Agefi Luxembourg - novembre 2024
Novembre 2024 47 AGEFI Luxembourg Informatique financière Par Sigrid HEIRBRANT, Avocat à la cour, NautaDutilh Avocats Luxembourg L es activités spatiales ne sont plus une réalité lointaine. Chaque jour, nous utilisons des services spatiaux sans en être conscients. Sans satellites, par exemple, la 5Gserait impossible, et le signal GPS, indispensable aux transactions bancaires et bour- sières, assure la synchronisa- tionmondiale des horloges. L’observationde la Terre de- puis l’espace nous permet également de collecter des in- formations essentielles pour l’agriculture et la lutte contre le changement climatique. Entre2023et2032,ons’attend,selonEuroconsult,àce queprèsde2800satellitessoientlancéschaqueannée, soit presquehuit par jour. Dans ce contexte, il est cru- cialqueledroitspatial,auniveauinternational,natio- nal et européen, protège notre sécurité et nos intérêts économiques. Sécurité La dépendance croissante à l’espace nous rend plus vulnérables. Cette année, par exemple, la Russie a lancéun satellite qui, d’après les États-Unis, pourrait êtreutilisé commearmepourdétruired’autres satel- lites. Ce satellite russepartaged’ailleurs lamême or- bite basse autour de la Terre qu’un satellite gouvernemental américain. CertainsÉtats ont déve- loppé des capacités d’attaque contre des infrastruc- tures spatiales critiques et disposent de technologies antisatellites pouvant perturber les ser- vices spatiaux. Pour répondre à cesmenaces, l’Union européenne a annoncé l’an dernier sa première stratégie spatiale pour la sécurité et ladéfense ( EUSpace Stra- tegy for Security and Defence ). Elle comprend deux projets pilotes majeurs : la mise en place de ser- vicesdesensibilisationaudomaine spatial ( space domain awareness ) et ledéveloppementd’unnou- veau service d’observa- tion de la Terre. Ces initiatives visent à dé- tecter les comporte- mentsinappropriésdans l’espace et à protéger les actifs européens. Les quatre principaux traités spatiauxdel’ONU(le UNOuter SpaceTreaty ,le RescueAgreement ,le LiabilityConvention en le Registration Convention ) ont été établis pour des raisons de sécurité pendant la Guerre froide, entre 1967 et 1976. Ils prévoient des accords internationaux quipermettentauxÉtatsd’explorerlibrementl’espace et de l’utiliser à des fins pacifiques. Les États ne peuvent revendiquer la souveraineté sur (despartiesde) la luneoud’autres corps célestes, car l’espace appartient à tous. Cependant, dans le contexte géopolitique et économique actuel, ces principes de droit international semblent perdre de leur influence. Activités spatiales commerciales L’essor des activités commerciales dans l’espace en- traîne des risques croissants : collisions de satellites, échecs de lancement, et effets néfastes sur l’environ- nement, tant sur Terre que dans l’espace. Fait sur- prenant, les traités de l’ONUrépondent demanière limitée à ces risques, et de plus en plus de pays adoptent desmesures concrètesdans leur législation spatiale nationale. En cas de sinistre dans l’espace ou sur Terre, par exemple,lapolitiquenationaledéterminedansquelle mesure le contribuable en supportera les consé- quences financières. Le Traité des Nations unies sur l’espace stipule uniquement que les États sont mu- tuellement responsables des dommages, même si ceux-cisontcauséspardesparticuliersoupardesen- treprisesprivées. Laprise enchargefinaledusinistre varied’unpaysàl’autre.AuLuxembourg,l’opérateur est responsablefinancièrement des risquesde ses ac- tivités spatiales, enprévoyant soit des fondspropres, soit une assurance ouune garantie bancaire. La législation nationale est également essentielle pour les avocats spécialisés en fusions et acquisitions (M&A). La loi spatiale luxembourgeoise impose, par exemple, une autorisationministérielle pour la ces- sion d’une activité spatiale autorisée, ou lorsqu’une cession de droits personnels ou réels modifie le contrôle d’un objet spatial. Dans certains cas, même la cession d’actions d’entreprises spatiales ( changes of control ) doit êtrenotifiée à l’avancepour permettre auministre de s’y opposer le cas échéant. Durabilité La protection de l’environnement, aussi bien sur Terre que dans l’espace, est une préoccupationma- jeuredesdécideurspolitiques, de l’opinionpublique et de l’industrie aérospatiale. Qu’advient-il des dé- chets spatiaux qui