Agefi Luxembourg - octobre 2024
Octobre 2024 41 AGEFI Luxembourg Immobilier L e mercredi 11 septembre, INOWAI a organisé la deuxième édition du B17 Real Estate Round Table. L’évé- nement, organisé cette année en partenariat avec Indosuez Wealth, a rassemblé plus d'une centaine d'invités, experts du secteur et di- rigeants d'entreprise, pour faire le point sur l'évolution du marché immobilier. Tehdi Babigeon, Partner et COO d'INOWAI, a eu l'honneur d'accueillir trois personnalités éminentes pour ani- mer les débats. Anne Toledano, Global HeadofRealEstatechezIndosuezWealth Management, Michèle Detaille, prési- dentehonorairedelaFEDILetexperteen gouvernance d'entreprise, ainsi que Christophe Nadal, entrepreneur, co-fon- dateur deplusieurs fonds immobiliers, et président du conseil de surveillance de MIMCOAssetManagement,ontpartagé leur expertise. Ensemble, ils ont exploré des questions essentielles sur l’état du marché, les défis à relever pour une relancedurable,etl'importancedel'inno- vation dans un contexte de reprise. Lors de la première édition, le marché immobilier faisait face à une période incertaine, marquée par une situation électorale complexe, une inflationpersis- tante, une hausse des taux d'intérêt, et des transactions immobilières à des niveauxhistoriquement bas.Nous étions à l’aubed'un changement deparadigme, mettant fin à un cycle doré. Aujourd’hui, bienque lemarché reste en mutation, certains signaux encoura- geants laissent entrevoir une reprisepro- gressive. Des mesures électorales com- mencent à porter leurs fruits, mais des défis subsistent dans différents seg- ments. Les intervenants ont partagé des donnéesmarquantes concernant la situa- tion actuelle. Le marché résidentiel neuf est toujours en difficulté, avec seulement 92 transac- tions enregistrées au T1 2024, soit une baisse de 47% sur un an. À l'inverse, le marché de l’ancien connaît une hausse progressive des transactions de 24,5%, portée par des prix ajustés à la baisse de 22,4% sur un an. Concernantlemarchédesbureaux,lesec- teur montre des signes de fragilité, avec seulement 65.000 m² de bureaux traités au premier semestre, contre 240.000 m² en2023.Letauxdevacancelocativeatteint 4,5%, malgré une baisse significative des nouvelles livraisons observée depuis le début de l'année, avec seulement 26.000 m² de nouveaux immeubles. L’investissement immobilier est égale- ment en difficulté, avec seulement 260 millions d’euros investis au premier semestre, le volume transacté suit les mêmes tendances qu'en 2023. Les taux primesestabilisentautourde4,75%,avec des disparités fortes suivant les localisa- tions et la qualité des actifs. Malgré ces chiffres, plusieurs indicateurs suggèrent quenouspourrions avoir atteint unpoint bas, avec des éléments encourageants. Lesbaissesdetauxd'intérêtattenduespar la FED, la BCE, et la BOE avant la fin de l'année devraient stimuler le crédit. Cependant, il reste nécessaire de surveil- ler les taux "sans risque" à 10 ans, qui pourraient ne pas suivre cette tendance sur tous lesmarchés. En Europe, tous les secteurs ne sont pas également touchés par la crise immobilière. Certains sous- marchés plus résilients, tels que l'«hospi- tality», l’immobilier de santé, et la logis- tique, restent prisés par les investisseurs. Concernant le marché des bureaux, les loyers restent élevés dans les zones sous- approvisionnéesdesprincipalescapitales européennes. Les transactions CORE pourraientmarquer la finde labaissedes prix, bien que cela soit moins probable pour les marchés périphériques, où la reprise prendra plus de temps. AuLuxembourg, dans l’immobilier rési- dentiel, les prix ne se sont pas encore totalement ajustés à la baisse, car les pro- moteurs comptent sur la future baisse des taux d'intérêt pour relancer l'acces- sionà lapropriété et l'investissement. Les effets desmesures politiques se font éga- lement attendre pour soutenir l’investis- sement, une composante essentiellepour stimuler l’offre. Dans le secteur des bureaux, on observe une tendance au "fly toquality", non seu- lement chez les investisseurs mais éga- lement chez les occupants, qui recher- chent des immeubles toujoursplus inno- vants, qualitatifs, et offrant une gamme complète de services. L’innovation est au cœur des enjeux de la reprisedumarché. Ellepermet d'adap- ter l'offre aux besoins des utilisateurs, de rendre les prix du marché plus accessi- bles, notamment enmatièrede construc- tion et de durabilité. L’innovation en matière de financement, avec le recours à des modes alternatifs tels que les modèles "rent tobuy" ou l'initiativePRO- LOG, est