AGEFI Luxembourg - septembre 2023
AGEFI Luxembourg 10 Septembre 2023 Economie Par Carlo THELEN, directeur de la Chambre de Commerce * E npériode pré-électorale, les programmes des différents partis politiques comportent souvent des propositions dont le coût àmoyen et long terme pour la société et les contribuables et le fi- nancement afférent ne sont pas dé- taillés. Parfois, des solutions simplistes sont avancées, comme une mise à contributionplus importante du capital oudes personnesmorales. Et par- fois, l’argument est avancé qu’auLuxem- bourg, l’impositiondu travail et des personnes physiques serait plus lourde que celle du capital et des entreprises. Il s’agit là sans aucundoute d’une chi- mère qui repose sur une analyse biaisée de la contri- bution fiscale directe et indirecte des acteurs économiques et de l’attractivité actuelle duLuxembourg quant à la taxation des personnesmorales et des entreprises. Cette chimère repose également sur l’illusoire certi- tude que les investisseurs qui ont fait le choix du Grand-Duché ne puissent pas aller voir ailleurs si l’herbe y est un jour plus verte. Plus que tout autre Etatmembrede l’Unioneuropéenne (UE), laprospé- ritéduLuxembourgreposesursonpouvoirdeséduc- tion auprès des talents et investisseurs étrangers. Lescomparaisonsétabliesentrelepoidsd’imposition respectivement des personnes physiques (d’ailleurs, en2020,leLuxembourgcomptaitquelque6.075entre- prises individuelles imposées sous le régimedesper- sonnesphysiques)etentreprisesetsociétés(imposées sous le régime des personnes morales) ne font pour- tant guère de sens économiquement, sont stériles, et ne peuvent que nuire à la cohésion sociale. En effet, les entreprises et les particuliers sont étroitement liés sur le plan socio-économique. Les entreprises prospèrent grâce à la demande des consommateurs. Une imposition excessive des parti- culierspourraitréduireleurpouvoird’achatetaffaiblir la demande de biens et services adressée aux entre- prises.Demême,uneimpositionexcessivedesentre- prises et un manque d’attractivité et de prévisibilité en matière de politique fiscale peuvent réduire leur capacité à investir, à créer des emplois et à soutenir la croissance économique. Pour toutes les catégories de contribuables,l’adage“tropd’impôttuel’impôt”reste pertinent. Les entreprises luxembourgeoises contribuent largement aux recettes fiscales Si l’impôt sur les bénéfices des sociétés représentait 11,7%du total des recettes fiscales de l’Etat en 2021 selon l’OCDE et puisse être considéré comme relati- vement faible, il est dans les faits élevé comparativement à nos pays voisins. En effet, ce pourcentage n’atteignait pour cette même année que 5,9% en Allemagne, 5,6% en France et 9,0% en Belgique.Lestauxdecotisationssociales sont relativement plus faibles au Luxembourg, ce dont nous pou- vons nous réjouir, car c’est un élément essentiel pour conserver une cer- taine compétitivité alors que notre écono- miesouffreducoûtdu travail le plus élevé de l’UE. Malgré tout, c’est encore au Luxembourg que les entreprises contribuent le plus aux recettes fiscales totales lorsque l’on intègre les cotisations patronales payées. Lacontributionimportantedesentreprisesaubudget de l’Etat ne s’arrête pas là. Une large part des impôts payés sur le patrimoine, là encore supérieurs au Grand-Duché par rapport aux pays voisins, leur est imputable via l’impôt sur la fortune, qui a rapporté 878 millions d’euros en 2022 au budget de l’Etat. Du fait que le Luxembourg est un des seuls Etats en Europe à l’appliquer, cet impôt risque de nuire à l’at- tractivitédupays enmatière fiscale auprèsdes inves- tisseurs. L’impôt sur la fortune est un impôt qui a confirmé au fil du temps son caractère anti-écono- mique,accentuéparleniveauélevédestauxd’intérêt. En effet, l’impôt sur la fortune limite la capacité des entreprises à s’autofinancer via leurs fonds propres, unevoieàprivilégieraumomentoùlestauxd’intérêts augmentent. S’il est difficile de supprimer cet impôt en