Agefi Luxembourg - janvier 2025

AGEFI Luxembourg 36 Janvier 2025 Digital Le Luxembourg sélectionné pour accueillir un supercalculateur optimisé pour l'IA L e 10 décembre 2024, l'initiative EuroHPC Joint Undertaking a sélectionné un consortium national, coordonné par le ministère de l'Économie et le ministère de la Re- cherche et de l'Enseigne- ment supérieur, pour accueillir un supercalcula- teur optimisé pour l'intelli- gence artificielle (IA), baptisé MeluXina-AI, et établir une AI Factory (usine d'IA) associée. Lors de sa réunion du 13 décem- bre 2024, le gouvernement réuni en conseil a marqué son accord avec ce projet d'acquisition d'un super- calculateur optimisé pour l'IA et l'établissement d'une AI Factory associée. Le Luxembourg franchit ainsi une nouvelle étape dans son ambition de devenir un acteur majeur de l'intelligence artifi- cielle et du numérique en Eu- rope. Ce projet ambitieux permettra de placer le Luxem- bourg parmi les leaders eu- ropéens de l'IA, en rejoignant un groupe initial de six autres AI Factories situées dans des cen- tres d'excellence en Europe, à Barcelone, Bologne, Kajaani, Linköping, Stuttgart, etAthènes. Le consortium qui a présenté le projet est formé par LuxProvide SA, Luxinnovation, le Luxem- bourg National Data Service (LNDS), l'Université du Luxem- bourg et le Luxembourg Insti- tute of Science and Technology (LIST). MeluXina-AI sera opéré par LuxProvide SA, déjà re- sponsable des supercalculateurs MeluXina et MeluXina-Q (futur ordinateur quantique), et inté- gré au réseau EuroHPC. En par- allèle, Luxinnovation assurera la coordination des activités de l'AI Factory, qui s'appuiera sur cette infrastructure pour stim- uler l'écosystème national d'IA. Ce projet permettra notamment: - Un calcul haute intensité sou- verain, répondant aux besoins stratégiques du Luxembourg en matière de numérique et d'IA. - Le développement d'un écosys- tème IA de pointe, permettant d'attirer des entreprises inno- vantes, talents et investissements. - Une collaboration renforcée au niveau européen, grâce à une participation active aux initia- tives communes. L'AI Factory et MeluXina-AI constitueront la pierre angulaire de la future stratégie nationale d'IA, prévue pour publication au printemps 2025, aux côtés des stratégies nationales en matière de données et de technologies quantiques. Cette infrastructure soutiendra la recherche publique et privée, les collaborations inter- nationales, et les projets na- tionaux prioritaires et permettra ainsi de répondre aux défis tech- nologiques et économiques de demain. Le supercalculateur sera intégré aux centres de données de LuxConnect SA à Bissen et à Bettembourg, avec 50% de la ca- pacité de calcul réservée au réseau EuroHPC et aux pays eu- ropéens et 50% dédiés aux be- soins nationaux. Le coût total du superordina- teur Meluxina-AI est estimé à 112 millions d'euros, répartis comme suit : - 80 millions d'euros pour l'ac- quisition du supercalculateur, financé à 50% par EuroHPC JU. - 32 millions d'euros pour son hébergement et son exploitation sur 5 ans, également financés à 50% par EuroHPC JU. Concernant le volet AI Factory, les frais de fonctionnement sur trois ans (dont 50% seront cou- verts par EuroHPC JU, et 3 mil- lions d'euros sont issus des fonds propres de Luxinnova- tion) sont estimés à 14 millions d'euros. Au total, l'État luxem- bourgeois s'engage donc à co-fi- nancer ce projet stratégique à hauteur de 60 millions d'euros. Le ministre de l'Économie, des PME, de L'Énergie et du Tourisme, Les Delles, a déclaré : «Ce projet témoigne de notre engagement en faveur d'une économie numérique et inno- vante. En acquérant MeluXina- AI et en lançant une 'AI Factory', nous dotons le Luxembourg des outils nécessaires pour répondre aux défis de demain, tout en renforçant notre souveraineté numérique et notre compétitiv- ité internationale en matière de digitalisation et de nouvelles technologies. MeluXina-AI et l''AI Factory' seront au centre de notre stratégie nationale d'IA, et permettront également de soutenir notre stratégie en matière des données, à côté de notre stratégie quantique.» Source : ministère de l'Économie Par Cédric TUSSIOT, Partner, Michel LAMBION, Managing Director et Eric RÉOLON,Director,DeloitteTax&Consulting L e projet de la Commission européenne (CE) “VAT in the digital age”, ViDA, pré- senté en novembre 2022 est consi- déré comme le projet le plus important enmatière de TVAde- puis trente ans.Après deux ans de consultation publique, de discus- sions entre administrations natio- nales ou au sein de différentes instances européennes telles que le Parlement européen (auteur de 300 suggestions) ou le Comité éco- nomique et social européen, la présidence belge a soumis à l’Eco- fin (réunion desministres des fi- nances