Agefi Luxembourg - décembre 2024
Décembre 2024 35 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi C e 22 novembre 2024, le Tribunal d’arrondissement de Luxem- bourg a annulé le bulletind’im- pôt émis à l’encontre demonsieur «TP» pour l’année 2019 et applique ainsi la décisiondu 21 décembre 2023 de laCour de justice de l’Union euro- péenne (CJUE) (1) selon laquelle les administrateurs de socié- tés anonymes (SA) luxem- bourgeoises ne sont pas assujettis à la TVAparce qu’ils n’exercent pas leurs ac- tivités demanière indépen- dante. Quelles sont les conséquences possibles de ce ju- gement ?Quelles questions restent à clarifier ? Par Michel LAMBION, Managing Director, et Eric RÉOLON, Director, Deloitte Tax &Consulting Le parcours administratif et judiciaire (2) Monsieur «TP» est un avocat luxembourgeois et est aussi administrateur de plusieurs sociétés anonymes de droit luxembourgeois. Il participe donc aux déci- sionsconcernantlescomptes,lapolitiquedesrisques, lastratégieetlespropositionsàsoumettreauxassem- blées des actionnaires. Pour cette activité, il reçoit une rémunération que l’Administration de l’enregistre- ment, des domaines et de la TVA (AEDT) considère soumise à la TVA conformément à sa circulaire 781 du 30 septembre 2016 (3) qui avait établi que les admi- nistrateurssontdesassujettisàlaTVA.Monsieur«TP» contesta le bulletin d’imposition émis par l’AEDT en 2019 qui lui réclamait la TVAqu’il avait décidé de ne pluspayer.L’année2019correspondàladécision«I0» où la CJUE a considéré qu’un membre du conseil d’une fondation néerlandaise n’est pas assujetti à la TVA (4) , parce qu’il n’exerce pas d’activité économique demanière indépendante. Le litige entre l’AEDTetmonsieur «TP» fut portéde- vant le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg qui décida de référer l’affaire devant la CJEU afin qu’elle l’éclaire quant à l’interprétation à donner des principes TVAdans cette affaire. Le 21 décembre 2023, la Cour répondit que l’activité demembre du conseil d’administrationd’une SAest uneactivitééconomiquemaisqu’ellen’estpasexercée de façon indépendante parce que l’administrateur «n’agitpaspoursoncomptenisoussaproprerespon- sabilité et ne supporte pas le risque économique lié à sonactivité».Cecirejointlestermesqu’elleutilisadans l’affaire «IO» : «n’agit ni en son nom, ni pour son compte, ni sous sa propre responsabilité, mais agit pour le compte et sous la responsabilité de ce même conseil et ne supporte pas non plus le risque économique découlant de son activité». Dès le lendemain, l’AEDT émis une circulaire 781-1 (5) suspendantlacirculaire781précitéeetindiquaqu’une circulaire détaillée sera émise lorsque la décision du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg sera connue. Le 15 janvier, l’AEDTémis une communica- tionadditionnelle (6) indiquantnotammentqu’unepro- cédure «non-bureaucratique» serait mise en place pour aider les administrateurs à régulariser la TVA précédemment payée. Enfin, dans lamesure où la CJUE se limite à fixer les principes, la juridiction nationale qui l’a saisie doit, éclairéeparladécisiondelaCour,trancherlelitigequi lui a été soumis. Ce fut fait ce 22 novembre et le Tri- bunal statua en faveur demonsieur TPenaccueillant sa demande d’annulation du bulletin d’imposition émis en 2019 par l’AEDT à son encontre. Quelles conséquences possibles ? Saufappeltoujourspossible,cettedécisionnoussem- blemettre fin à l’assujettissement à laTVAdes rému- nérations perçues pour l’exercice des fonctions d’administrateur de SA (7) . Les administrateurs de SA devraient donc pouvoir arrêter de porter en compte de la TVAaux sociétés sur leurs rémunérations, et ce demanièredéfinitive,aprèslasuspensionprévuepar la circulaire 781-1du22décembre. Ils devraient aussi pouvoir se désimmatriculer et cesser de déposer des déclarations TVA. Dupoint de vue des sociétés, cette décision est importante pour toutes celles, nom- breuses auLuxembourg, qui ne peuvent pas ou seu- lement partiellement déduire la TVA : assurances, banques,sociétésimmobilières,professionnelsdusec- teurfinancier,sociétésholdinget/oudefinancement, voire certains organismes de droit public. Eneffet,laTVAnondéduitedepuis2018 sur les rémunérationspayées à leurs ad- ministrateursdevrait leur être rembour- sée. Pour l’important secteur des fonds d’investissement, l’impact sera plus