raisonde son importancepour les recettes fiscales, il est nécessaire de s’accorder sur une feuille de route prévoyant des baisses de son taux. En attendant, les déductions de cet impôt pour les entreprises qui ren- forcent leur bilan pourraient être étendues, ceci afin de limiter les effets négatifs de l’impôt sur la fortune sur la constitution de fonds propres. Pour rappel, cet impôt est à charge des seules entreprises et n’existe plus pour les personnes physiques. Les entreprises contribuent donc davantage aux recettes fiscales auLuxembourgqu’enAllemagne, en FranceouenBelgique.Unefortecapacitécontributive des entreprises aux recettes de l’Etat n’est cependant ni un automatisme, ni une évidence ; elle dépend directementdel’attractivitédusiteéconomique(com- posémajoritairementd’entreprisesdeservices,finan- ciersetnon-financiers),ducadrelégaletrèglementaire et du système fiscal s’appliquant aux agents écono- miques(consommateurs,producteurs,investisseurs). Sicetteattractivitéétaitsouventconsidéréeplutôtéle- vée au Grand-Duché dans le passé, en comparaison avec les pays voisins notamment, ce facteur de com- pétitivitéimportantestdésormaismenacé,suiteàdes modificationsappliquéesausystèmefiscal,découlant entreautresdenouvelles règles européennes et inter- nationales et d’une réduction de la prévisibilité en matière fiscale. La baisse d’attractivité enmatière fiscale Les entreprises luxembourgeoises estiment que les politiques fiscales nationales en font unedestination moins attractive comparée aux autres pays où elles investissent. C’est le cas, selon le Luxembourgish Attractiveness Survey 2023 pour 35% d’entre elles, contre27%qui considèrent que lespolitiques fiscales luxembourgeoises rendent le pays plus attractif. Cette enquête n’existe que depuis deux ans, mais il est fort à parier que l’attractivité fiscale luxembour- geoiseaurait étéperçuebeaucouppluspositivement il y a de cela 10 ou 15 ans. Aujourd’hui, les entreprises, les investisseurs et notamment les acteurs de la place financière ont des attentesenmatièredefiscalité.Cesderniersontplacé la nécessité d’une fiscalité plus attractive en tête des besoins pour maintenir l’attractivité et la compétiti- vité de la place financière au sein du dernier Baromètre de l’Economie, devant le recours accru au télétravail et un meilleur cadre réglementaire pour attirer les talents. Rappelons que l’industrie des fonds est notamment pénalisée au Luxembourg par la taxe d’abonnement dansuncontextedecompétitioncroissantesurcesec- teurvis-à-visde concurrents telsque l’Irlande.Aucun autreEtatmembredel’UEnesoumetàlataxationles avoirsnetsdesfondsd’investissementquisontétablis sur leur territoire. Leprojet de loi visant àmoderniser lecadrelégislatifrégissantlesfondsd’investissement, adopté le 11 juillet 2023 par laChambre desDéputés, est à saluer et constitue unmotif d’espoir d’un regain d’attractivitéduterritoireluxembourgeoispourcesec- teur,sachantqueleprojetvaau-delàdelacomposante fiscale.Lesdécideurspolitiquesdevront,aucoursdes moisàvenir,demeureràl’écoutedecetteindustrieen constante évolution pour lui offrir le cadre le plus compétitifauniveauinternational;lapartdesrecettes fiscales générées directement et indirectement par ce secteur étant très élevée, pesant 76%des revenus fis- cauxdel’impôtsurlerevenudescollectivités(IRC)et 70%de l’impôt commercial communal (ICC) en2021 selon laChambre des députés. Quelques pistes pour rendre plus attractif notre système fiscal Demanière générale, gagner en attractivité fiscale est une nécessité pour rétablir la compétitivité du site luxembourgeois et de sa place financière, vecteur indispensable pour créer la richesse à l’origine de la prospérité socio-économique duLuxembourg. Pour ce faire, il s’agirait de faire converger le tauxglo- bal d’affiche de l’impôt des sociétés, aujourd’hui à 25%, vers lamédiane européenne de 21%. Petite éco- nomie fortement dépendante des investisseurs euro- péens et internationaux, leLuxembourgnepeut plus