Agefi Luxembourg - novembre 2025
Novembre 2025 37 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi Par Eva CHRISTOPHE, Juriste, de Castegnaro Ius – Laboris L a Cour d’appel a récemment rappelé les conditions devant être réunies afin qu’un sys- tème de pointage puisse être consi- déré comme unmoyen de preuve licite, permettant à l’employeur de prouver unemanipulation frauduleuse des horaires de travail par un salarié (1) . Par cet arrêt important, la Cour d’ap- pel a également confirmé que, même si les preuves recueil- lies par des moyens illégaux ne sont pas automatiquement admissibles, les juges conservent leur pouvoir discrétionnaire d’appréciation. Dans cette affaire, un employeur avait, par courrier recommandé du 14 octobre 2022, licencié un salarié avec effet immédiat pour avoirmanipulé frauduleu- sement le système de pointage et avoir trompé son employeur sur ses heures de travail. Le salarié a exercé un recours devant le tribunal du travail afin que son licenciement soit déclaré abusif. Le tribunal a jugé que la demande du salarié était non fondée. En effet, il a retenu que les éléments de preuve licites produits par l’employeur et le fait de fourniràsonemployeuràplusieursprisesdefausses indications sur seshorairesde travail surune longue période étaient d’une gravité suffisante pour com- promettre immédiatement et définitivement la confiance de l’employeur. Le salarié a fait appel du jugement, enaffirmant que l’employeur nepouvait pas évoquer certains faits au seinducourrierdelicenciement,étantdonnéqueces faits auraient été prescrits. Par ailleurs, il contestait avoir manipulé le système de pointage, et avoir donné de fausses indications sur ses horaires de tra- vail en vue de tromper son employeur. Enoutre, le salarié alléguait que lemoyendepreuve apporté par l’employeur aurait été illicite, étant donné qu’il se serait servi des données collectées via les portillons d’accès et de sortie au bâtiment, alors que ce traitement dedonnéesn’avait paspourbut de contrôler les heures de travail. En l’absence d’infor- mation préalable des salariés, ce moyen de preuve serait illicite au regard de l’article L.261-1 du Code du travail (2) . Les arguments du salarié n’ont pas été suffisants pour convaincre la Cour d’Appel, qui a confirmé le jugement. 1. Des faits fautifs de plus d’unmois peuvent être évoqués et reprochés au salarié LaCourd’appel a rappeléque s’il est vrai qu’enprin- cipe l’employeur nepeut pas fonder un licenciement pour motif grave sur des faits dont il a eu connais- sanceplusd’unmoisauparavant,riennel’em- pêche d’invoquer un fait ou une faute anté- rieure à l’appui d’un nouveau fait fautif ou d’unenouvelle faute survenudans ledélai d’unmois (3) . Elle rappelle également qu’il n’est pas re- quis que le fait invoqué par l’employeur commemotifdulicenciementsoitsimi- laire ni que le dernier fait en cause constitue une faute grave. Les jugesdoiventprocéderàuneana- lyse globale pour apprécier si tous les faits invoqués par l’em- ployeur,prisdansleurensemble, sont suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave (4) . Lapriseencomptedetouslesfaits fautifs reprochés au salarié permet ainsi de caractériser une faute grave du salarié. 2. Le système de pointage, moyen de preuve admissible par le juge Pour statuer ainsi, laCourd’appel apris encompte le faitquelerèglementd’ordreintérieurprécisaitqueles salariésdevaients’identifier «enentréecommeensortie » moyennant un badge individuel non cessible, que ce badge servait « également au pointage des heures de tra- vail » (« le badge servant au pointage est le même que celui mis à disposition des salariés pour l’accès au site »). Le rè- glementd’ordreintérieurprévoyaitexpressémentpar ailleurs que le système de pointage étaitmis en place pour« desraisonsdesécuritéetdecontrôle »etque« toute fraude en lamatière sera sanctionnée .». La Cour d’appel a également constaté que la convention collective de travail applicable à la so- ciété indiquait expressément comme exemple de faute grave la falsification des heures de travail. La Cour d’appel souligne par ailleurs que le salarié a confirmé avoir reçu la convention collective de tra- vail et le règlement d’ordre intérieur en signant et en inscrivant de manière manuscrite ses nom et prénom, ainsi que la date, sur un document dé- nommé « Confirmation de réception ». Il ressort de ces éléments que le salarié était bien in- formé de ses obligations en matière de pointage et qu’ilétaitparfaitementinforméquel’employeurpou- vaiteffectueruncontrôledesditspointagesd’entréeet de sortie, ainsi que des conséquences en cas de viola- tiondes règles édictées. Cet arrêt rappelle que l’employeur peut utiliser des pointages d’entrée et de sortie du lieu de travail commemoyendepreuvelicitedeladuréedutravail, à condition que les salariés aient été informés de la mise en place et des différentes finalités du système de surveillance. 