Agefi Luxembourg - décembre 2024

AGEFI Luxembourg 6 Décembre 2024 Economie / Banques La BCE abaisse ses taux et laisse la porte ouverte à d'autres réductions L aBanque centrale eu- ropéenne (BCE) a ré- duit jeudi 12 décembre ses taux d'intérêt pour la qua- trième fois depuis le début de l'année et a laissé la porte ouverte à d'autres baisses alors que la croissance éco- nomique est affectée par l'in- stabilité politique dans plusieurs pays dublocmo- nétaire et lamenace d'une nouvelle guerre commerciale avec les droits de douane voulus par le président élu américainDonaldTrump. La BCE a assoupli sa politique alors que les craintes d'une infla- tion persistante se sont largement atténuéesetqueledébatestdésor- mais de savoir si elle réduit ses taux à un rythme suffisant pour souteniruneéconomiedublocàla traîne des grandes places mon- diales. Prédisant que l'inflation re- viendrait à son objectif de 2% au début de 2025 et que la croissance resterait faible, la BCE a abaissé le 12décembre son tauxdedépôt de 3,25% à 3%, comme prévu. Elle a également modifié ses prévisions pourleproduitintérieurbrut(PIB) etl'inflation,cequipourraitêtrein- terprété comme une indicationde nouvelles baisses de taux. "Le processus de désinflation est enbonnevoie",adéclaréChristine Lagarde, la présidente de la BCE, aucoursdelaconférencedepresse qui a suivi les annonces de l'insti- tution. "En 2025, nous serons à 2%", a-t-elle dit. Dans son communiqué de poli- tique monétaire, la BCE a sup- primé la référence aumaintien de taux "suffisamment restrictifs", donnant à penser qu'elle va aller vers un cadre au moins "neutre", c'est-à-dire celui qui ne stimule ni ne freine la croissance écono- mique. Ce signal a toutefois été moins net que ne l'attendaient de nombreux économistes, d'autant plus qu'il s'accompagnait d'un avertissementsurlefaitquel'infla- tiondans le bloc reste élevée. "La BCE doit réagir et accélérer le rythme des baisses de taux", a dé- claré Sylvain Broyer, chef écono- miste pour la région EMEA chez S&P Global Ratings. "Il faut s'en- gager à réduire encore les taux les uns après les autres jusqu'à ce que letauxdedépôtatteignelaneutra- lité",a-t-ildit.Mêmes'ilestdifficile d'évaluerexactementleniveaudu "taux neutre", la plupart des res- ponsables de la banque centrale le situent entre 2% et 2,5%, ce qui laisse supposer que la BCE devra encore procéder à plusieurs baissesdetauxavantd'yparvenir. Christine Lagarde a reconnu qu'il y avait eudes discussions au sujet d'une réduction de 50 points de base, mais elle a indiqué que le consensus s'était fait autour d'une réduction de 25 points de base. Même si une largemajorité d'éco- nomistes s'attendait à une baisse de tauxde seulement 25points de basece12décembre,nombred'en- tre eux estiment qu'une réduction plus importante serait également justifiée au regard de la détériora- tiondesperspectivesdecroissance et du recul rapide de l'inflation. C'estprécisémentpourcesraisons que la Banque nationale suisse (BNS)aabaissésestauxdirecteurs de 50 points de base, une baisse plus importante que prévu, pour ramener son principal taux de ré- férence à seulement 0,5%. LaBNS a déclaré que les tensions géopo- litiques, notamment la politique commerciale des Etats-Unis, pourraiententraînerunralentisse- ment de la croissance, alors que l'Europeestégalementconfrontée à l'incertitude politique. Même si aucun décideur de la BCE n'a explicitement plaidé en faveur d'une réduction de 50 points de base avant la réunion, plusieursd'entreeuxontsouligné que les risques de ralentissement de la croissance et de l'inflation s'intensifiaient.Danssesnouvelles projections économiques, la BCE anticipe que la croissance du bloc sera encore plus faible que prévu etquelarepriseseraàlafoisfaible et tardive. Avec l'Allemagne confrontée à des élections anticipées, la France qui peine à trouver un gouverne- ment stable et le nouveau prési- dent américain Donald Trump qui menace d'imposer des droits de douane punitifs, les risques s'accumulent. Christine Lagarde a souligné que les tensions commerciales pour- raient peser sur la croissance, tan- dis