Agefi Luxembourg - juillet août 2024

Juillet / Août 2024 19 AGEFI Luxembourg Assurances Analyse Schroders L es assurances sont un outil essentiel de gestiondes risques.Mais elles peuvent également constituer un outil de diversification rentable et impor- tant pour les portefeuilles d’inves- tissement, enparticulier lorsque les investissements traditionnels sont endifficulté. L’un des moyens pour les investisseurs d’accéder aumarchéde l’assurance est de recourir à des titres liés à l’assurance (In- surance Linked Securities - ILS). Les ILS sont un moyen pour les assureurs de gérer leurs risques et de générer poten- tiellement des profits, en transférant une partie de leurs risques d’assurance à des investisseurs du marché des capitaux. Cela signifie que les investisseurs ILS se comportent comme une société de réas- surance,quireçoitdesprimesenéchange de l’acceptation du risque de perte. Comment fonctionnent les ILS ? Les ILS existent sous diverses formes, y comprisdesinstrumentspublicsnégocia- bles (par exemple, des obligations catas- trophesou«catbonds»)etdestitresprivés nonnégociables(actionspréférentielleset billets)émispardesvéhiculesàusagespé- cial.Cestitresontunestructuredifférente de celle des obligations d’entreprise ou d’État.Contrairementauxobligationstra- ditionnelles, les cat bonds ne sont pas di- rectement exposés au risque de crédit de l’émetteur.Celasignifiequelasantéfinan- cière de l’émetteur n’affecte pas la valeur de l’obligation. En revanche, la détermi- nation du risque de perte pour les ILS se concentresurlaprobabilitédesurvenance des risques définis. AveclesILS,telsquelescatbonds,l’inves- tisseur reçoit des paiements réguliers de coupons basés sur des primes dès lors qu’aucun événement déclencheur — tel qu’un ouragan—ne se produit au cours de la période convenue. Le capital est remboursé à la fin de la durée du place- ment. Toutefois, si l’un des événements spécifiés se produit, une partie ou la tota- lité du capital est utilisée pour couvrir les pertesassurées,cequientraîneuneréduc- tion ou une cessation des paiements de coupons à l’investisseur. À l’échéance, le montant du remboursement du capital peut être nul ou inférieur. La performance des ILS est donc déter- minée par des événements naturels plu- tôt que par les actions des entreprises. Cela signifie que les rendements ne sont pas corrélés avec les classes d’actifs tra- ditionnelles, dont les rendements sont plus étroitement liés à des facteurs tels que la force ou la faiblessede l’économie, les bonnes ou mauvaises performances des entreprises ou les préoccupations géopolitiques. Quels sont les principaux avantages d’un investissement dans les ILS? L’investissement dans des obligations liées à l’assurance présente plusieurs avantages par rapport aux obligations d’entreprise. Les principaux avantages de l’investisse- ment dans les ILS sont les suivants : 1. Faible corrélation et diversification : Les ILS ne sont pas directement corrélés avec les classes d’actifs traditionnelles telles que les actions et les obligations. Cela signifie que leur performance est moins affectée par les fluctuations du marché ou les conditions économiques. Les récentes hausses de taux d’intérêt et leur impact sur l’économie ou la possibi- litéd’unatterrissageendouceuroud’une récessionen2024nedevraientpasinquié- ter les investisseurs dans les ILS. Les ILS, comme les cat bonds, ont une source de rendement unique: leur prime de risque est dérivée de la probabilité d’occurrence de certaines catastrophes naturelles. Cela signifie que les cat bonds ne sont pas cor- rélés au cycle du crédit ou à d’autres classes d’actifs et qu’ils agissent comme des diversificateurs dans un portefeuille. 2. Des rendements attractifs : En raison delanaturedesrisques,cesobligationsof- frentsouventdestauxd’intérêtnominaux plus élevés que les titres à revenufixe tra- ditionnels. Les rendements sont conçus pour rémunérer les investisseurs qui prennent un risque d’assurance. 3. Réduction du risque de portefeuille : La nature non corrélée des ILS peut contribuer à réduire le risque du porte- feuille.LesILSétantliésàdesrisquesd’as- surance spécifiques, ils peuvent être plus résistants et servir de couverture pour at- ténuerl’impactdesbaissesplusgénérales dumarché sur le portefeuille. 4.Générationde revenus : Denombreux ILS offrent des rendements attrayants pour dédommager les investisseurs qui prennent des risques d’assurance. Ces tauxdecouponplusélevéspeuventfour- nirunfluxderevenuspotentielsindépen- dantdesfluctuationsdestauxd’intérêtou des paiements de dividendes d’actions. 