Agefi Luxembourg - juillet août 2024

Par Pierre BOYER, Head ofMoneyMarket and Short Term, Candriam E n réduisant les liquidités, la BCE ouvre un nouveau para- digme qui pourrait revitali- ser le marché monétaire. Entre 2008 et 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a joué un rôle crucial dans la stabilité financière de la zone euro en inondant le marché de liquidités via des mesures non conventionnelles, ce qui a considérablement gonflé sonbilan.Main-tenant que les conditions écono- miques s'améliorent, la banque doit réduire ces liquidités excéden- taires, ce qui pourrait redynamiser les stratégies d'investissement monétaire précédem- ment paralysées. L'époque où laBCE inondait lemarché de liquidités en réaction aux crises semble révolue. Son bilan, passé de 2.000 à 9.000milliards d'euros entre 2014 et 2022, est retombé à 7.000 milliards d'euros avec la fin des programmes d’urgence et l’amélioration de la conjoncture. Désormais, la BCE se concentre sur la normalisation de sa politique pour assurer la sta- bilité économique et une croissance durable. Jusqu’en 2008, la BCE gérait les taux d'intérêt à court terme et encourageait l’activité interbancaire via un système de corridor. Ce système peinait toutefois à anticiper précisément les besoins de liquidité. Le sys- tème de plancher développé après 2008 lui a permis d’injecter de grande quantités de liquidité, ce qui a étouffé l'activité interbancaire, provoquéunepénurie d'actifs et réduit l'écart entre les taux courts et longs. Cependant, normaliser la politique monétaire n’est pas une tâche facile et nécessite de trouver le bon équilibre.Réduirelaliquiditépourcontrôlerl'inflation sans freiner la croissance économique est un défi majeur. À l'inverse, laisser trop de liquidité dans le systèmepeut alimenter l'inflation. LaBCEdoit avan- cer prudemment dans cet environnement, en assu- rant la stabilité financière et en minimisant les per- turbations et la volatilité dumarché. Pour relever ce défi, la BCE dispose de plusieurs outils de gestion de la liquidité. Le resserrement quantitatif peut l’aider à réduire progressivement la taille de son bilan en laissant les actifs arriver à échéancesanslesréinvestir.Ellepeutégalementajus- ter ces injections de liquidité et proposer des adjudi- cations partielles, rendant l'accès aux fonds à faible coût moins automatique. Augmenterlesexigencesderéservepourlesbanques etréduirelarémunérationdesdépôtsgouvernemen- taux à la BCE sont d’autres options pouvant contribuer à réduire l’excès de liquidité. Bien que les détails précis du futur cadre de la BCE soient encore en discussion, la nécessité d’une approche plus flexible dépassant les systèmes traditionnels de corridor et de plancher est admise. Ce pro- chain cadre pourrait inclure un système de plancher piloté par la demande ou une approche hybride. Le premier permettrait aux banques d'emprunter auprès de la BCE selon leurs besoins, alignant ainsi l'offre de liqui- dités sur les demandes du marché pour une meilleure efficacité.Lasecondecombine- rait les élémentsdes systèmesde corridor et deplan- cher, enmaintenant des réserves excédentairespour assurer la stabilité, tout enbénéficiant de laprécision du système de corridor. Les mesures potentielles de la BCE pour réduire la liquidité pourraient transformer les marchés moné- taires après des années de taux d'intérêt très bas, voire négatifs. Réduire l’excès de liquidité pourrait entraîner un découplage entre un taux de référence de la zone euro (l’€STR) et le taux de dépôt, aug- mentant potentiellement les coûtsd'emprunt à court terme pour les banques. Avecunaccès réduit àdes fondsmoins coûteuxde la BCE, les banques pourraient se tourner davantage vers le marché interbancaire, stimulant l'émission de papier commercial et influençant les taux d'intérêt à court terme, comme l'Euribor. Cettesituationpourraitfavoriserlesfondsmonétaires, les rendant ànouveauattractifspour les investisseurs enquêtedesécuritéetderendementspotentiellement supérieurs à ceux des dépôts bancaires traditionnels. De plus, les fondsmonétaires offrent une solutionde diversification, permettant à tous d’investir dans des actifs financiers à court terme de grande qualité. La décision de la BCE d’opter pour une politique plus unifiée marque un nouveau paradigme pour la zone euro. Bien que les détails des futurs instru- ments restent à préciser, avec des annonces repor- tées à 2026, le marché monétaire pourrait bien renaître de ses cendres. Avec la perspective d’une intensification de l’activité sur le marché interban- caire et d’un rôle renouvelé des fonds monétaires en tant qu’acteurs clés du système financier euro- péen, l’horizon semble dégagé pour les stratégies monétaires. Juillet / Août 2024 3 AGEFI Luxembourg Economie / Banques I n July 2024, the