flottent de manière incontrôlée dans l’espace après une collision ? Ou les satellites désactivés à cause de pannes ou après une mission terminée ? Ceux qui lancent et exploitent des satel- lites aspirent àune «orbitedégagée». Laprésencede projectiles incontrôlés pose un risque réel. Une future loi spatiale européenne doit répondre à ces préoccupations et inclure des mesures pour une utilisation sûre, résiliente et durable de l’es- pace. La gestion coordonnée du trafic spatial ( space traffic management ) et des obligations d’immatricu- lation supplémentaires pour éviter les collisions entre satellites sont en discussion. L’introduction d’un label «safe space», similaire au concept d’éco- label, est également envisagée. Avec ces nouvelles règles, l’Union européenne vise à créer unmarché unique de l’espace ( singlemarket ), tout en préservant la compétitivité de son industrie aérospatiale. Les règles seront appliquées de ma- nière proportionnelle, tenant compte à la fois des start-ups et des grandes entreprises. Les entreprises noneuropéennes opérant dans l’Unioneuropéenne devront également s’y conformer. Bien que beaucoup considèrent qu’une législation spatiale européenne soit indispensable, elle reste controversée.Lescompétenceslimitéesdel’Unioneu- ropéenne enmatière de politique spatiale pourraient poser des obstacles, et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne exclut toute harmonisation dans cedomaine. Lapublicationde lapropositionde loi a déjà été reportée deux fois et est très attendue. Ledroit de l’espace est donc essentiel non seulement pour protéger notre sécurité et nos intérêts écono- miques, mais aussi pour promouvoir la durabilité, aussi bien dans l’espace que sur Terre. Avec l’aug- mentation prévue du nombre de satellites et la dé- pendance croissante aux services spatiaux, l’importanced’une réglementationefficace et nova- trice ne cesse de croître. Pourquoi le droit de l’espace nous concerne tous P our cette 75 e éditiondu congrès, auquel leministre de l'Économie, des PME, de l'Énergie et duTourisme, Lex Delles, s'est rendudu 14 au 16 octo- bre 2024, quelques 9.000 partici- pants dumonde entier ont parcou- ru les 11.000m 2 d'exposition. Axée sur la thématiquede ladurabilité, la conférenceaaccueillipourlapremièrefois le «IAF Space Leaders' Summit», qui a pour but de favoriser la coordination et la collaborationentrelesagencesspatialesdu monde entier. Le ministre a eu l'occasion de participer à ce sommet, une réunion formelleàhuisclosdehautniveau,durant lequel il a fait une déclarationdécrivant la contribution du spatial luxembourgeois pour la durabilité sur Terre. L'exposition «Space for our Planet», à la- quelle leLuxembourg s'est associé, a éga- lement été exposée en marge de l'IAC. Cette exposition examine le rôle que l'es- pace doit jouer dans l'Agenda 2030 des Nations unies, lequel définit 17 objectifs de développement durable (ODD) vi- sant à promouvoir la prospérité, le bien- être de la planète, la paix et les partenariats et à protéger les popula- tions. Elle consiste endes interviewsmet- tant en lumière des exemples concrets montrant comment les technologies contribuent à la réalisation des 17 ODD. Les entreprises à l'honneur sur le pavillonnational Le pavillon national luxembourgeois sur l'IAC, organisé avec le soutien de la Luxembourg Space Agency (LSA), y a hébergé 14 exposants issus de l'écosys- tème luxembourgeois: ispace Europe, Mission space, Gradel, Odysseus, Manaa, Emtronix, ESRIC, LIST, LMO, SES, Bradford, Clearspace, Lunar out- post et Redwire. Il a été inauguré par le ministre, qui a pu s'entretenir avec des représentants de toutes les entreprises, et y rencontrer Mats Jung, l'un des 35 astronautes d'un jour sélectionné par la LSApour devenir ambassadeur du sec- teur spatial dans son école durant toute l'année scolaire 2023/2024, à l'issue du concours «Astronaut for aDay». Ce pa- villon est l'occasion pour les entreprises de présenter leurs produits et services, et de renforcer leurs collaborations in- ternationales. OQ Technologies, une start-up luxem- bourgeoise active dans le domaine de la 5G et de l'«Internet of Things (IOT)», a annoncé en présence du ministre l'ob- tention d'un investissement sous forme de prêt convertible de la part du nou- veau fonds de développement du sec- teur spatial luxembourgeois (LSSD), co-dirigé par SES SAet