérationdeTVAsursesservicesetseretrouvesur unpiedd’égalité avec son concurrent allemand. AutresmodificationsViDA La Commission Européenne continue de travailler inlassablementsurl’améliorationetlasécurisationdu systèmedeTVAintracommunautaire.Danscecadre, elle a annoncédans le cadred’unprojet global ambi- tieux«VATintheDigitalAge–ViDA»d’autreschan- gements importants pour 2025, qui pour l’instant faute de consensus rapide obtenu au niveau euro- péen, sont provisoirement reportées à 2026 voire 2030. Il s’agit essentiellement de l’extension du sys- tème centraliséOne StopShopàdenouvelles opéra- tions,demodificationsàapporterautraitementTVA del’économiedesplateformesnumériques(héberge- ment, transport de personnes), de l’harmonisation des règles d’autoliquidation locales, du remplace- mentàtermedesétatsrécapitulatifsintracommunau- tairesparunreportingdestransactionsentempsréel. 1) Directive 2022/542 duConseil du 5 avril 2022 2) Directive 2020/285 duConseil du 18 février 2020 3) Directive 2006/112/CE duConseil du 28 novembre 2006 4) Régime particulier de l’article 56sexies de la Loi TVA qui permet de collecter, déclarer et reverser de manière centralisée, auprès de son Etat membre d’établissement, la TVA due sur certaines opérations avec des particuliers, qui sont taxables dans d’autres Etats membres. Changements de TVAattendus pour 2025 ParDrMarkusGEIGER,responsable de la dette privée, ODDOBHFAsset Management GmbH L a persistance de taux directeurs élevés, la conjoncture écono- mique enberne et la lenteur des banques à accorder des crédits pourraient être les in- grédients d'une bonne année pour lemarché des fi- nancements privés, au tra- vers notamment des fonds de dette privée. La contrepartie est la liquidité li- mitéede cesderniers, qui nécessi- tent d'avoir un horizon d'investissement à long terme. En outre, ils comportent aussi un risque de perte en capital. Alors, quelles sont les tendances que nous observons en Europe, no- tamment en Allemagne ? Quelle place la classe d'actifs prend-elle au sein des portefeuilles des in- vestisseurs institutionnels ? A quoi pourrait-on s'attendre dans lesmois à venir ? LeMittelstand toujours auxmains des banques ? Aux États-Unis ou aux Pays-Bas, les fonds de dette privée consti- tuent la principale source de fi- nancementdesentreprises.Iln'est pasrarequ'ilscomptentpour80% ou plus du financement total (1) . Cette configuration n'est pas transposable à l'Europe en géné- ral et au marché du Mittelstand enAllemagneenparticulier,carle financement par lesbanquesyest trop établi et le paysage bancaire trop fragmenté. Toutefois, on ob- serve ici aussi une tendance à di- minuer le recours au crédit bancaire classique. La réglementation oblige les banques à couvrir davantage de capital pour le crédit sub-invest- ment grade. Ainsi, les banques pourraient être remplacées par des fonds de dette privée. En Eu- rope, seuls 10 à 15% des opéra- tions de financement des PME sont financées via des fonds (2) . Si les banques décident d'imposer des conditions de plus en plus restrictives, ce segment s'ouvrira également aux fonds. Un test pour la classe d'actifs En raison d'un niveau de taux d'intérêtplusélevé,certainsfinan- cements ayant été structurésdans un environnement de taux zéro pourraientêtreendifficulté.Nous sommes d'avis que cela permet de séparer lebongrainde l'ivraie. Dans les configurations lesmoins rentables ou les moins liquides, ou avec un ratio d'endettement élevé, les opérations sont mises à mallorsquel'ontientcompted'un taux de base d'environ 4% comme c'est le cas actuellement. Les institutionnels investissant dans des fonds de dette privée pourront bientôtmieux identifier ceuxquiaurontétéprudentsdans leurs choix de secteurs et d'entre- prises individuelles, ceux qui au- ront structuré ces thèmes avec soin et ceux qui, même en cas de restructuration, savent quel pro- cessus suivrepour sécuriser leurs investissements. Il s'agit du pre- mier véritable test auquel fait face la classe d'actifs depuis long- temps. Après une phase délicate mais courte et limitée en termes de secteurs pendant la pandémie de Covid-19, cette épreuve concernedésormaisunplus large éventail d'entreprises et une pé- riode plus longue. Déplacement du private equity vers la dette privée Selon nous, l'environnement de marché actuel fournit des argu- ments qui devraient pousser les investisseurs institutionnels à augmenter lapart dedetteprivée dans leurs portefeuilles. Avec un taux directeur de 4%, un finance- ment via la dette privée uni- tranche permet d'obtenir un rendement de10à12%, et ceavec une garantie de premier ordre. De plus, les nouveaux finance- ments bénéficient d'un moindre potentiel d'endettement. Les in- vestisseurs en private equity doi- ventainsiaccepterunprixd'achat encore relativement élevé, enga- ger plus de capitaux propres que parlepasséetaccepterdesdurées de détention plus longues. Voilà pourquoi les institutionnels préfèrent actuellement compléter leur allocation par de la dette pri- vée plutôt que par du private equity.Autre argument en faveur deladetteprivée,lesbanquessont de plus en plus souvent confron- tées à des goulets d'étranglement pour des raisons réglementaires. En cas de défauts de crédit, les banques seront ainsi fortement touchées car, traditionnellement, leurs portefeuilles sont beaucoup plus orientés vers les entreprises industrielles que ceux des fonds. En revanche, la plupart des fonds se sont focalisés de manière dis- proportionnéesurlessecteursdé- fensifs, où la résilience du Mittelstand allemand est, selon nous, intacte. Une part liée aux critères de sélection des investisseurs institutionnels Le choix de la classe d'actifs dé- penddel'endroitoùl'ondécidede placer le curseur dans les opposi- tionsentrerisqueetrendement,il- liquidité et autres possibilités d'investissement, rendement ab- soluetaffluxprévisibledeliquidi- tés. Lapart qu'occupe ladettepri- vée dans les portefeuilles varie également selon l'expérience des investisseurs.Lesinvestisseursin- ternationaux sont actifs depuis longtemps dans le secteur dupri- vate equity et investissent dans la dette privée depuis quelques an- néesdéjà.Maisd'autrespluspetits ontmoins d'expérience. Vers une réaffectation au seinmême du secteur des actifs privés Nous constatons que certains in- vestisseurs expérimentés envisa- gent actuellement une restructu- ration active. (3) En effet, ils ont in- vesti généralement dans des fonds de private equity établis de longuedateetpeuventdésormais vendre les entreprises détenues sur le marché secondaire au-des- sus du prix de revient, soit pour maintenir l'illiquidité à un bas ni- veau, soit pour réduire la part de private equity afin d'augmenter celle de la dette privée. Il en résulte donc un potentiel particulièrement important de fluxfinanciersverslesplacements secondaires et les placements en dette privée. 1) First Avenue. Private Debt Overview. Février 2024, p. 22. 2)HoulihanLokey.MidCapMonitor,octobre 2023. p. 9 et suivantes. 3) Private Debt Investor, février 2024, p. 8. 2024, une bonne année pour les fonds de dette privée ?

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