PwCMonthly Barometer reached -2, indica- ting amarginal improvement of +1 fromthe previousmonth’s figure, with themajor economic confidence indicators not sho- wing significant variation inboth Luxembourg and the EuroArea. Business confidence in Luxembourg is currently grappling with challenges stemming from modest economic growthforecastsandpersistentdemand issues. According to STATEC, the real GDP of Luxembourg is projected to grow by 1.5% in 2024. This represents an improvement from the -1.1% recor- ded in 2023, although it still falls below thehistoricalaverage.Economicgrowth isstillhinderedbydemanddeficiencies, which are further impacting business confidence. In the second quarter of the year, half of the companies surveyed in theindustryandconstructionsectorsby STATECreportedthatalackofdemand was affecting their businesses. While this proportion has slightly decreasedinindustry,itcontinuestorise in construction. In non-financial ser- vices,around25%ofrespondentsrepor- ted insufficient demand. These results align with business confidence indica- tors, which have improved in industry and services but continue to decline in construction. Inflation also plays a cru- cial role. STATEC projects that inflation will average 2.3% this year, with an increaseto2.6%in2025,showinga0.5% downward revision from theMay 2024 forecast. In response to recent govern- ment announcements, the forecast now incorporatesaceilingonelectricityprice hikes at +30% in 2025, down from the previously anticipated +60%. Looking ahead, the expected easing ofmonetary policy is anticipated to stimulate demand, with effects likely to manifest next year, as economic growth is pro- jected to bounce back at 3.0%. In June, the ECB took its first step by reducing the official interest rate by 0.25%to4.25%.ECBPresidentChristine Lagarde mentioned that recent policy actions have helped stabilize inflation expectations, and it is anticipated that inflation will return to 2% sustainably in the second half of 2025. However, Lagarde warned that uncertainties remain about future inflation and emphasized the need for more data to mitigatetherisksofsurpassingtheinfla- tion target. Despite the still high level of rates,economicactivityintheEuroArea continued to grow at the end of the secondquarter, although the expansion slowedtoathree-monthlow.Thisslow- down was attributed to softening demand, with new orders decreasing forthefirsttimesinceFebruary,sugges- ting a further cooling of inflation in the second half of the year. At the global scale, the World Bank's latest report predicts economic stabili- zation this year, with GDP growth at 2.6% in 2024, increasing to an average of 2.7% from 2025-2026, though still below pre-pandemic levels (3.1% on average in the decade before COVID- 19). The US Federal Reserve has main- tainedinterestratesat5.25%-5.50%inits last meeting as Chair Jerome Powell expressed satisfaction with the current rates and cautioned against premature cuts until clear economic signals justify a change. However, challenges persist in achieving stabilization, including the need to manage inflation and meet moderate growth expectations. Ongoing conflicts in Europe and the Middle East, coupledwith still elevated core inflation rates, underscore the eco- nomic pressures. Trade opportunities have also been constrained, with nearly 3,000traderestrictionsimposedglobally in 2023. Moreover, significant climate- relatedcostsfurthercomplicatethisglo- bal scenario. These challenges collecti- velyrepresentbarriersthatcouldhinder the current global economic trend. The monthly PwC barometer, in collaboration with AGEFI Luxembourg, is an economic confi- dence indicator that is intended to be a simple and pragmatic tool aimed at capturing the economic atmosphere of the GrandDuchy eachmonth. The indicatorisbasedonanumberofsentimentindices publishedmonthlybyEurostatandSentix,which are based on surveys (businesses, consumers or investors/analysts). Theindicatorsusedare:consumerconfidence(EA for euro area and LUX for Luxembourg), indus- trial confidence (EA and LUX), construction confidence (EA and LUX), financial confidence (EA), retail confidence (EA), services confidence (EA)andtheSentixIndex(EA). Theevolutionof thebarometeroverthepastfouryearsisdisplayed on the graph below. PwCMarketResearchCentre, IHSMarkit,Sentix,STATEC The monthly PwC Barometer Suite page Une Ainsi, alors qu’historiquement les entre- prises européennes de secteurs défensifs étaient surreprésentées au sein des indices « hauts dividendes », on observe aujourd’hui que de plus en plus d’entre- prises américaines, notamment dans le secteur de la technologie, mais aussi japo- naises et de pays émergents, commencent à distribuer des dividendes. Au moment où la concentration de la performance inquiète dans