Agefi Luxembourg - octobre 2025

Octobre 2025 9 AGEFI Luxembourg Économie Par Christopher DEMBIK, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management C 'est fait. Le coût d'emprunt à 10 ans de la France est désor- mais plus élevé que l'Italie. C'était attendu. Ça n'en reste pas moins une mauvaise nouvelle. C'est la conséquence de l'incapa- cité depuis de nombreuses années à réduire le déficit et de l'instabilité politique récente – un fait nouveau pour la France. Ce déficit devrait atteindre cette année 5,4 % - parmi les plus élevés de l'Union Européenne. Seule la Roumanie fait pire. Petite diffé- rence, le gouvernement roumain a présenté un ambitieux plan structurel en juillet qui devrait significativement améliorer les finances publiques dès l'an prochain. Ce chiffre abstrait de 5,4 % ne permet pas de comprendre la gravité de la situation. Allons dans le détail. Les recettes fiscales sont de 308 milliards d'euros tandis que les dépenses nettes sont de 444 milliards d'euros – ce qui représente un déficit de 139 milliards d'euros. 139 milliards d'euros, c'est l'équivalent de 45 % des recettes de l'État. C'est énorme. Si on ajoute 100 milliards d'euros de remboursement des intérêts des emprunts contractés sur les marchés finan- ciers, le mur devient inévitable. Faut-il paniquer ? Pas tout de suite. Il n'y aura pas de moment Liz Truss pour la France, heureu- sement. Contrairement à ce qu'on a pu lire ici et là, le FMI ne viendra pas à Paris avec sa cohorte d'experts pour baisser les salaires de 20 %. Nous n'en sommes pas là. Les investisseurs étran- gers continuent d'acheter de la dette française, y compris à long terme alors qu'elle est, en principe, plus risquée. Récemment, la France a emprunté pour des échéances à 10 ans et à 30 ans. La demande était au rendez-vous, comme par le passé. Le taux d'emprunt était en revanche plus élevé, reflétant une situation budgétaire dégra- dée. Rien d'anormal. Les investisseurs japonais, qui sont réticents à prendre des risques, conti- nuent de se porter sur la dette française. C'est un signal rassurant. Même l'euro, qui est un bon baromètre du risque souverain, ne montre pas de signe de fébrilité. Pourquoi ce manque de réaction des marchés ? Pour l'instant, les déboires français ne provo- quent pas de contagion au reste de la zone euro – à l'inverse de ce qui s'était produit à partir de 2010 à cause des déboires grecs. Le cas français est un cas à part dans une Europe où quasiment tous les pays ont récemment fourni des efforts de consolidation budgétaire. En l'absence de contagion, la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas vocation à s'attarder sur la situation finan- cière de la France. Dans le pire des cas, si le coût d'emprunt aug- mente un peu trop, elle va acheter temporaire- ment et en catimini un peu de notre dette, comme elle l'a fait en décembre 2024, le temps que la tempête politique passe et que les taux d'emprunt se stabilisent. Comme c'est le cas depuis la crise de 2007-2008, la BCE, par sa seule présence et sa force de frappe potentielle, anni- hile tout risque de crise financière. Le risque est ailleurs Le vrai problème est économique dans l'immédiat. L'incertitude politique intervient au pire moment. Au deuxième trimestre, la croissance française a atteint seulement +0,3%. Le gouvernement anticipe une croissance à +0,7%cette année. C'est optimiste. Le consensus des économistes table sur +0,5%. Ce sera certainement plus bas compte tenu de l'effet négatif sur le moral des chefs d'entreprise et des ménages de l'incertitude politique. Dans tous les cas, c'est un échec comparé à l'an dernier lorsque la croissance était à +1,1%. Et même à cemoment- là, il n'y avait aucune raison d'être satisfait. Tous les moteurs de la croissance française sont en panne : la demande intérieure est quasi nulle, les perspectives d'embauche et d'investissement sont en berne, les hausses de salaire faibles et le com- merce extérieur – même si ça n'a jamais été notre fort – est en chute libre à cause du regain de pro- tectionnisme et du manque de compétitivité de nombreux pans de notre économie. Ajoutons à cela la hausse de l'euro (+13 % face au