Agefi Luxembourg - février 2025

Février 2025 43 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi D ans l’éditionde décembre 2024, nous avions examiné la décisionduTribunal d’arrondissement de Luxembourg du 22 novembre 2024 relative au statut TVAdes administrateurs de sociétés anonymes en soulignant que des points restaient à éclaircir. Depuis, l’admi- nistration a émis le 11 décembre 2024 une circu- laire, qui pour des raisons liées aux délais de publi- cation, n’avait pas pu être abordée dans notre précé- dent article. L’administration a aussi rendu accessible une procédure permettant aux administrateurs de régulariser la TVApayée dans le passé sur leurs rémunérations. Par Michel LAMBION, Managing Director et Eric REOLON, Director, Deloitte Tax & Consulting Rappel du contexte (1) Pour rappel, monsieur «TP» est un avocat luxem- bourgeoisetestaussiadministrateurdeplusieursso- ciétés anonymes (SA) de droit luxembourgeois. En 2019, il décidadeneplus collecter laTVAdue sur ses rémunérations d’administrateur conformément à la circulaire 781 du 30 septembre 2016 (2) de l’Adminis- tration de l’enregistrement, des domaines et de la TVA(AEDT),quiavaitétabliquelesadministrateurs sont des assujettis à la TVA. L’AEDT a établi un bul- letin de taxation d’office que monsieur TP contesta. Le litige fut porté devant le Tribunal d’arrondisse- ment de Luxembourg qui décida de référer l’affaire devant la CJEU. Celle-ci, le 21 décembre 2023 (3) , ré- pondit que l’activité de membre du conseil d’admi- nistrationd’uneSAestuneactivitééconomiquemais qu’elle n’est pas exercée de façon indépendante car l’administrateur «n’agit pas pour son compte ni sous sa propre responsabilité et ne supporte pas le risque économique lié à son activité». Il s’agit donc de trois conditions négatives cumulatives. Dès le lendemain, l’AEDT émit une circulaire 781- 1 (4) , suspendant la circulaire 781 précitée dans l’at- tentedeladécisionduTribunald’arrondissementde Luxembourg qui, le 22 novembre 2024, statua en fa- veur de monsieur TP en accueillant sa demande d’annulation du bulletin d’imposition émis en 2019 par l’AEDT à son encontre. La circulaire 781-2 Le 11 décembre 2024, l’AEDT a émis, une circulaire 781-2 (5) quiclarifieuncertainnombredequestionsres- tées ouvertes après la décisionduTribunal. Tout d’abord, la circulaire précise que l’AEDT n’en- tend pas limiter l’application de la décision de la CJUEauxseulsadministrateursdeSAmaisl’étendre à tous les dirigeants de toute société qui respecte- raient les conditions de la décision de la Cour, rap- pelées ci-dessus, indépendamment de leur statut de personnephysiqueoumorale. Ceci rejoint nos com- mentaires dans le précédent article. La circulaire ne précise pas quelles sont les catégories de dirigeants qui rencontrent ces conditions et insiste sur l’obliga- tionque chaque dirigeant a de vérifier qu’il respecte bien les trois conditionsnégatives cumulativesmen- tionnées ci-dessus. La circulaire précise aussi que la TVArelative aux ré- munérations des années 2018 et 2019 peut être régu- larisée alors même, que selon les règles de l’article 81 de la loi TVA, cette TVA est, en principe, prescrite. Il s’agitdoncd’ungestedebonnedevolontédel’AEDT. Elle aborde aussi la question de la TVA déduite par lesadministrateurssurleursfrais.L’AEDTacceptede nepasrevenirsurladéductiondelaTVArelativeàde «simples» dépenses nécessaires à l’activité mais les montants«importants»serontsystématiquementexa- minés. Cet examenpourrait aboutir au rejet de la dé- duction et donc à une régularisation en faveur de l’administration.Lacirculaireneprécisepascequidoit être entendu par «simple» et «important», si ce n’est que les investissements sont considérés comme des montantsimportants.Danslecasdesadministrateurs, cecipourraitconcernerprincipalementlesvoitures,et, éventuellement, un