cer- tains marchés comme les États- Unis, adopter une stratégie glo- bale orientée sur la génération de dividendes contribue donc à une meilleure diversification. Sur lesmarchés obligataires c’est le même constat. Les rendements nominaux des obligations souveraines sont actuellement au plus haut depuis 15 ans et se comparent favora- blement aux taux des dépôts. C’est encore davan- tage le cas pour les obligations d’entreprises dont les rendements oscillent entre 4 % et 8 % en fonc- tion de la région et de la qualité de crédit des émet- teurs. Il est vrai que la performance des indices obligataires a souffert de la remontée des taux ces derniers mois mais les rendements obligataires élevés actuels sont néanmoins une aubaine pour les investisseurs puisqu’ils déterminent le niveau des coupons des obligations nouvellement émises qu’ils sont légalement tenus de payer tout au long de la vie de l’obligation. Les investisseurs s’assurent ainsi d’un rendement élevé et stable jusqu’à ce que l’obligation arrive à échéance et ils devraient en outre bénéficier de gains en capitaux lorsque les taux baisse- ront dans le sillage de la normalisation de la politique monétaire des banques cen- trales. Dans ce contexte, les épargnants euro- péens gagneraient à diversifier davan- tage leur patrimoine en réduisant notam- ment la part des liquidités au profit des autres classes d’actifs génératrices de ren- dement. Ce faisant, il ne s’agit pas de faire un pari à court terme sur les marchés financiers, dont les performances sont difficiles à prédire, mais bien de s’y exposer dura- blement pour capter un rendement plus élevé et stable que celui des liqui- dités tout en bénéficiant de perspectives de per- formances supérieures à moyen et long terme. Piloter ses investissements sur les marchés finan- ciers avec un « prisme rendement » permet d’une part, de se baser sur des éléments tangibles et pré- visibles comme les dividendes et les coupons et d’autre part, d’avoir une approche plus défensive puisque les revenus doperont le rendement lorsque les marchés montent mais surtout, ils réduiront l’impact des baisses de marchés. En conclusion, il n’y a pas de fatalité, la baisse des taux n’est pas nécessairement synonyme de baisse de rendement pour les épargnants européens mais pour cela il faut qu’ils diversifient leur patri- moine financier à d’autres sources de rendement que les liquidités. En bref, il est temps de faire tra- vailler son capital davantage pour pouvoir profiter encore mieux de la période estivale qui com- mence. Bonnes vacances ! 1) Avec des maturités jusqu’à 2 ans 2) ECB, May 2024 3) OECD (2024), Household financial assets (Indicators). DOI 10.1787/7519b9dc-en (accessed on 21 May 2024) 4) European Fund and Asset Management Association, “Trends in the European Investment Fund Industry – Results for the Full Year of 2023” & “EFAMA Investment Fund Industry Fact Sheet April 2024” Vincent JUVYNS, Global Market Strategist, J.P. Morgan Asset Management Cet été, faites travailler votre capital davantage ! L a Banque centrale européenne (BCE) a besoinde plus de temps pour conclure que l'inflation se dirige vers les 2%, les développements économiques indiquant qu'il n'y a pas d'urgence à baisser les taux, a déclaré lundi 1 er juillet la présidente de l'ins- titution financièreChristine Lagarde. La BCE a procédé à une première baisse de taux en juin mais affirme que les perspectives sont bien trop incertainespourannoncerunedeuxièmebaisse."Cela peut prendre du temps pour que l'on collecte assez de données et être sûr que les risques d'une inflation supérieureàl'objectifsontécartés",adéclaréChristine LagardelorsduforumdelaBCEàSintra,auPortugal. "Le marché du travail robuste signifie que l'on peut prendredutempspourrassemblerdenouvellesinfor- mations", a-t-elle ajouté. La BCE est sur une ligne de crête, essayant de faire face à l'incertitude inflationniste et une croissance fai- ble.L'incertitudeinciteàuneréductiondestaux,mais lafaiblesseéconomiquepersistanterenforcelesargu- ments en faveur d'un assouplissement, posant un dilemme pour l'institution financière. Christine Lagardeareconnuqueleblocn'étaitpasàl'abrid'une récession,malgréunregaindecroissancemodesteau dernier trimestre. "Nous devons être conscients que les perspectives de croissances restes incertaines." Les investisseurs estiment que les inquiétudes liées à l'inflation l'emporteront sur les craintes de récession etquelaBCEprendrasontempspourbaisserlestaux, notammentdepuisquelaRéservefédéraleaaussifait preuve de patience. Ils parient désormais sur une ou deuxbaissesdestauxcetteannéeetquatred'icià2025. Source : Reuters La BCE n'est pas pressée de baisser encore ses taux ©Reuters Le Phénix monétaire prêt à renaître de ses cendres

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