dollar depuis le début d'année) qui commence sérieuse- ment à pénaliser nos PMEs exportatrices. Une nouvelle dose d'instabilité politique n'aide évi- demment pas. La hausse du coût d'emprunt de la France est nor- male. Et cela va continuer sans toutefois que ça n'atteigne des niveaux de crise. La BCE veille au grain et interviendra pour éviter cela. En revanche, cela va pénaliser l'activité économique. Moins de richesse créée, plus de prélèvements obligatoires pour maintenir notre train de vie. Pourtant, ce serait facile de stopper cette mécanique infernale. Lamoitié de la hausse de la dette publique depuis 2017 est liée aux retraites – et non pas, comme on le croit à tort, aux mesures de soutien liées à la crise sanitaire. C'est le chantier prioritaire. Tôt ou tard, il faudra s'y attaquer ou alors accepter un lent déclassement économique et financier du pays qui se traduira par une paupérisation de la population. Hausse des taux : la France au bord du précipice ? L eministre des Finances, Gilles Roth, et leministre de l'Économie, des PME, de l'Énergie et du Tourisme, Lex Delles, ministres compétents pour la Société nationale de crédit et d'investissement (SNCI), ont an- noncé, le 2 octobre 2025, le lance- ment d'un nouvel instrument financier destiné à renforcer la compétitivité et la résilience à long terme des entreprises luxem- bourgeoises : le prêt compétiti- vité/pérennité (PCP). Le PCP s'adresse en priorité aux PME pour tout type de projet contribuant à leur compétitivité/pérennité. Les entre- prises de plus grande taille peuvent éga- lement en bénéficier dans le cadre de projets liés à la transition numérique et écologique. Il estmis enœuvre enétroite collaboration avec les banques intermé- diaires partenaires de la SNCI, à savoir : la Spuerkeess (BCEE), laBIL (Banque in- ternationale à Luxembourg), la BGL BNP Paribas, la Banque Raiffeisen et la Banque de Luxembourg. Issuduprocessusderéflexionstratégique de la SNCI, le PCP offre un financement stable et abordable, exempt de taux d'in- térêts (dans le cadre du régime européen 'de minimis') et complémentaire aux fi- nancements des banques intermédiaires. LePCPeststructurédemanièreàcomplé- ter le financement des banques commer- ciales, en agissant comme un catalyseur afin de débloquer des ressources supplé- mentairespourlesentreprises,toutenmi- nimisant les formalités administratives pour les demandeurs qui ne doivent pas remplir de dossier supplémentaire. L'instrument offre un taux de cofinance- ment par la SNCI pouvant aller jusqu'à 80% et 200.000 euros par projet. La durée duprêtPCPdelaSNCIpeutêtrede10ans maximum. La banque commerciale fi- nance auminimum 20 %du projet et ac- compagne son client dans leprocessusde demande. «NosentreprisesetsurtoutnosPME,font face à des défis croissants dans un envi- ronnement de plus en plus complexe. Ce nouvelinstrumentestconçupourdonner lesmoyens, enparticulier aux PME, d'in- vestir en toute confiance dans des projets tournés vers l'avenir », a déclaré leminis- tre de l'Économie, des PME, de l'Énergie etduTourisme,LexDelles.«LePCPper- mettraderéaliserdesinvestissementsdu- rables et porteurs d'impact dans la transformation numérique et verte, tout en garantissant un soutien accessible et concret sans ajouter unedémarche admi- nistrative supplémentaire. » Gilles Roth, ministre des Finances, a ajouté : « Jeme réjouisde lamise enplace de cet instrument par la SNCI en colla- boration avec les banques commerciales de la place. Le PCP pourra être déclen- cheurdefinancements bancaires supplé- mentairespermettant d'accompagner les entreprises dans leurs projets clés indé- pendamment de leur stade de dévelop- pement. De plus, le PCP peut être cumulé avec d'autres instruments exis- tants de la SNCI notamment pour des projets intensifs en immobilisations et de taille plus importante. » ministère des Finances / ministère de l'Économie / Société nationale de crédit et d'investissement Lancement du « Prêt Compétitivité Pérennité » à taux zéro (de g. à dr.) LexDelles, ministre de l’Économie, des PME, de l’Énergie et du Tourisme ; Gilles Roth, ministre des Finances ©MECO

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