Agefi Luxembourg - octobre 2025

Octobre 2025 41 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi D ans un environnement profes- sionnel où chaque détail compte, le grooming reste l’undesmarqueurs les plus puissants de la crédibilité et du leadership. Avant même le choix du costume, de la coiffure ou de la posture, il existe un langage silencieux qui distingue immédiatement les leaders qui inspirent confiance : la netteté. Cette impression de maîtrise, d’ordre et de rigueur, perceptible en un regard, résulte d’un ensemble de micro-détails que les Anglo-Saxons regroupent sous le terme « grooming », autre- ment dit, l’art du soin personnel appliqué à la sphère professionnelle. Souvent associé à la coquetterie, le groo- ming est en réalité un levier de crédibilité profes- sionnelle. Il traduit le soin que l’on porte à soi, aux autres et à son rôle. Dans un environnement exi- geant comme lafinance, où chaquedétail peut ren- forceroufragiliseruneimpression,lanettetédevient un signal fort de professionnalisme. Le grooming : premier langage du leadership Un costume parfaitement ajusté ne suffira pas si la barbe est négligée, la peau terne ou les cheveux sans forme. Le grooming incarne ladiscipline visi- ble de la personne : il témoigne d’une rigueur intérieure, d’une conscience du détail et d’un respect du cadre. Dans une étude de l’Université de Princeton, il a été démontré que notre cer- veau forme une première impression en moins d’un dixième de seconde. Avant même que nous parlions, notre apparence traduit déjà notre niveau d’attention, notre fiabilité, etmêmenotre compétenceper- çue. Le grooming agit donc comme l’amplificateur silencieux de notre auto- rité. Ce n’est pas un luxe, c’est une formede langagenonver- bal. Il dit : je maîtrise, je respecte mon rôle, je suis cohérent avec mes ambitions. Des codes différents, une exigence commune Pourleshommes,legroomingpasseparunecoupe nette, une barbe entretenue, des ongles impecca- bles,unparfumdiscretetdeschaussuressanstrace. Rien ne doit distraire le regard. Pour les femmes, il s’exprime à travers la préci- sion : unmaquillage sobremaismaîtrisé, des che- veux disciplinés, une peau soignée, une élégance fonctionnelle. L’objectif n’est pas la séduction mais la crédibilité visuelle. Dans les deux cas, le grooming n’a rien à voir avec la vanité : il s’agit d’une éthique du soin. Soigner son apparence, c’est reconnaître l’impact que l’on a sur les autres et la responsabilité que l’on porte dans l’image de son organisation. Du bureau au distanciel : le grooming à l’ère post-COVID La période post-COVID a redéfini les codes de la présence professionnelle. Aujourd’hui, le groo- ming ne se limite plus au présentiel : il s’étend à notre image numérique. Une visioconférence mal éclairée, une caméra floue ou un fond de bureau désordonné créent la même dissonance qu’un costume froissé. À l’in- verse, une image claire, un son net et un environ- nement visuelmaîtrisé traduisent lamême rigueur que celle attendue dans une salle de conseil. Le grooming digital, c’est donc : - un éclairage adapté pour éviter les ombres du visage, - une caméra positionnée à hauteur des yeux, - un fond neutre et ordonné, - un son clair, sans écho ni bruit de fond. Cesélémentssontdevenuslesnouveauxstandards de la netteté professionnelle. Ils prolongent notre présence exécutivedans lemondevirtuel et confir- ment que la maîtrise de l’image ne s’arrête pas au miroir : elle se joue aussi à travers l’écran. La netteté, reflet de la rigueurmentale Le grooming n’est pas une question d’apparence, c’est une question d’alignement. Il traduit la cohé- rence entre ce que l’on veut incarner et ce que l’on montre. Un grooming précis reflète un esprit ordonné ; une apparence soignée inspire confiance, tout comme undiscours clair inspire l’adhésion. Dans lemonde de la finance, de la direction ou de l’entrepreneuriat, cette cohérence est essentielle. Elle influence la perception de fiabilité, la capacité à convaincre, etmême lamanièredont unmessage est reçu. Soignersongrooming,c’estfinalementprendresoin de sa signature professionnelle. C’est comprendre quechaquedétaillatextured’untissu,lanettetéd’un col, la lumière sur unvisage contribue à renforcer la crédibilité dumessage et la portée du leadership. En conclusion Le grooming est bien plus qu’une routine esthé- tique. C’est une discipline stratégique : celle de la clarté. Dans un monde saturé d’images et d’infor- mations,lanettetéresteunsignedistinctif.Ungroo- ming impeccable, c’est la ponctuation silencieuse d’un leadershipaffirmé. Et dans l’économiede l’at- tention, ce détail n’en est plus un : c’est un atout. LaurenceCLAUDE, WonderExecutiveImage laurence@wonderexecutiveimage.com www.wonderexecutiveimage.com Crédibilité professionnelle : « le grooming », un atout qui change tout ! Allure, Leadership, Influence Par Caroline LAMBOLEY, Headhunter, Lamboley Executive Search* L orsqu’on évoque la formation et le développement des compé- tences dans l’entreprise, les mêmes images reviennent : des plans de formationbudgétisés, des plate- formes d’e-learning, des séminaires ani- més par des consultants ou encore desmodules obliga- toires. Ces dispositifs, indispen- sables, structurent la politique RHet constituent souvent un marqueur visible de l’investisse- ment qu’une organisation consa- cre à son capital humain. Maisderrièrecettefaçadeinstitutionnelle,unautreap- prentissage, plusdiscret, se joue chaque jour, dans les bureaux, les open spaces et les salles de réunion. Les collaborateurs apprennent en observant, en imitant, en reproduisant et en ajustant ce qu’ils voient autour d’eux. Cet apprentissage informel, implicite, continu, est d’une puissance redoutable : il diffuse des com- portements, installe des normes et façonne durable- ment la culture de l’entreprise. On l’appelle l’apprentissage social. Pourquoi est-il si stratégique pour les organisations modernes ? Parce qu’il agit là où se joue la réalité des performances : dans la cohérence entre valeurs affi- chéesetpratiquesvécues,danslavitesseàlaquelleles bonneshabitudessepropagent,danslamanièredont lesleadersincarnentounonlescomportementsqu’ils souhaitent voir reproduits. Dans un contexte écono- miquemarquépar laguerredes talents, l’accélération destransformationsetlaquêted’innovation,l’appren- tissage social n’est pas une curiosité théorique : c’est un levier économiquemajeur. L’apprentissage social, unphénomène quotidienmais sous-estimé Chaque collaborateur, quel que soit son poste, arrive dans l’entreprise avec une grille d’observation. Il re- garde, compare, jauge. Les premiers jours dans une nouvelle organisation sont révélateurs : plus que les process ou les documents d’intégration, ce sont les comportements visibles qui indiquent comment “les choses fonctionnent réellement”. Unexemplesimple:unmanageraffirmequelesréu- nions doivent commencer à l’heure. Mais dans les faits, il arrive systématiquement en retard de dixmi- nutes. Très vite, l’équipe retient lemessage implicite : l’horaire affiché n’est pas une règle. Autre situation : une entreprise proclame que l’innovation est une va- leur clé. Mais lorsqu’un collaborateur propose une idéedisruptive,ilestsèchementrecadré.Laleçonim- plicite est claire : mieux vaut rester dans le cadre établi que prendre des risques. Cesmicro-situations sont infiniment plus parlantesquen’importequeldiscoursof- ficiel. Elles constituent le cœur de la cul- ture vécue. Là où les chartes et les affiches décrivent ce que l’entreprise as- pireàêtre,lescomportementsquotidiensré- vèlent ce qu’elle est réellement. Cet apprentissage implicite est si puissant parce qu’il est natu- rel, intuitif et continu. Cha- cun, consciemment ou non, cherche des modèles à imiter pour s’intégrer et réussir. Dans une équipe où l’entraide domine, les nouveaux adoptent spontanément des réflexes de coo- pération. Dans un environnement où la compétition interne est valorisée, ils appren- nent vite à protéger leurs informations. Ainsi,chaqueentreprisetransmetenpermanenceun savoir comportemental qui dépasse les fiches de poste et les formations formelles. Cet apprentissage, silencieuxmais efficace, est à la fois la force et parfois la faiblesse des organisations. Quand les comportements deviennent un capital économique On pourrait croire que ces phénomènes relèvent de la psychologie ou de la sociologie, loin des préoccu- pations économiques. C’est une erreur. L’apprentis- sage social a un impact direct sur les résultats d’une entreprise, parfois bien plus puissant que des poli- tiques de formation coûteuses. D’abord,ilaccélèreladiffusiondesbonnespratiques. Quand une équipe adopte un mode de communi- cationefficaceouuneméthodeinnovantepourgérer ses projets, l’observation et l’imitation permettent une propagation rapide à l’ensemble de l’organisa- tion. Cemécanisme réduit considérablement le coût de l’intégration de nouveaux process et améliore la productivité collective. Ensuite, il facilite l’intégrationdes nouveaux talents. Un collaborateur n’a pas besoin d’un manuel pour comprendre les codes implicites d’une organisation :ilobservecommentsecomportentsespairsetajuste son attitude. Ce gain de temps est précieux dans un marchédu travail où les entreprises cherchent à ren- dre opérationnels leurs recrutements le plus rapide- ment possible. Sur le plan de la rétention, l’apprentissage social joue également un rôle clé. Lorsqu’un salarié constate que les valeurs affichées sont effectivement incarnées par ses managers, il renforce son sentiment d’apparte- nance et sa confiancedans l’organisation. Àl’inverse, une dissonance trop forte entre discours et réalité conduit àundésengagement, parfois silencieux, par- fois brutal. Combien d’entreprises affichent des va- leurs de bienveillance ou d’inclusion, tout en laissant prospérer des comportements contraires? Ces inco- hérences sont observées, commentées et finissent par fragiliser la fidélité des talents. Enfin, l’apprentissage social stimule l’innovation. Les idées circulent plus facilement dans des environne- ments où l’observationde comportements ouverts et collaboratifs encourage laprisedeparole.