sepermettred’appliqueruntauxd’impôtsurlessocié- tés plus élevé que ses partenaires de l’UE. Cette baisse devrait s’accompagner – comme men- tionnée ci-avant -, d’une refonte de l’impôt sur la for- tune et de la taxe d’abonnement qui constituent des “onéreuses singularités”denotre système fiscal pour les acteurs économiques, tout particulièrement de la place financière. La mise en place d’incitants fiscaux, commeune super-déduction, visant à encourager les investissements dédiés aux transitions écologiques et numériques, est unepropositionde longuedatede la ChambredeCommerce.L’annoncece12juilletd’une “modificationenprofondeur”delabonificationd’im- pôt pour investissement, applicable dès janvier 2024, est à saluer. En revanche, le développement des star- tups doit être soutenu encore davantage en introdui- sant une réduction d’impôt (tax shelter) pour leurs financeurs ou des primes défiscalisées (1) . Des inten- tions de soutien qui figurent dans la feuille de route de ministère de l’Economie présentée récemment, et qu’il convient de rapidementmettre enoeuvre. Lafiscalitéestuninstrumentmajeurdepolitiqueéco- nomique, le terreaude l’attractivité et de la compétiti- vité de l’économie luxembourgeoise, deux facteurs indispensables pour la diversification et le dévelop- pement présent et futur du Luxembourg. Des mesures fiscales innovantes et stimulantes peuvent certes comporter un déchet fiscal à court ou moyen termes, mais elles doivent in fine permettre de créer de nouvelles activités économiques générant les recettes fiscales renflouant le budget de l’Etat. En parallèle, les dépenses publiques doivent tendre vers davantage d’efficience (via une digitalisation accrue desservicespublics,unmeilleurciblagedestransferts sociaux, des investissements ambitieux et clairement définis, etc.) et ce envue de finances publiques saines et équilibrées, garantes du tripleA luxembourgeois. * https://www.carlothelenblog.lu/ 1) Toutes ces propositions font parties intégrantes de la contribution de la Chambre de Commerce dans le cadre des élections législatives 2023 : Dossier Elections 2023 – Quel avenir pour les entreprises ? (https://www.carlothelenblog.lu/?page_id=1308) Le devoir de séduction L eGrand-Duché de Luxem- bourg, représenté par Franz Fayot, ministre de laCoopé- ration et de l'Actionhumanitaire, et YurikoBackes, ministre des Fi- nances, s'est engagé à allouer un montant supplémentaire de 4,8 millions d'euros au Fonds pour l'inclusion financière (FIF) de BEI Monde, ce qui porte la taille totale du Fonds à 11,5millions d'euros. La conventionde contribution a été signée le 18 juillet 2023 au siège de la BEI à Luxembourg. Le FIF continuera de fournir un soutien auxprestatairesde services financiers qui seconcentrentsurlesgroupesvulnérables telsquelesjeunes,lesfemmesetlespopu- lations rurales dans les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Le FIFa été lancé en2019pour poursuivre le partenariat de longue date que la BEI a mis en place avec le ministère des FinancesetleministèredesAffairesétran- gères et européennes dans ledomainede lamicrofinance. Le FIF renforce la capacité des contrepar- ties actuelles ou potentielles de la BEI en matièredemicrofinanceetaxesesactivités surdesfrangesgénéralementdéfavorisées de la population. Ce faisant, il contribue à la réalisation des objectifs de développe- ment durable des Nations unies, notam- ment«Pasdepauvreté»(ODD1),«Égalité entrelessexes»(ODD5)et«Travaildécent et croissance économique» (ODD8). Depuis sa création, le Fonds a accordé 32 subventions pour le renforcement des capacités à divers acteurs du secteur de la finance inclusive dans 25 pays d'Afrique, desCaraïbesetduPacifiqueainsiquedans le voisinage méridional de l'UE. Ces sub- ventions ont été affectées à divers projets: accès des microentrepreneurs et des petites entreprises à des financements via des plateformes numériques, autonomi- sationdes cheffes d'entreprises, améliora- tion des processus de demande et de décaissementdesprêts,ouencoreoffrede