le gouvernement luxembourgeois. L'entreprise avait déjà levé 13 millions d'euros en 2022. Elle a également an- noncé unemissionde collaboration avec D-orbit, actif dans l'industrie de la logis- tique spatiale et des services de trans- port. Prévue pour début 2026, lamission pourrait ouvrir la voie à des services sa- tellitaires plus efficaces et rentables, no- tamment dans les domaines en plein essor de l'IoT et de la connectivité 5G dans les zones reculées. Les relations internationales ont toujours été clés pour le Luxembourg, enparticu- lier dans le domaine spatial où les colla- borations sont essentielles. Le ministère et l'Agence spatiale luxembourgeoise ont puprofiter de l'IACpour rencontrer leurs partenaires privés et publics, et se sont notamment rendus sur le stand de l'entreprise japonaise ispace inc., lamai- son-mère d'ispace Europe. Le ministre a pu y découvrir un modèle grandeur nature de l'atterrisseur lunaire qui emportera le rover lunaire développé par ispace Europe dans le cadre du pro- gramme japonais d'exploration lunaire HAKUTO-Rdont le lancement est prévu pour finde l'année 2024. La délégation a ensuite rencontré l'agence spatiale japonaise (JAXA) pour faire le point sur les dernières évolutions et enparticulier sur lamise enœuvredes accords signés en juin 2024, les Memo- randum of Cooperation (MoC) entre les ministères luxembourgeois et japonais et entre la JAXAet laLSA. Ensemble, ils ont évoqué plusieurs pistes pour renforcer encoredavantage la coopération, notam- ment dans le cadre de la future mission MAGPIE, qu'ispace Europe développe actuellement dans le cadrede l'ESAavec le soutien de la LSA. Une rencontre avec le directeur général JosefAschbacherde l'Agence spatiale eu- ropéenne (ESA) a également permis de réaffirmer les priorités du Luxembourg dans le cadre de ses activités conjointes avec l'ESA. Le ministre a enfin rencontré Bill Nelson, administrateur de la NASA. L'agence américaine a manifesté un intérêt renou- velépourl'écosystèmeluxembourgeoiset lescontributionsquelesacteursnationaux pourraient amener dans le cadre des ac- cords Artemis, qui visent un retour de l'Homme sur la Lune. Un satellite grandeur nature Pour sa troisième et dernière journée à Milan, leministre s'est rendu sur le sitede la sociétéOHB Italia, afin de visiter les in- frastructuresd'assemblagedesatellitesde la société, et de découvrir le satellite NAOS. NAOS sera une mission d'obser- vation de la Terre pour le gouvernement luxembourgeois. NAOS est un système satellitaire optique à très haute résolution, qui sera placé à environ 450 km sur une orbitepolairebassequitourneraautourde la Terre 15 fois par jour, prenant des images de la Terre entière. À l'issue du déplacement, Lex Delles a déclaré: «Le salon IAC est un rendez- vous incontournable pour l'industrie spatiale auquel il est important que le Luxembourg soit présent, car il favorise la collaboration entre agences spatiales du monde entier. De plus, la durabilité, qui était le thème central choisi cette année, est également au cœur de la stra- tégie spatiale du Luxembourg. En effet, en tant que vecteur de diversification et de pérennisation de l'économie luxem- bourgeoise, nous voulons que le secteur spatial contribue à la durabilité des acti- vités sur Terre, tout en privilégiant une approche responsable des activités dans l'Espace. C'est le message que j'ai trans- mis lors de mon intervention au IAF Space Leader's Summit.» Le prochain rendez-vous important sera la Luxembourg Space Week, qui regrou- pera4évènementsautourduspatial,dont la conférence New Space Europe qui se tiendra le 3 décembre au European ConventionCenter à Luxembourg. Source : ministère de l'Économie / Luxembourg Space Agency (LSA) Lex Delles en visite au salon International Astronautical Congress (IAC) à Milan «Le IAC, un rendez-vous incontournable pour le Luxembourg » ©MECO Abonnement aumensuel (journal + éditiondigitale) 1an(11numéros)=55€abonnementpourLuxembourgetBelgique-65€pourautrespays L’édition digitale du mensuel en ligne sur notre site Internet www.agefi.lu est accessible automatiquement aux souscripteurs de l’éditionpapier. NOM:....................................................................................................................................................................... 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