Àl’inverse, uneculturedeladéfianceouducontrôleexcessifbride la créativité. Ici encore, ce ne sont pas les slogans affi- chés qui comptent, mais les comportements réelle- ment visibles. Autrement dit, les comportements collectifs ne sont pasunsupplémentd’âme.Ilsconstituentunvéritable capitaléconomique,quiinfluesurlaproductivité,l’at- tractivité, la fidélisation et l’innovation. Le rôle décisif du leadership Sil’apprentissagesocialestsipuissant,c’estparcequ’il repose surunprincipe simple : chacun imite les com- portements qu’il considère comme valorisés. Dans uneorganisation,lesleadersoccupentdoncuneplace centrale. Leur influence dépasse largement les déci- sions stratégiques : elle s’incarne dans chaque geste, chaque réaction, chaquemot. Un dirigeant peut dépenser desmillions en commu- nication interne pour promouvoir la transparence. Maissi,danslesfaits,ilconservepourluilesinforma- tionsessentielles,lescollaborateursretiendrontquela transparence est un discours creux. De lamêmema- nière, unmanager qui prône la responsabilité indivi- duelle mais refuse systématiquement d’assumer ses propreserreursenvoieunmessageimplicitedévasta- teur : la responsabilité est à sens unique. À l’inverse, un leader qui incarne par ses actes les va- leurs de l’entreprise crée une dynamique vertueuse. Un simple geste - remercier publiquement un colla- borateur, prendre le temps d’écouter une critique, re- connaître une erreur - devient un signal fort. Ces comportementsobservéssediffusent,secommentent, s’imitent.Peuàpeu,ilsdeviennentdesnormestacites. Ce phénomène explique pourquoi certaines entre- prises parviennent à bâtir des cultures solides, où la confiance et la coopération ne sont pas des slogans mais des réalités. Le leadership ne se limite pas à la strat égie:ilestperformatif.Cequefaitunleader ,plus encore que ce qu’il dit, façonne l’organisation. Concevoir l’entreprise comme un écosystème apprenant Sil’onacceptequel’apprentissagesocialsoitunlevier stratégique,alorsilnesuffitpasdeleconstater:ilfaut l’orchestrer. L’entreprise devient un écosystème ap- prenant, où chaque interaction est l’occasion de ren- forcer des comportements alignés avec les valeurs et les objectifs. Cela suppose de repenser la formation. Plutôtquedes’appuyeruniquementsurdesmodules formels, les organisations doivent créer des contextes favorables à l’apprentissage diffus. Les espaces d’échanges informels, les programmes de mentorat oumême lesmoments de convivialité jouent un rôle majeur. Dans ces lieux, les collaborateurs observent, imitent et s’inspirent les uns des autres. La reconnaissance symbolique est également essen- tielle. Un comportement exemplaire observé mais ignoré perd de sa portée. À l’inverse, lorsqu’il est va- lorisé publiquement, il devient une référence. Les ré- compenses ne sont pas toujours financières : la visibilité,lareconnaissanceetlerespectconstituentdes leviers puissants de diffusiondes comportements. Il est possible de mesurer l’impact de cette dyna- mique.Desindicateurstelsquelavitessed’intégration des nouveaux, le tauxde rétention, le climat social ou encore la fluidité des coopérations donnent des si- gnaux concrets sur la qualité de l’écosystème appre- nant. Ce travail demande de la constance et une vigilance particulière. Car l’apprentissage social ne s’arrêtejamais.Lescomportementsnégatifs,euxaussi, sepropagentparimitation.Unetoléranceàl’irrespect ou à la dissimulation peut contaminer une organisa- tion entière en quelques mois. L’entreprise doit donc assumer une responsabilité : choisir ce qu’elle veut transmettre et veiller à ce que ses pratiques quoti- diennes reflètent réellement ses ambitions. La performance s’enseigne par l’exemple L’apprentissage social n’est pas un supplément invi- sible,c’estunmoteursilencieuxdeperformance.Ilagit dansl’ombredesdispositifsformelsmaisproduitdes effetstangiblessurlaproductivité,lafidélisation,l’in- novation et la cohésion. Pour les dirigeants, il constitue à la fois une opportu- nité et une responsabilité. Opportunité, car il permet detransformerchaqueinteractionenlevierdeculture et de performance. Responsabilité, car chaque geste, chaquemot, chaque décision est observé, commenté et imité. Dans un monde économique marqué par l’incertitude et la complexité, la performance durable ne se décrète pas. Elle se construit dans la cohérence entre ce que l’entreprise dit et ce qu’elle fait, entre ce que les leaders proclament et ce qu’ils incarnent. Au fond, l’apprentissage social rappelleune évidence trop souvent oubliée : les comportements sont conta- gieux. La seule questionqui compte est donc celle-ci : quels comportements votre entreprise choisit-elle de transmettre ?Car c’est dans cette réponseque se joue, engrande partie, son avenir. *c.lamboley@lamboley.lu www.lamboley.lu 621246155 La contagion silencieuse qui fait ou défait la performance de votre entreprise

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