des Etats de l’Union européenne) début 2024 un projet qui a été accepté globalement. Cependant, le veto d’un pays a entrainé son réexamen en novembre 2024 avec comme heureux aboutissement un accord lors de l’Ecofin du 5 novembre 2024 sur le nouveau compromis élaboré par la présidence hongroise. Il est donc opportun d’examiner l’état actuel de la situation, sachant que nous avons consa- cré à ViDA plusieurs articles détaillés (1) . “ViDA” apour ambitionpremièrede ré- pondre aux défis que la digitalisationde l’économie pose à la TVA, notamment en matière de fraude. Elle a aussi pour objectif de simplifier et accélérer la ges- tion des obligations TVA et idéalement en diminuer le coût. ViDA est basé sur trois piliers : Le premier est la facturation et le repor- ting électronique. Schématiquement, il est prévuque les entreprises seront obli- gées d’émettredes factures électroniques pour toutes livraisons de biens et pres- tations de services effectuées au profit d’assujettis établis dans d’autres Etats membres de l’Union européenne (UE). De plus, ces factures, ou leur contenu, devront être reportées dans une base de données européenne, dans laquelle les acquéreurs des biens et bénéficiaires des services devront également les reporter, tout ceci dans des délais très courts afin de lutter contre la fraude fiscale. Le projet adopté par l’Ecofin apporte certaines modifications à la proposition de la CE, comme un délai de 10 jours pour l’émission des factures au lieu des 2 jours initialement prévus et la réintro- duction de la possibilité d’émettre des factures récapitulatives. Ceci est unpoint important pour les entreprises qui four- nissent en continu des biens (ou ser- vices) à leurs clients, comme des pneus oudes vis à un constructeur automobile à partir d’un stock dans ou à proximité de ses usines et dans lequel il puise jour- nalièrement en fonction des besoins. La facture récapitulative, qui peut s’éten- dre jusqu’à un mois, remplace ainsi les multiples factures qui devraient théori- quement être émises à chaque prélève- ment.Cesmodificationsillustrentl’intérêt de répondreaux consultationspubliques organisés par la CE et de l’utilité de l’ac- tion des associations professionnelles. Le deuxième pilier est celui de l’imma- triculation unique. En effet, il existe en- core de nombreuses situations où une entreprise assujettie est obligée de de- mander un numéro de TVA et de dépo- ser des déclarations TVA dans les Etats membres autres que celui où elle est éta- blie. Ceci implique des coûts et des com- plexités administratives qui peuvent dans certains cas décourager des entre- prises, surtout les plusmodestes, à avoir des activités hors de leur pays. Il s’agit d’une perte d’opportunité pour les en- treprises et les clients. Pour y remédier, l’Union européenne a introduit le «guichet unique» ou «one stop shop» (OSS) qui permet de payer la TVAdue dans d’autres Etatsmembres à partir de son Etat membre d’établisse- ment. Ce système ad’abord été introduit pour les prestations de service de télé- communication pour être progressive- ment étendu à d’autres opérations, comme, à compter de 2025, l’accès vir- tuel àdes événements culturels, sportifs, d’enseignement, etc. (2) ViDAenvisage une extension à l’ensem- bledes opérations taxables dans d’autres Etats membres comme les prestations relatives à des services immobiliers (le plombier de Steinfort qui intervient à Arlon, Longwy et Trêves). Par rapport à la proposition de la Commission, ce pi- lier n’a connu que des aménagements techniques. Le troisième pilier concerne les plate- formes électroniques. Celles-ci sont déjà soumises à différentes obligations de re- porting (directive diteDAC7) et sont so- lidairement responsables du paiement de la TVA sur certaines opérations qu’elles facilitent. Ceci est un peu com- parable à une commune qui met à dis- position un terrain moyennant redevance à des commerçants ambu- lants et qui serait tenue de renseigner aux autorités fiscales les opérations réa- lisées sur le marché et/ou serait tenue responsable de la TVA due. La compa- raisonpeut sembler saugrenue. Et pour- tant, ne parle-t-on pas souvent de «market place» ou «place de marché» pour certaines plateformes ? ViDAprévoit donc d’étendre la respon- sabilité des plateformes aux locations de courte durée de logements et de moyen de transport qu’elles facilitent. En clair, un certain nombre d’activités liées au tourisme. L’objectif essentiel est d’assu- rer l’égalité de traitement entre des pres- tations d’hôtellerie classique soumises à TVA et les prestations de location de courte durée de logements. Lors de la consultation publique organi- séeaprès lapublicationen2022de lapro- position de la Commission, cette extension avait été la seule à susciter des