3.Même illicite, unmoyende preuve n’est pas automatiquement inadmissible pour un juge LaCour d’appel amême étéplus loin en confirmant que,même si les preuves recueillies par desmoyens illégaux ne sont pas automatiquement admissibles, les tribunaux conservent leur pouvoir discrétion- naire pour évaluer ces preuves à la lumière de tous les facteurs pertinents, y compris la manière dont elles ont été obtenues et les circonstances dans les- quelles l’illicéité a été commise. Il appartient donc au juge d’apprécier l’admissibilité des preuves ob- tenues le cas échéant illégalement, en tenant égale- ment compte d’éventuelles d’autres preuves, telles des attestations testimoniales, venant confirmer les preuves qui auraient été obtenues illégalement. Il ressort de cet arrêt que l’ensembledes preuves ap- portées par l’employeur a permis aux juges de constater que les nombreuses incohérences et contradictions ne pouvaient s’expliquer que par une manipulation irrégulière du temps de travail par le salarié à plusieurs reprises et sur une période de plus d’unmois. Ces éléments étaient constitutifs d’une faute grave justifiant un licenciement avec effet immédiat. En conclusion, cet arrêt nous rappelle : 1. Que des faits dont un employeur a eu connais- sance plus d’un mois auparavant peuvent être in- voqués à l’appui d’un nouveau fait fautif ou d’une nouvelle faute survenue dans le délai d’un mois même s’ils ne sont pas similaires, à condition que le salarié ait commis de nouvelles fautes dans le mois précédant le licenciement ; 2. Qu’un système de pointage est un moyen de preuve licite si l’employeur a bien informé les sala- riés de la mise en place du système et des finalités du système, par exemple le contrôle du temps de travail des salariés ; 3. Qu’un moyen de preuve même illicite peut être un moyen de preuve admissible par les juges, en fonctiondes circonstances. 1) Cour d’appel, 8mai 2025, CAL-2024-00233 du rôle 2)ArticleduCodedutravailrelatifautraitementdedonnéesàcaractère personnelàdesfinsdesurveillancedanslecadredesrelationsdetravail 3)Article L.124-10 (6) duCode du travail 4) Arrêt de la Cour de cassation du 08.12.2016, n°97/16, n°3717 du registre Système de pointage : moyen de preuve licite ? L e Luxembourg s'est offi- ciellement doté de sa pre- mière organisationdédiée à la franchise : la Luxembourg FranchiseAssociation (LuxFA), inaugurée le 13 octobre 2025, à Luxembourg-Ville. Si la franchise est depuis longtemps un moteur économique en France et enBelgique, leLuxembourgnedispo- sait jusqu’àprésent d’aucune structure dédiée à cemodèle entrepreneurial. « La franchise peut devenir l'un des prochains moteurs de croissance du Luxembourg. Elle permet aux entre- preneurs de développer durablement leurs activités, de renforcer ledévelop- pement des petites entreprises et de créerdenouveauxemplois », explique Malika Lamamra, fondatrice & prési- dente de LuxFA. « Chaque jour, nous interagissons avec plusieurs fran- chises, souvent sans le savoir. Cela démontre l'intégration de ce modèle dans la vie quotidienne et son poten- tiel pour le développement des marques luxembourgeoises locales. » A titre de comparaison, avec plus de 1.900 réseaux de franchise en France et 450 en Belgique, le secteur génère déjà plus d’unmillion d’emplois dans la région—un signe de fort potentiel pour le Luxembourg. En 2026, LuxFA lancera son site web et lancera une série d'ateliers publics et de formations visant à aider les entrepreneurs et institutions locaux à explorer le modèle économique de la franchise. Lecomitédedirectionestcomposéde:LjiljanaKukec – vice-présidente et cofondatrice ; Daniel Adam – trésorier et responsable administratif (AR Services Luxembourg) ;DenisClébant–conseillerenstraté- gie et gouvernance ; Delphine Fischer – responsable du développement et des partenariats. Inauguration de la Luxembourg FranchiseAssociation ©LuxFA D es entrepreneurs venus de toute l’Europe ont plaidé pour un soutien accru contre le protectionnisme dans le commercemondial, pour un ren- forcement dudémantèlement des barrières commerciales au seindu Marché unique et pour une réduc- tiondes lourdeurs administratives afinde favoriser une croissance du- rable, à l’occasionduParlement eu- ropéendes Entreprises 2025. À l’initiative d’Eurochambres, plus de 