également une solution pour promouvoir l’accès à la propriété. De plus, renforcer l’attractivité de la place financière enoffrant des solutions immo- bilières répondant à des besoins spéci- fiques, comme les logements étudiants ou les résidences services, contribue àun meilleur équilibre entre vie profession- nelle et personnelle. Enfin, l'innovation accompagne la tran- sition énergétique de l’immobilier luxembourgeois, un aspect crucial pour l’avenir du secteur. Le marché immobi- lier reste sous pression malgré des signaux positifs. La reprise semble être plus lente et progressive que prévu et sera probablement inégale selon les seg- ments. Des défis structurels, financiers et réglementaires subsistent, nécessitant innovation et adaptation de la part des acteurs dumarché et des politiques. Une relance durable du secteur immo- bilier passera par l’innovation vers des immeubles plus qualitatifs, denouveaux modèles locatifs, et des techniques de constructionà faible coût, essentielspour relever lesdéfis économiques et environ- nementaux actuels. Source : INOWAI B17 Real Estate Round Table par INOWAI Rentrée immobilière 2024 : à l'heure de la reprise ? Par Michel-Edouard RUBEN, Fondation IDEA* É voquer la crise du loge- ment au Luxembourg est un lieu commun. Déblo- quer la situation est un impéra- tif. Le gouvernement (par ses décisions) et les partenaires so- ciaux (par leurs propositions) s’y attèlent. Mais au vu des indica- teurs d’activité, de la préoccupa- tion des ménages et de l’inquiétude des acteurs de la chaîne du logement, les solu- tions aux causes de la crise ne semblent toujours pas trouvées (et un recul, plus prononcé qu’à date, des prix de commercialisa- tion des VEFA semble de plus en plus probable) ! Un logement est à la fois un actif (c’est d’ailleurs le principal instrument d’ac- cumulation de richesses des ménages du Luxembourg) et un bien consommé (en tant que lieu de vie des proprié- taires-occupants et des locataires). S’il n’a pas de valeur intrinsèque indis- cutable - dans la mesure où sa valori- sation dépend d’un grand ensemble de facteurs allant de l’offre et la de- mande aux règles urbanistiques et en- vironnementales en passant par les aides étatiques, le degré d’insécurité et la politique d’aménagement du terri- toire - , le resserrement monétaire amorcé en 2022 par la BCE est venu rappeler, après près de 15 ans de cré- dits bon marché, combien les condi- tions financières étaient l’élément détermi- nant de l’évolution du mar- ché immobilier. S’il en est ainsi, c’est à cause de l’impact (de la remontée) des taux sur le pouvoir d’achat immobilier. A titre d’exemple, pour un emprunt de 600.000 euros sur 25 ans, l’évolution des taux d’intérêt sur les crédits hypothécaires - passés de 1,38%en janvier 2022 à 4,2%en décem- bre 2023 - a entrainé des mensualités plus élevées de 868 euros, soit +36%. Cette forte diminution de l’accessibilité financière du logement a précipité une importante détério- ration des indica- teurs de demande sur le marché rési- dentiel : - Le volume de prêts immobiliers consentis pour des immeubles situés au Luxembourg est passé de 13 milliards d’euros en 2021 à 7 milliards en 2023 ; - Le nombre d’appartements (existants et en état futur d’achèvement) vendus a reculé de 14% en 2022 puis de 45% en 2023 ; - Le nombre de maisons vendues a re- culéde 17%en2022puisde 40%en2023; - Le nombre de terrains vendus a reculé de 22% en 2002 puis de 51% en 2023 ; - Le chiffre d’affaires de la Société natio- nale des habitations à bon marché (SNHBM), principal promoteur public en termes de ventes immobilières, est passé de 111 millions d’euros en 2022 à 58 millions en 2023 ; - Les droits d’enregistrement sont pas- sés de 485 millions d’euros en 2022 à 232 millions en 2023 - soit, au titre de 2023, un écart de l’ordre de 300 mil- lions par rapport au budget voté. A côté de ces impacts relatifs aux vo- lumes de transaction, la dynamique des prix (+10% en moyenne par an entre 2017 et 2021) s’est également in- versée. Depuis le pic enregistré au troi- sième trimestre 2022, les prix immobiliers ont reculé de 16% au Luxembourg, soit le décrochage le plus prononcé au sein de l’UE où ils n’ont reculé en moyenne - sur la même pé- riode - que de 1%. Ce plongeon des prix auGrand-Duché, qu’il convient de nuancer compte tenu de l’effondre- ment du nombre de transactions, s’avère relativement diffé- rencié entre les logements existants (-18%) et les lo- gements vendus en état futur d’achè- vement (-10%). Le resserrement de la politique moné- taire a également causé des