que l'évolution de la situation au niveau géopolitique figure parmi les risques sur l'inflation. Source : Reuters ©Reuters ParPierrePINCEMAILLE,SecrétairegénéraldelaGestion DNCA Investments L es pays duSudde l’Europe, les infames PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) synonymes de crise de laZone Euro il y a plus d’une décennie, sont devenus les loco- motives économiques actuelles de la région. C’est dans ce contexte inédit que la thématique de consolidation bancaire transfrontalière est de retour, 16 ans après l’opération de rachat de Fortis par BNP qui a permis la création de la première banque de la zone. C’est maintenant au tour d’une banque d’un pays périphérique (l’italien Unicredit) de s’attaquer au deuxième établissement allemand (Commerzbank) ! La première a fait preuve d’op- portunisme, profitant d’un placement de l’Etat Allemand pour rentrer au capital de Commerzbank à hauteur de 4.5%. Elle est ensuite directement inter- venue dans le marché pour augmenter sa participa- tion. Si on y ajoute l’utilisation d’options, Unicredit estdésormaisactionnaireàhauteurde21%.Àlasuite de cette entrée fracassante au capital de son concur- rent, le directeur général de la banque italienne AndreaOrsel ne s’interdit rien, et surtout pas laprise de contrôle totale («tous les scenarios sont ouverts»). Lesargumentsavancéspourunetelleopérationsont logiques : accélérer la consolidation du marché alle- mand qui reste très fragmenté et générer des syner- gies avec sa propre filiale locale (HypoVereinsBank). Mais les obstacles de taille ne manquent pas : oppo- sition politique allemande (il est fort probable que le gouvernementàvenirauralamêmeposturequ’Olaf Scholz), absence d’union bancaire européenne com- plète et potentielle surcharge en capital liée à la taille de bilan. Il y a beaucoup de discussions parmi les observateurs pour savoir si le gouvernement peut efficacement bloquer cette opération, et sur quelle base. En attendant, celui-ci a suspendu son pro- gramme de vente, avec une participation restante de 12%. La réaction italienne à l’hostilité politique alle- mande ne s’est pas fait attendre : «La politique euro- péenne doit laisser les marchés décider de l’avenir UniCredit-Commerzbank», a déclaré l’ancien PremierMinistre Enrico Letta. LaBCE,associéeausuperviseurallemand(BaFin),va logiquement avoir le rôle d’arbitre dans le bras de fer qui s’engage entre les deux établissements bancaires. Alors que l’examen en cours, la présidente de la BCE a déjà donné son avis, sans circonlocution, lors d’une auditiondevantleParlementEuropéen:«Desfusions transfrontalières de banques capables de rivaliser en termes de taille, de profondeur et de gamme avec d'autres institutions dans le monde, y compris les banquesaméricainesetchinoises,sont,selonmoi,sou- haitables». Des arguments qui font mouche au moment oùElonMusk, à la têtede son«ministèrede l’efficacité» (Departement ofGovernment Efficiency), vaprobablements’atteleràtaillerdanslaréglementa- tion bancaire américaine. Les publications trimes- trielles des deux établissements ont été l’occasion d’unepassed’armesparcommuniquésinterposés.Le dirigeantd’Unicreditconsidérantquel’entitérésultant du rapprochement «pourrait rivaliser plus efficace- ment sur sonmarché intérieur et au-delà». En contrepoint, Bettina Orlopp, la toute nouvelle directricegénéraledeCommerzbankplaidesanssur- prisepourlestatuquo,avecdesinitiativesinternesqui «portentdeplusenplusleursfruits».Réaliste,Andréa Orsel se prépare à une guerre d’usure : il a annoncé qu’une décision concernant le lancement (ou pas) d’une OPA serait prise «d’ici à un an». En attendant cetteéchéance,AndreaOrselnerestepaslesbrascroi- sés:iladécidédelanceruneoffrepubliqued’échange sur sonconcurrent italienBancoPopularediMilano ! Changementdrastiquedestratégieoucoupdebillard àplusieurs bandes pour fairebaisser lapressionpoli- tique ainsi que le cours de bourse de sa proie ? Seul l’avenir nous le dira Consolidation bancaire européenne : la revanche des pays du sud Suite pageUne Au-delàdelapolitiqueéconomique,nous mettons en avant les