critiquesvirulentesdelapartd’uncertain nombre d’associations professionnelles. Cescritiquesportentsurlacomplexitédu mécanisme pour certains opérateurs, sur lerisquequecertaineslocationsquibéné- ficientactuellementd’uneexonérationde TVAoud’un taux réduit soient soumises à TVA au taux standard lorsque sous- crites via une plateforme, sur le risque d’un recours à des plateformes établies hors UE qui ne respecteraient pas les rè- gles de l’UE, sur une distorsion de concurrenceentrelesplateformesetd’au- tres canaux de distribution, etc. Le projet de la présidence belge a main- tenu cette disposition. Il en a résulté lors des réunions Ecofindes 14mai et 21 juin 2024 un refus de l’Estonie (3) . Un tel refus constitue un véto puisque les disposi- tions TVAsont de celles qui doivent être adoptées à l’unanimité. La présidence a donc proposé unnouveau texte qui a été adopté lors de l’Ecofin du 5 novembres 2024 (4) . Le principe de la responsabilité des plateformes est confirmé pour les lo- cations de logement de courte durée (30 jours maximum) et pour les prestations de transport par route. Cette règle en- trera en vigueur au 1 er juillet 2028. Par ailleurs, les Etatsmembres pourront jusqu’en 2030 et pour une période de 10 ans exclure du système les assujettis qui bénéficient du régime des petites entre- prises qui prévoit une exonération du chiffre d’affaires. Au Luxembourg, à compter du1 er janvier 2025, ce régime est applicable aux assujettis qui réalisent un chiffre d’affaires maximal annuel hors TVA de € 50.000 ; avec une possibilité d’en bénéficier aussi dans d’autres Etats membres pour autant que le chiffre d’af- faires global «européen» ne dépasse pas € 100.000 (5) . Ceci nous amène àunautre constat. Sans doute pour obtenir l’accord des Etats membres, le projet adopté a introduit un certainnombrede règles laissées à ladis- crétiondesEtatsmembres contrairement à la proposition de laCE.Ainsi, ils pour- raient décider que l’acceptation des fac- tures électroniques par ledestinatairedu bien ou bénéficiaire du service pourrait ne pas être nécessaire en cas de factura- tion électronique obligatoire. Ils pour- raient s’écarter de la norme applicable à la transmission de données à partir de factures électroniques conformes à cette normemais à la conditionque l’interopé- rabilité avec celle-ci soit assurée. De même, les Etats membres pourraient conserver jusqu’au 1 er juillet 2035 leurs systèmes de facturation et de reporting électronique applicables auniveaunatio- nal pour autant qu’ils existent avant le 1 er janvier 2024. De telles dérogations sont de nature à créer un «patchwork» de rè- gles qui, au lieu de remplir l’objectif de simplification, compliqueront la tâche d’entreprises internationales. Le projet a aussi rééchelonné les dates d’entrée en vigueur des différentes me- sures : 1 er juillet 2028 au lieudu1 er janvier 2025pour l’immatriculationunique et les plateformes et 1 er juillet 2030 au lieu du 1 er janvier 2028 pour la facturation élec- tronique. Notons cette innovation inté- ressante de prévoir l’entrée en vigueur des règles enmilieud’annéeplutôt qu’en début d’année. L’idée sous-jacente est d’éviter d’ajouter un stress supplémen- taire pendant les travaux de fin d’année. Le texte doit maintenant être resoumis au Parlement européen et voté par ce dernier. Néanmoins, dans lamesure où, malgréde nombreux changements tech- niques, la substance et la philosophie du texte restent inchangées par rapport à celui déjà examiné par le Parlement, il est vraisemblable que le vote devrait avoir lieu dans un délai raisonnable. Après ce rapide aperçu, une analyse plus approfondie du texte adopté par l’Ecofin, de ses différences avec le pro- jet de la Commission et de ses points positifs et négatifs devra être conduite afin de permettre aux entreprises de prendre les actions nécessaires. Nous espérons avoir cette opportunité dans les premiers mois de cette année. 1) En 2022 : «TVA et digitalisation (1) : vers un système de reporting obligatoire au niveau de l’Union européenne? et, si oui, quel système de reporting ?» ; «TVA et digitalisation (2) : de nouveauxdéfispourlesplateformesdecommerce électronique?» ; «TVA et digitalisation (3) : du guichetuniqueàl’immatriculationunique?»;«TVA etdigitalisation(4) :quiddesservicesfinanciers?»; «TVA et digitalisation (5) : la proposition de la Commission» ;en2023 :«TVAetdigitalisation(6) : lesréactionsàlapropositiondelaCommission». 2) Voir «TVA : changements en vue au 1er janvier 2025»,septembre2024. 3)E-invoicingcomplianceintheEuropeanUnion |Pagero 4)EconomicandFinancialAffairsCouncil-Con- silium 5) Voir «TVA : changements en vue au 1er janvier 2025»,septembre2024. TVAet digitalisation (7) : fumée blanche le 5 novembre 2024

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