immeuble dont l’acquisition, la constructionoularénovationaétésoumiseàlaTVA. La circulaire rappelle aussi l’impact sur la location d’immeubles soumise à TVA par exercice de l’op- tion de l’article 45 de la loi TVA qui deviendrait in- valide en raison du non-assujettissement des administrateurs. En effet, les contrats de location prévoientsouventque,danscettesituation,leprixdu loyerestaugmentéafindecompenserlebailleurdes conséquences de la perte de son droit à déduc- tiondelaTVAqu’ilsupporteouasupporté sur l’achat, la construction, la rénovation ou l’entretiende l’immeuble. Les sociétés qui reçoivent un rem- boursement de la part de leurs admi- nistrateurs devront régulariser dans leurs déclarations la TVA qu’elles ont déduites antérieurement. Envisageons l’exemple pratique d’un groupe composé de trois sociétés qui reçoivent chacune de leurs administra- teurs un remboursement de € 100.000 de TVA : 1. La première est la tête du groupe. Cette société a eu, pour les années concernées, une activité de hol- dingpassivequi ne lui aouvert aucundroit àdéduc- tion. Elle ne devra ajuster aucune TVA en faveur de l’AEDT et pourra garder le montant reçu de ses ad- ministrateurs. 2.Ladeuxièmeauneactivitéindustriellequiluiouvre un droit à déduction totale de la TVA, elle devra ré- gulariser toute laTVAqu’elle adéduitedans lepassé. Ce montant étant équivalent à celui qu’elle reçoit de ses administrateurs (et que l’administrateur a reçude l’AEDT), il s’agit d’un jeu à somme nulle. 3. La troisième est la société qui accorde des crédits auxclientsdelasociétéindustrielle,Elleaeupendant les années concernées un prorata de déduction (constant) de 10% parce que certains crédits étaient accordés à des clients établis en dehors de l’UE. Elle devra reverser les € 10.000 déduits pendant les an- néesconcernées.Ladifférenceensafaveurseradonc de € 90.000. La circulaire précise aussi que les sociétés peuvent régulariser la TVA payée en vertu du principe de l’autoliquidationsur les rémunérationsversées àdes administrateurs étrangers dans la prochaine décla- rationannuelle.Nul besoindoncdedéposerdesdé- clarations rectificatives pour chacune des années concernées. La procédureMyGuichet La procédure «non-bureaucratique» des régularisa- tions de TVAannoncée par l’AEDTdans sa commu- nication du 22 décembre 2023 est accessible jusqu’au 30 juin2025dansMyGuichet.lu. Son fonctionnement correspondàladescriptionfaitedansnotreprécédent article, à savoir que l’AEDT remboursera aux admi- nistrateurs la TVA qui a été payée dans le passé sur leurs rémunérations d’administrateurs. Ces derniers devront la reverser aux sociétés qui seront informées par l’AEDT qu’elles devraient recevoir un rembour- sement. Ceci permet donc d’éviter à l’administrateur d’émettredesnotesdecréditet,surtout,d’éviterlepré- financement de laTVApar l’administrateur qui dans la procédure normale risque de devoir attendre le contrôle de sa déclaration annuelle. L’administrateur, ou son mandataire, doit, bien évi- demment, fournir les informations relatives aux so- ciétés dont il a perçu des rémunérations ainsi que le montant des rémunérations et de la TVA, société par sociétéet annéepar année.Ceprocessuspourrait être long pour des personnes ayant de très nombreux mandats.Ildoitaussiindiquersescoordonnées,ence comprisunnumérodecomptebancaire.Ildoitconfir- mer qu’il a bien payé à l’AEDT la TVA qui était due sursesrémunérationsetqu’ils’engageàtransféreraux sociétés concernées la TVA qui lui sera remboursée par l’AEDT. S’il confirme que son activité d’adminis- trateur est la seule pour laquelle il était immatriculé à la TVA, il sera automatiquement désimmatriculé. Cette procédure permet à l’AEDT de vérifier que les sociétés opèrent bien les régularisations de la TVA éventuellement déduite dans le passé et d’informer