700 dirigeants d’entreprise venus de 32 pays européens se sont réunis le 4 novembre 2025 dans l’hémicycle du Parlement européen à Bruxelles pour participer àunexerciceuniquededémo- cratie économique : le Parlement euro- péen des Entreprises. Invités à siéger et voter commedevéritablesdéputés euro- péens, ils ont pu exprimer la voix des entreprises sur les enjeux cruciaux qui façonnent l’économie européenne. Endossant le rôle symbolique de députés européens pour une journée, ils ont pris part à des débats animés, échangé direc- tement avec les décideurs européens et partagéleursprioritésconcrètespourl’ave- nir de l’Europe économique. À cet égard, lesdébatssesontstructurésautourdequa- tre thématiques européennes phares : la stratégiecommercialedel'Europe,lemar- ché intérieur, la décarbonisation et, de manièreplushorizontale,lacompétitivité. SelonVladimírDlouhý,présidentd’Euro- chambres, l’une des préoccupations majeures exprimées par les entreprises concerne la concrétisation des engage- mentseuropéens,enparticulierenmatière desimplification,unemesurejugéeessen- tielle et attendue de longue date par les acteurs économiques rassemblés. Pour l’événement, la Chambre de Com- merce et sonEnterpriseEuropeNetwork, encollaborationaveclaReprésentationde la Commission européenne au Luxem- bourg, ont accompagné une délégation luxembourgeoise, composée des entre- prises et startups suivantes : Artec3D, ClearSpace,GoodyearOperations, Travel ProAmexGBT, Enovos,WEO–Environ- mentalAnalytics for all fromSpace. Lors de la session consacrée à la décar- bonisation, Sergey Sukhovey, Chief Experience Officer et Fondateur d’Artec3D, a pris la parole pour s’adres- ser à l’audiencede l’hémicycle. Il a centré son intervention sur deux priorités : la nécessité de rendre les marchés publics verts plus transparents et accessibles aux PME et start-ups innovantes ainsi que l’importance de transformer le « SME Reality Check » en un véritable « SME Cross-border Reality Check », afin que la législation européenne tienne mieux compte des réalités des entreprises opé- rant au-delà des frontières. En parallèle, la délégation luxembour- geoise a profité de ce déplacement pour renforcer le dialogue stratégique avec Bruxelles. Un temps d’échange matinal avec des représentants de la DG GROW représentée par les Policy OfficersAndré MeyeretMartinaOrsulovaainsiqueIrene Sanchez-CebriandelaDGDEFISapermis d’aborder les politiques européennes en faveur des PME, les travaux sur la simpli- ficationadministrative ainsi que les initia- tivesetprojetseuropéensdansledomaine de la défense. Ce déplacement a permis à la délégation derencontrerleseurodéputésluxembour- geois Martine Kemp, Charles Goerens et MarcAngel,ainsiqueMariellaMasselink, Cheffe d’Unité à la DG GROW qui ont souligné l’importance d’amplifier la voix des entreprises et de les accompagner à travers des outils et services européens pertinents.Cetévénementillustrel’impor- tancedudialogue«UE–Entreprises»,un échangedirect et indispensablepour faire remonter les besoins concrets du terrain vers les instances européennes. Un dia- logue stratégique qu’il faut poursuivre et intensifier afinde bâtir une Europe plus à l’écoute de ses entreprises. Pointsmarquants des votes : - 91%estiment que la Commission euro- péenne doit nommer un Envoyé euro- péen pour les PME afin de défendre les besoins de plus de 99 % des entreprises européennes. - 90 % considèrent que l’Union euro- péennedoitfairedavantagepouraiderles entreprises à tirer parti des accords de libre-échange. - 93 % déclarent rencontrer des goulots d’étranglement et difficultés supplémen- tairesdansleurschaînesd’approvisionne- mentenraisondestensionsgéopolitiques. - 88 % jugent que le marché unique n’est passuffisammentintégré,cequiempêche leursentreprisesd’opéreretdeconcurren- cer librement. - 99%affirment souffrir de coûts énergé- tiques élevés, ce qui rend plus difficile le maintien de leur compétitivité et l’inves- tissement dans la transitionverte. - 98 % n’ont constaté aucune réduction notable des charges administratives au cours des 12 derniersmois. -86%estimentquelereportingenmatière de durabilité n’est pas un outil efficace pourrenforcerlacompétitivitétoutenfai- sant progresser la durabilité. Lesconclusionsdel’édition2025ainsique les résultats des votes seront transmis aux institutions européennes, avec l’ambition d’influencer les futures politiques en faveur des entreprises. Source : Chambre de Commerce « Laissez les entreprises prospérer, ne les étouffez pas sous la paperasserie » ©ChambredeCommerce
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