comptesd'épargnepourrendrelesclients plus résilients face à différents types de chocs dumarché. Dans le cadre des opérations en cours, le FIF devrait enregistrer de nouveaux résultatsimpressionnants,notammentau moyen de la formation ou de l'encadre- ment de plus de 130.000 membres du personnel et clients d'institutions de microfinance dans les régions ciblées, mais aussi de la fourniture d'un accès au financement à 600.000 personnes dans desrégionsreculéesetruralesdeZambie, du déploiement de services bancaires numériques à des milliers de personnes en Afrique subsaharienne ou de la mise à disposition de produits financiers à 200.000microentrepreneuses. Lesprojets qui pourront être mis en œuvre grâce à la contribution signée le 18 juillet seront axés sur la promotion de l'autonomisa- tion économique des femmes (50% des projets devraient viser l'égalité entre les sexes et l'inclusion sociale), sur le main- tien de l'action climatique et de la dura- bilité environnementale par un soutien à l'agriculture durable, et sur la transition numériquedans lespays lesmoins avan- cés et les pays à revenu faible et intermé- diaire dans lemonde. Werner Hoyer, président de la BEI : «La finance s'avère d'une importance cruciale pour atteindre les objectifs de développe- ment durable des Nations unies. Si nous voulons accélérer les avancées, nous devonsnousreposersurdesmodèlesplus innovants, en particulier en ce qui concerne l'autonomisation des femmes et l'actionenfaveurduclimat.LeFondspour l'inclusion financière est un outil puissant grâce auquel la Banque européenne d'in- vestissement peut apporter un appui essentiel aux institutions de microfinance dumonde entier et générer un impact en matière de développement. Je remercie le gouvernement luxembourgeois pour son soutien de longue date dans ce domaine. Le Fonds pour l'inclusion financière témoigne de notre engagement commun à utiliser la finance pour contribuer à la réalisationdesODD.» YurikoBackes,ministreluxembourgeoise des Finances et gouverneure de la BEI : «Avec une contribution de 4,8 millions d'euros au Fonds pour l'inclusion finan- cière, le Luxembourg vise à soutenir des actionsconcrètesvisantàpromouvoirl'au- tonomisation économique et à améliorer la vie des gens et des communautés dans lemondeentier.Dansleprolongementde nos efforts antérieurs, nous continuerons de donner la priorité à la fourniture d'une assistancetechniqueparl'intermédiairedu Fonds,enciblantdesdomainesclésessen- tiels pour le développement durable, comme l'autonomisation des femmes et l'égalitéentrelessexes,laprotectionducli- mat et de l'environnement, la transition numérique ou la sécurité alimentaire. Cette contribution renouvelée témoigne une fois encore de la forte collaboration entre le Luxembourg et la Banque euro- péenne d'investissement en faveur du financementduchangement.Ellerenforce notre engagement à générer un impact positif et durable.» FranzFayot,ministreluxembourgeoisde la Coopération et de l'Action humani- taire: «Proposerdes services financiersde manière formelle, socialement responsa- ble et financièrement viable peut contri- buer dans une large mesure à la réduc- tion de la pauvreté et à la création d'em- ploisdanslespaysàrevenufaibleetinter- médiaire. Pourtant, le manque de ser- vices financiers accessibles et abordables, enparticulierdans les zones rurales recu- lées, reste un défi majeur. Le Fonds pour l'inclusion financière est à cet égard un instrument essentiel pour surmonter les obstacles à la mise à disposition de ser- vices financiers à fort impact. Par ses acti- vités, il permet une contributionconsidé- rable à la réalisation des ODD.» Source :ministèredesFinances/(BEI) Le Luxembourg étend son soutien au Fonds pour l'inclusion financière de la BEI (de g. à dr.) Kris PEETERS, vice-président de la BEI ; Werner HOYER, président de la BEI ; Yuriko BACKES, ministre des Finances ; Franz FAYOT, ministre de l’Économie ©BEI
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy Nzk5MDI=