5. Risques liés aux conditions météoro- logiquesetrisquesdecrédit: Parrapport aux obligations d’entreprises tradition- nelles,lesinvestisseursdanslesILSéchan- gent le risque de crédit contre le risque lié aux conditions météorologiques. Alors que les obligations d’entreprises dépen- dentdelasolvabilitédel’émetteur,lesILS sontliésàlasurvenanced’événementsna- turels spécifiques. C’est pourquoi la plu- part des ILS ne sont pas notés par les agences de notation comme le sont les obligations d’entreprise ou d’État. Ce changementdeprofilderisquepeutoffrir auxinvestisseursdesavantagesentermes de diversification, en particulier pendant les périodes de ralentissement écono- mique où les risques de crédit ont ten- dance à augmenter. L’investissement dans les assurances peut être rentable Performance des ILSpar rapport aux autres classes d’actifs Par Helena FINN, Counsel, Insurance, A&OShearman Luxembourg et Constantin BEYTOUT, Senior Associate, Insurance, A&O Shearman Paris L a loi française du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, dite «Loi Industrie Verte» (la oi) cherche à répondre à la de- mande des épargnants français de placements favorisant la transi- tion écologique (1) , en prévoyant des mesures destinées à mo- biliser l’épargne privée des français pour financer l’indus- trie verte. Cette nouvelle législation introduit des dispositionsimpactantdirectementlesec- teur des assurances, et plus spécifique- ment la réglementation enmatière d’assurance-vie. Si certaines dispositions sont entrées en vigueur dès le1 er janvier2024,lesassureurss’attendentnéanmoins à un été studieux, afin d’anticiper au mieux la date d’entréeenvigueurdelamajoritédesmesures,prévue pourle24octobre2024,etced’autantplusquelemois de juin a été ponctué par la publicationde nombreux décrets et arrêtés précisant les dispositions de la Loi. Avec une exposition significative des assureurs luxembourgeoisaumarchéfrançais,notammentdans lesecteurdel’assurancevie,avecdesactivitésopérées en libre prestation de services ( LPS ) (le marché fran- çais représentant 47%dumarché global des produits distribués enLPS (2) )mais aussi en libre établissement, il est primordial pour les assureurs de revoir les dis- positionsdelaLoiafindes’assurerdesonapplicabilité (ounon) à leurs activités et contrats. Dans cette optique, le présent article se propose de soulever les principaux apports de la Loi à date dans le secteur des assurances, ainsi que ses principales ré- percussions sur les assureurs luxembourgeois. Incitation à l’investissement d’unités de compte (UC) dans des actifs labélisés Dansleprolongementdelaloidu29mai2019diteloi « Pacte », qui avaitmarquéunepremièreétape concer- nant le référencement des labels d’Etat, la Loi prévoit dorénavant que pour chaque label reconnupar l’Etat autitredufinancementdelatransitionénergétiqueet écologiqueoudel’investissementsocialementrespon- sable,lecontratd’assurancefasseréférenceàaumoins une UC constituée de valeurs mobilières ou d’actifs ayant obtenu ce label. Cela suppose en pratique que le contrat d’assurance fasseréférenceàaumoinsuneUCpourchacundeces labels–siaujourd’huiseulementdeuxlabelsexistent (3) , àsavoirlelabelinvestissementsocialementresponsa- ble ( ISR ) et le label France finance verte ( Greenfin ), des labels supplémentaires – ou des déclinaisons de ces labels – pourront également être reconnus, aug- mentantpotentiellementlenombred’UCs«labélisés» à inclure dans chaque contrat. Elargissement des actifs éligibles et conditions d’éligibilité de ces actifs Ensusd’uneouverturedesfondslabelisésoffertsaux souscripteursàtraverslesUC,laLoiconsacreunélar- gissement des actifs éligibles à l’assurance-vie et pré- voitdesconditionsdesouscriptionplussouplesdans ce contexte, avec notamment pour objectif soutenir le développement des European Long Term Investment Funds (fonds ELTIF ) français. Plus spécifiquement, la Loi apportera deux change- ments principaux : -admettrel’éligibilité,danslerespectdeconditionste- nantnotammentàlasituationfinancière,auxconnais- sances ou à l’expérience en matière financière du contractant,desUCconstituéesdepartsd’organismes de financement spécialisés (en sus des parts de fonds d’investissementalternatifsouvertsàdesinvestisseurs professionnels, actuellement éligibles) ; - écarter l’application des conditions tenant notam- ment à la situationfinancière, aux connaissances ouà l’expérience en matière financière du contractant lorsque(i)lefondsareçul’autorisationd’utiliserladé- nomination «ELTIF», ouvrant ainsi assez largement leur commercialisation auprès d’investisseurs de dé- tail et (ii) lorsque le contrat a fait l’objet d’unmandat d’arbitrage. Encadrement dumandat d’arbitrage LaLoi vise également à clarifier le régimedumandat d’arbitrage, lequel est désormais défini comme « la convention par laquelle le souscripteur ou l’adhérent à un contrat d’assurance sur la vie ou de capitalisation, agissant en qualité de mandant, confie à une personne physique oumorale, agissant dans le cadre de ses activités commerciales ou profession- nelles et enqualité demandataire, la faculté de décider des arbitrages ». Dans la droite ligne de la jurispru- dence de la Cour de justice de l’Union européenne (4) la Loi clarifie le fait