risques géopoli- tiques.Lanouvelleadministrationamé- ricaine a suggéré une résolution de la guerreenUkraine,quenousinterprétons comme un règlement forcé avec la Russie ; un retour à une «pression maximale» sur l’Iran,quipourraitavoirunimpactsurlesal- liances au Moyen-Orient ; et une aug- mentation de la pression commerciale sur la Chine. Ces éléments risquent de faire disparaître les fonde- ments du fragile équilibre géopolitique actuel, et d’en- traînerlepassageversunnou- vel équilibre. Nous ne savons pasàquoiressembleracenou- veléquilibre,maisnousnousat- tendons à ce que l’incertitude associée à la transition ait un impact négatif supplé- mentaire sur la croissance. La Chine a été le point de mire de Trump avec des droitsdedouanede60%.MaislaChineestconfrontée àsespropresproblèmesdomestiques.Lacrisedeson marché immobilier – avec des prix en baisse de 15% par rapport aupic de 2021 et de 5 points de pourcen- tage(ppt)pourlaseuleannée2024–sembledevoirse poursuivre malgré les récentes mesures de soutien. Cette situation pèse sur les dépenses de consomma- tion, car l’immobilier représente la principale source d’investissement des ménages, et sur la relance bud- gétaire/lacréationdecrédit,carlesystèmebancaireré- gional et les gouvernements locaux de la Chine, étroitement liés, sont également touchés par le ralen- tissement dumarché immobilier. La Chine est confrontée à des défis importants pour éviter le piège de la dette et de la déflation. Bien que nous ne nous attendions pas à des droits de douane de60%surlaChine,nousestimonsunimpactécono- mique d’environ 0,5 ppt. Nous prévoyons une série de mesures, y compris de nouvelles mesures de re- lance budgétaire et des pressions sur les entreprises d’Etat, pour stimuler la consommation des ménages en 2025. Cela devrait entraîner un ralentissement maîtriséenChine–plutôtqu’unegraverécession – et nous prévoyons une croissance de 4,5% en 2025 (contre 4,9% cette année) et de 4,1% en 2026.Maisceladépenddesrisquesdemisesen œuvrealorsquelegouvernementestconfronté àdes vents contraires inhabituels provenant des forcesdumarché;lesrisquessontbiaisésenfaveur d’une issue plus défavorable. Mise à l’épreuve de la résistance des marchés émergents (EM) Tous deux auront des impacts majeurs sur les autres écono- mies dumonde. Les EMseront les plus touchés, en particulier ceux d’Asie et d’Amérique latine. Nombreux sont les EM fortement exposés à la Chine, et ses activités de productiondomestique et d’exportation serépercuterontsurlademandedematières premières et de biens intermédiaires. Cependant, là oùbeaucoupontbénéficiédeladiversificationdesex- portations des Etats-Unis vers la Chine, un nouveau régime Trump pourrait être plus concentré sur la haussedessurpluscommerciauxassociéset,plusspé- cifiquement, cibler d’avantage de pays. Les EM devront adapter judicieusement leurs poli- tiquespourgérerlademandeintérieurefaceauxvents contraires externes. La politique monétaire reste dis- ponible pour un assouplissement supplémentaire, avec des taux réels encore élevés dans plusieurs EM. Cependant, les politiques qui maintiennent les taux américains et le dollar plus élevés réduisent lamarge demanœuvrepourunassouplissementdanslesEM. De plus, l’espace budgétaire EM reste contraint avec des déficits primaires en augmentation en 2024 par rapport aux niveaux pré-pandémiques. La politique sera la plus efficace là où les politiquesmonétaires et budgétairespourronttravaillerdeconcert.LesEMde- vraientfairepreuvederésilience,maispeuserontsus- ceptibles d’augmenter leur croissance à long terme avec des réformes structurelles. Les pays ayant une économie domestique relative- ment importante, notamment l’Inde et l’Indonésie, semblent être les mieux placés pour offrir une ex- pansion solide – cette dernière étant l’une des rares à disposer d’espace budgétaire si les conditions de- vaient sedétériorer. Ceuxqui ont corrigés leurs dés- équilibres macroéconomiques devraient rattraper leur retard d’ici 2026, notamment la Turquie, l’Ar- gentine et la Colombie. L’Afrique du Sud, l’Egypte et leNigéria semblent bienplacéspour