tensions sur le marché locatif. Compte tenu de l’in- capacité de nombreuxménages, notam- ment ceux récemment arrivés dans le pays, à accéder à la propriété, la de- mande locative a été soutenue avec pour conséquences une hausse mar- quée des loyers demandés (en particu- lier entre le 2 ème trimestre 2022 et le 1 er trimestre 2023) et un stock de logements offerts à la location en constante baisse. Aussi, le nombre de faillites d’entre- prises actives dans la construction a fortement augmenté et le nombre de salariés dans le secteur (51.800 au 4 ème trimestre 2022, 49.200 au 1 er semestre 2024) a reculé. Qu’attendre (et espérer) pour la suite Dans l’espoir de normaliser la situation et afin d’éviter que le trou d’air observé depuis 2022 ne se transforme en crise structurelle de sous-capacité de produc- tion et de pénuriede logements, les pou- voirs publics ont multiplié les plans de soutien et de relance destinés à rassurer les acquéreurs potentiels, rehausser la demande effective, soutenir le pouvoir d’achat immobilier, préserver l’emploi et permettre que l’activité reparte. A ce stade, l’impulsion publique, qui a été récemment augmentée d’un en- semble de mesures de simplification administrative (1) et budgétaires (2) , ne semble pas avoir été une réponse à même de débloquer la situation, no- tamment en termes de ventes en état futur d’achèvement (VEFA). En dépit des divers programmes pu- blics (Ville de Luxembourg, Ministère du logement) d’acquisition de loge- ments en VEFA et des aides au loge- ment spécifiquement destinées aux acquéreurs de logements neufs, seule- ment 92 appartements en état futur d’achèvement ont été vendus au 1 er tri- mestre 2024, soit un niveau 87% infé- rieur à la moyenne observée entre 2019 et 2021. Les achats/ventes de logements à construire étant unmaillon essentiel de la chaîne du logement qui permettent que le stock de logements soit alimenté et que les entreprises de la construction aient de l’activité, la mauvaise orienta- tion de ce segment du marché immo- bilier est de nature à aggraver les difficultés préexistantes de sous-di- mension du parc de logements et de pénurie de main-d’oeuvre qualifiée. La récente création - par la Banque et Caisse d’Épargne de l’État, la Banque Internationale à Luxembourg, la Banque Raiffeisen, la Société Nationale de Crédit et d’Investissement et la Banque de Luxembourg - de Prolog dont l’objet principal est de soutenir la relance dumarché immobilier résiden- tiel au Luxembourg en émettant des options de vente pour les promoteurs immobiliers afin de faciliter l’accès au financement pour les projets de construction est un maillon supplé- mentaire de la chaîne d’éléments visant à redynamiser le segment des VEFA. Lemessage véhiculépar le lancement de ce véhicule bancaire inédit d’investisse- ments immobiliers semble néanmoins mi-rassurant/mi-inquiétant. D’un côté, il semble indiquer que les logements neufs vendus au Luxembourg sont des actifs sûrs (puisque des banques parmi les plus renommées de la place s’enportent garantes) ; de l’autre, il envoie le signal que les prix de ces logements neufs sont surévalués (puisqu’il est prévu que Pro- log rachète à un prix décoté préalable- ment fixé des biens dont il a permis qu’ils soient construits). Alors qu’il semble acquis que la reprise de l’investissement résidentiel (i.e. les nouvelles constructions) ne pourra pas compter, dans un horizon prévisible, sur des taux d’intérêt aussi faibles qu’entre 2010 et 2021, la capacité et la volonté des promoteurs à sensiblement corriger (à la baisse) leurs prix de ventes, au-delà des remises commer- ciales exceptionnelles, pourraient de- venir une question centrale durant les prochains trimestres … à moins qu’il ne soit cru (et vrai), en dépit d’évi- dences arithmétiques, que la rareté, ap- proximée par l’écart entre le nombre de logements achevés et les besoins en lo- gements, est forcément propice au ren- chérissement ! *Michel-edouard.ruben@fondation-idea.lu 1) Voir à ce sujet : Ministère du logement (2024), Méi, a méi séier bauen - la simplification administrative en marche et le nouveau partenariat public-privé pour le logement abordable. 2) Voir à ce sujet : Projet de règlement grand-ducal por- tant modification du règlement grand-ducal modifié du 12juillet1968concernantlafixationdelavaleurlocative de l’habitation occupée en vertu du droit de propriété ou occupéeàtitregratuitouenvertud’undroitdejouissance viagerou légal. De l’immobilier résidentiel au Luxembourg @VilledeLuxembourg ©INOWAI
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy Nzk5MDI=