que l’activité de mandataire est restreinte aux seuls intermédiaires et entre- prises d’assurance. La Loi pré- cise cependant, dans des termes abstraits, et dont la portée reste encore à déterminer, que la délégation de « l’exécution des opéra- tions relevant du mandat d’arbitrage » à un presta- taire de services d’inves- tissement qui ne serait pas immatriculé à l’ORIAS (5) est possible, sous réserve qu’elle soit expressément prévue dans le mandat et que ces opérations soient réalisées conformément aux termesde la conventiondeman- dat,souslaresponsabilitédumandataire.Lecontenu delaconventiondemandatetlesinformationstrans- mises aumandant ont également étéprécisésparun décret n° 2024-572 publié le 21 juin 2024. Obligationde l’assureur demettre en place une stratégie d’investissement A compter du 24 octobre 2024, la Loi impose que les contratsd’assurance-vieenUCprévoientlafacultéde choisirunestratégied’investissement(miseenœuvre enapplicationd’unmandatd’arbitrage)selondespro- fils d’allocation de l’épargne. Cette faculté a été préci- sée par un arrêté du 1 er juillet 2024, qui prévoit trois profils qui devront tenir compte du niveau d’exposi- tion aux risques financiers, de l’horizon de détention et de l’espérance de rendement pour le souscripteur. Ces trois profils peuvent être résumés comme suit : -profilprudent(aumoins50%d’engagementsàfaible risque) ; - profil équilibré (aumoins 30%d’engagements à fai- ble risque et aumoins 4%d’investissement dans des fonds ELTIF) ; et - profil dynamique (au moins 20% d’engagements à faible risque et au moins 8% d’investissement dans des fonds ELTIF). Renforcement des obligations d’informationde l’assureur LaLoi renforce également lesobligationsd’informa- tion de l’assureur envers les souscripteurs ainsi que le devoir de conseil de l’assureur ou de l’intermé- diaire, afinde le rendre effectif tout au longde la vie du contrat. En particulier, un nouvel article prévoit désormais que l’assureur ou l’intermédiaire devra s’assurer que le contrat demeure approprié aux exi- gences et aux besoins exprimés et informer le sous- cripteur si tel n’est plus le cas (par exemple, à l’occasion d’une opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative). Souplesse autour de la déterminationde la valeur liquidative pour les actifs non cotés Le délai laissé aux assureurs pour restituer le capital en cas de rachat sous une police d’assurance étant parfoisestiméinsuffisant,notammentpourlesfonds investis dans des actifs non cotés, la Loi prévoit qu’à compterdu24octobre2024, pour lesUCconstituées de tels actifs non cotés, l’assureur pourra sous cer- taines conditions recourir à des valeurs estimatives pour réaliser les opérations i.a . de versement de primes ou encore de rachat, dès lors que le délai sé- parantlapublicationdedeuxvaleursliquidativesest supérieur ou égal à 2mois. Les conditionsde calcul et depublicationde lavaleur estimativeetlesmodalitésderecoursontétéfixéespar un décret publié le 12 juin 2024, lequel prévoit égale- ment que des indemnités peuvent s’appliquer. Au vu des changements qu’elle engendre, la Loi entraîne des répercussions, à la fois directes et in- directes, sur les compagnies d’assurance Luxem- bourgeoises qui exercent leurs activités en France, que ce soit sous le régime de la LPS ou par le biais d’établissements fixes. CetteLoinécessiteranotammentquelesassureursré- examinent les contrats d’assurance qu’ils proposent sur le marché français pour garantir leur conformité avec les nouvelles exigences légales, en particulier en cequiconcernelagestiondesUCetdeleursmandats d’arbitrage.Parailleurs,cetteLoipourraitcréerdesop- portunitésinéditespourlesassureursluxembourgeois dediversifierlesactifssous-jacentsàleurspolicesd’as- surance,ens’appuyantnotammentsurleprincipedu levelplayingfielden cequiconcernel’éligibilitéetdesli- mites d’investissement établies par la lettre circulaire 15/3 duCommissariat auxAssurances ( LC15/3 ). La Loi soulève enfin une interrogation plus large sur son impact sur la compétitivité des produits d’assu- rance vie luxembourgeois, notamment en ce qui concerne la gamme d’actifs éligibles selon la LC 15/3, face au marché français, qui pourrait offrir des pro- duits d’assurance plus innovants ou, du moins, plus « verts »,cequisembleêtreenligneaveclesattentesdes épargnants, dumoins français. 1) Compte renduduConseil desministres du 16mai 2023 sur le projetdeloirelatifàl’industrieverte. 2)Leschiffresdusecteur|ACA. 3)Lalistedeceslabelsainsiquelescritèresetlesmodalitésdeleur délivrance ont été précisés par un décret n° 2023-1180 du 13 dé- cembre2023(C.ass.art.D.131-1-5auCodedesassurances). 4)AffaireC-542/16du31mai2018. 5)Organismepourleregistreuniquedesintermédiairesenassu- rance,banqueetfinance. Loi française dite “ loi industrie verte ”, quelles répercussions sur les compagnies d’assurance luxembourgeoises ?

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