les sociétés concernées que les administrateurs l’ont initiée et qu’elles devraient recevoir d’eux la TVA ac- quittée dans le passé. La circulaire 781-2 répond aux questions les plus im- portantesquenous avions identifiéesdansnotrearti- cle précédent et ses réponses correspondent à nos anticipations.Bienévidemment,lescas«particuliers» comme, notamment, ceuxd’unadministrateur ayant arrêté ses activités et ne voulant pas se lancer dans la procédure de régularisation, ou décédé, ne sont pas abordées et devront être résolues au cas par cas. En- core un peu de travail en perspective, en ce compris de déterminer si les différentes catégories de diri- geants respectent ou non les conditions pour ne plus être considérés comme des assujettis à la TVA. 1) Pour plus de détails voir «TVA : le Tribunal d’arrondissement deLuxembourgconfirmequelesadministrateursdeSAnesont pasassujettisàlaTVA»inAgefidécembre2024,«TVA:lesadmi- nistrateursdeSAnesontpasdesassujettis»,Agefijanvier2024et «TVA : des solutions importantes à venir pour les administra- teurs?»,Agefiseptembre2023. 2)CirculaireN°781du30septembre2016—Portaildelafiscalité indirecte-Luxembourg (public.lu ) 3)TP,C-288/22,21décembre2023. 4)TVA-Administrateurs-Actualités-Portaildelafiscalitéindi- recte-Luxembourg (public.lu ) 5)Circulaire781-2—Portaildelafiscalitéindirecte-Luxembourg TVA : circulaire administrative relative aux dirigeants de société et procédure non-bureaucratique Mobilisation des banques et développeurs immobiliers pour le logement C onscients de l’impor- tance économique et sociétale de la ques- tion du logement, les déve- loppeurs immobiliers et les banques locales continuent de se mobiliser et annon- cent des nouvelles initia- tives visant à apporter davantage de transparence dans le marché et à renfor- cer la confiance aussi bien des primo-acquéreur que des investisseurs. A l’occasion d’un point presse, les responsables de la Chambre immobilièreontainsiprésentéune nouvelle charte de qualité, ainsi que le site aides.lu , tandis que l’Association des Banques et Banquiers (ABBL) a annoncé des ajustements aumécanisme d’aide au logement résidentiel SPV PrologLuxembourg S.A. Signes de reprises,mais la prudence reste demise Depuisdébut2023,tantlesacteurs du secteur immobilier que les banques ont constaté une légère reprisedumarchésousl’effetcom- biné de la stabilisation puis de la baisse des taux d’intérêts, d’une baisse des prix de l’immobilier (- 15,43%auT32024vsT32022pour les appartements existants ; -10,1 au T3 2024 vs T3 2022 pour les ventesenétatdefuturachèvement – VEFA) et de l’impact des me- sures gouvernementales qui ont notamment impliqué une hausse dupouvoir d’achat. «Aujourd’hui, les acheteurs re- viennentsurlemarché,caruncer- tain nombre de biens qui leur étaientinaccessiblesilyaquelques moisencore,lesontànouveaude- venu», commente Max Didier, président de la Section Dévelop- peursdelaChambreimmobilière, Section Développeurs. «De plus, ceux qui viennent d’acheter ont comprisquelemomentestoppor- tun. Pour les acheteurs, Les condi- tions n’ont jamais été aussi favorables depuis unedécennie et le choix est grand. C’est vraiment lemoment d’acheter !» Néanmoins,l’intérêtdesacheteurs s’est surtout porté surdes immeu- bles déjà construits. Au T-3 2024, les transactions portant sur des VEFAssontainsienbaissede80% par rapport à leurmoyenne histo- rique sur les années 2017 à 2021. Au deuxième semestre, 2024 on note néanmoins une augmenta- tiondesventesde48%parrapport aux premiers sixmois de l’année. «Si la situation est favorable aux acheteurs, elle reste inquiétante pourlepays,remarqueJerryGrbic CEOdel’ABBL.