bénéficier de réformes structurelles. Cependant, leBrésil avudes inquiétudes concernant la soutenabilité de sa dette déclencher une réaction de politique monétaire in- désirable. Le Mexique pourrait également rencon- trer des difficultés avec l’austérité budgétaire à un moment où les réformes constitutionnelles et lepro- tectionnisme commercial américain assombrissent déjà les perspectives. Europe : stabilité économique, défis politiques Pour la zone euro, la récente faiblesse devrait lente- ment s’inverser, malgré les risques posés par l’envi- ronnement extérieur. Le retour de l’inflation à l’objectifasoutenulacroissancedurevenudisponible réel, favorisant une accélération des dépenses de consommation, malgré une forte hausse des taux d’épargne des ménages. Cela devrait se poursuivre. Nous restons sceptiques quant à une reprise signifi- cative des investissements. Cependant, l’évolution des vents contraires à la croissance, passant de contraintes d’approvisionnement à une insuffisance de la demande, a accru la possibilité pour la BCE de stimuler l’activité, dont la baisse des taux devrait se poursuivre jusqu’à atteindre 1,5%d’ici fin2025. Cela devrait soutenir la croissance, que nous estimons à 1,0%en2025 (après 0,8%) et à 1,3%en2026 àmesure que l’investissement commencera à réagir à la baisse des taux. Cette perspective reste vulnérable à une guerre commerciale plus généralisée. Pourtant,desgouvernementsfragilesreprésententun risque potentiel. EnAllemagne, des élections auront lieu en février au lieu de septembre. Même le retour probable d’une grande coalition semble peu suscep- tible d’entraîner un changement majeur dans la poli- tique budgétaire, malgré le besoin substantiel d’investissements à long terme. La France pourrait connaître une incertitude politique supplémentaire, songouvernement étant susceptiblede faire faceàde nouveauxdéfisl’annéeprochaine.DesélectionsenEs- pagne ne sont pas nonplus à exclure. Des gouverne- mentsfaiblesrisquentd’entraînerunrelâchementpar rapportauresserrementbudgétairerelativementmar- qué prévu pour l’année prochaine. Ils entraveront la réponse de l’UE à d’éventuelles barrières tarifaires américainesetcompliqueraientlaréactionàtouteévo- lutiongéopolitique impliquant l’Ukraine ou au-delà. LeRoyaume-Unidevraitêtrepolitiquementplussta- bleetcrédiblequ’aucoursdesdernièresannées.Nous prévoyonsuneaccélérationdelacroissanceà1,5%en 2025(après0,9%)et1,4%en2026.Celadevraitrefléter la croissance continue du revenu disponible réel des ménages et un assouplissement de la politique bud- gétairel’annéeprochaine,bienquecederniers’estom- peraen2026.Aprèsunbudgetaudacieux,lesfinances publiques britanniques risquent à nouveaude se dé- tériorer si la croissancen’atteint pas les attentes ambi- tieuses, nécessitant des augmentations d’impôts, des coupes dans les dépenses et/ou des hausses d’em- prunts.Lastabilitépolitiquepourraitcommenceràat- tirer des capitaux étrangers, un effet suggéré par la devisecetteannée.Maisentantqu’économieouverte, leRoyaume-Unipartagelesrisquesdel’Europeencas de guerre commerciale plus vaste et de développe- ments géopolitiques. Les perspectives économiques mondiales sont donc suspenduesàl’incertitudedesévolutionspolitiquesà WashingtonetàPékin.Nosprévisionssuggèrentque la croissance mondiale restera à 3,2% en 2025, mais s’affaibliraà2,8%en2026. L’annéeprochaine, horsde la Chine, la croissance mondiale sera comparable au rythme d’activité de la période post-crise financière (2012-2019),bienquecelasembleralentiren2026avec unralentissementplusmarquéauxEtats-Unisetplus large au sein des marchés émergents. Cependant, il existeun risqueque ce ralentissement reflèteunnou- vel ajustement structurel – notamment en raison des ajustementsde l’offre auxEtats-Unis – cequi signifie, dumoins pour l’horizondeprévision, unemarge re- lativement limitéepourunassouplissement de lapo- litique économique et des perspectives de taux d’intérêt à terme relativement élevés. DavidPAGE, HeadofMacroReseaassouplirrch,AXAIM Trump : la clé de voûte des perspectives

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