«Eneffet,lequasi- arrêt du marché de l’immobilier neuf risque d’entraîner une crise du secteur de la constructiondont dépendent des centaines d’entre- prisesetdesmilliersdeménages.» Une multiplication des faillites et une hausse du chômage dans ce secteur pourrait avoir un effet né- gatif sur la stabilité financière du pays. «Par ailleurs, le logement est étroitement lié à l’attractivité et au développement économique du pays. En effet, pour assurer sa prospérité continue, nous devons être en mesure d’attirer de nou- veaux talents. Et pour les attirer, il faut pouvoir les loger», poursuit Jerry Grbic. L’ensemble des inter- venants s’accordant sur le constat, queleslogementsquin’ontpasété construits dans cette période, ne viennent que renforcer la tension entre l’offre et la demande. Charte.lu : rassurer les acheteurs Selon la Chambre immobilière, une des raisons principales du désamour des acheteurs pour les biens neufs est leur manque de confiance. «Les clients potentiels ont été effrayés par les problèmes rencontrés par certains construc- teurs», commente Jean-Paul Scheuren, porte-parole de la Sec- tion Développeurs. «Même si ces problèmes sont isolés, ils ont été largement médiatisés. Nous de- vons contribuer à rassurer le pu- blic en étant plus transparent.» Charte.luabordeplusieursdimen- sions. Les signataires s’y engagent à apporter davantage de transpa- rence sur les garanties d’achève- ment et de remboursement (que couvrent-elles ? qui les a émises ?) etsurlagarantiedécennaleetbien- nale(idemquerecouvrent-elles?). Dans la charte, les promoteurs s’engagentsurlatransparenceetle respect des délais de construction (quand le chantier commencera-t- il ? quand sera-t-il achevé ?) ainsi que sur les prix de construction. Enfin, la charte stipule des sanc- tions en cas de non-respect. Aides.lu :mieux tirer parti des mesures gouvernementales «Le gouvernement a pris à bras le corps la question du logement», analyse Jerry Grbic. «La diversité des mesures et la rapidité de leur mise en place est remarquable.» «Néanmoins,nousconstatonsque nos clients peuvent être un peu perdus et ne connaissent pas né- cessairement l’ampleur des aides auxquels ils ont droit», rebondit Jean-Paul Scheuren. La Chambre immobilière, avec les experts du ministèreduLogement,aainsidé- veloppélesiteaides.ludestinéaux primo-accédants et aux investis- seurs.Ilcentraliselesinformations sur les soutiens disponibles, telles que les subventions en intérêts, les crédits d’impôt, et les réductions de droits d’enregistrement. PrologLuxembourg : lemécanisme de soutien des banques adapté «L’ABBL souhaite soutenir toute initiative qui amène du logement résidentiel sur le marché», sou- ligne Jerry Grbic. C’est ainsi que l’association coordonne les efforts de communication autour du vé- hicule mis en place par cinq banques : Spuerkeess, Banque In- ternationale à Luxembourg (BIL), BanqueRaiffeisenetlaSociétéNa- tionale de Crédit et d’Investisse- ment (SNCI) et Banque de Luxembourg. Son objectif est de débloquer la situation de biens dont la construction a démarré, mais qui n’arrivent pas à être mis sur le marché faute de préventes suffisantes. Lancé en juillet 2024, ledispositif a étéreconduitjusqu’au30juin2025. De plus, ses actionnaires ont sou- haité y apporter des ajustements afin de tenir mieux compte de la réalitédumarché.Ainsi,letauxde prévente minimum requis pour être repris dans ceprogramme est ramené de 50 à 30%. Par ailleurs, les commissions de dossier ont étéadaptées afindene pas pénaliser les petits objets. L’ABBL rappelle que, utilisé a pleinparlespromoteurs,cedispo- sitif permettra la mise sur le mar- ché de 800 à 1300 logements. Max Didier conclut : «Ces initia- tives illustrent l'engagement des acteursmajeursdusecteurimmo- bilier – banques, développeurs, et gouvernement–àrelancerlemar- ché et à répondre aux besoins croissants en logements». de g. à dr. : Jean-Paul Scheuren, SectionDéveloppeurs, JerryGrbic,ABBL ©ABBL

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