li- mité, puisque les rémunérations des ad- ministrateursde fondspeuvent bénéficier de l’exonération de l’article 44.1.d) de la loi de TVA luxembourgeoise, mais ilneserapasinexistantpuisque l’exonération ne s‘ap- plique pas, en principe, aux rémunérations des administrateurs des socié- tés de gestions de ces fonds et des sociétés de holdings («SPV» – «Special purpose vehicle») fréquemment déte- nues par des fonds de private equity. Enfin,lessociétésayantundroitàdéductiontotalede la TVA comme les sociétés commerciales ou indus- trielles n’y trouveront aucun intérêt. Quelles questions restent à clarifier ? Malgré les décisions de la Cour et du Tribunal, de nombreuses questions restent en suspens. Sans pré- tendreàl’exhaustivité,nouspouvonsenvisagercelles qui nous semblent les plus importantes. Tout d’abord, cesdécisions adressent uniquement la question des personnes administratrices de sociétés anonymes. Néanmoins, les termes de la décision de la Cour, qui, de plus, sont proches de ceux qu’elle a utilisédans l’arrêt «IO»qui avait décidéqu’unmem- bre d’un conseil de surveillance d’une fondation néerlandaisen’est pas assujetti à laTVA, sont trèsgé- néraux. Il semblerait donc cohérent que les autres mandataires sociauxdes SA, comme les administra- teursuniques ou, lorsque cette formeparticulière est adoptée, lesmembres des conseils de surveillance et du directoire, soient traités de manière identique si, bien évidemment, les conditions posées par la Cour sont respectées (8) . Il devrait enallerdemêmepour les sociétésadministrateursd’autressociétésetlesautres formes juridiques comme les SARL et leurs gérants, en raisonduprincipe de la neutralité de la forme ju- ridique, si, bienévidemment, les critèresposéspar la CJUE sont respectés. Néanmoins, il doit être noté que, lors de l’audience devant leTribunal du11octobre, l’avocat de l’AEDT avait défenduque la décisionde laCJUEne pouvait s’appliquer qu’aux seuls administrateursdeSAet ne pouvait donc être considéré commeunedécisionde principe. Il s’agit donc d’un point important dont il est à espérer qu’il sera résoludans la nouvelle circu- laire promise par l’AEDT. Dans sa communication du 22 décembre 2023, l’AEDTavaitindiquéqu’ellemettraitenplaceuneap- proche «non-bureaucratique» des régularisations de TVA. Depuis, sur labasededifférentesdiscussions, il apparaît que la procédure sera réalisée via «MyGui- chet»etsonfonctionnementpeutêtrerésumécomme suit : les administrateurs devront indiquer dans l’es- pace dédié de «MyGuichet» les rémunérations per- çues des différentes sociétés. Puis, l’AEDT rembourseraauxadministrateurslaTVApayéedans le passé sur leurs rémunérations d’administrateurs. Enfin, ces derniers devront la reverser aux sociétés qui seront informées par l’AEDT qu’elles devraient recevoirunremboursement.Ceciestàcompareravec la procédure normale qui implique l’émission de notes de crédit par l’administrateur pour annuler les précédentes factures émises avec TVA à l’attention des sociétés, un remboursement de la TVA par l’ad- ministrateuràlasociétépuisparl’AEDTàl’adminis- trateur. La principale différence est donc le flux de paiement qui évite le préfinancement de la TVApar l’administrateur qui dans la procédure normale risquededevoirattendrelecontrôledesadéclaration annuelle. Par ailleurs, les cas «particuliers» comme, notamment, ceux d’un administrateur ayant arrêté ses activités et peu désireux de se lancer dans cette procédure devraient être aussi résolus. La circulaire promise par l’AEDT précisera vraisem- blablement ces points ainsi que les conséquences en matièrededroitàdéductionpourlesadministrateurs, et confirmera aussi que la régularisation pourra bien être effectuée pour les années commençant en 2018, comme cela avait été annoncé endécembre 2023. Sans aucun doute, les conséquences de la décision duTribunal seront importantes pour de nombreux administrateursetsociétés.Ilestàespérerquelacir- culairepromiseparl’AEDTapporteralesprécisions nécessaires que nous espérons pouvoir aborder ra- pidement dans un autre article. 1)TP,C-288/22,21décembre2023. 2) Pour plus de détails voir TVA : les administrateurs de SA ne sontpasdesassujettis»,inAgefijanvier2024et«TVA:desévolu- tions importantes à venir pour les administrateurs ?», in Agefi septembre2023. 3)CirculaireN°781du30septembre2016—Portaildelafisca- litéindirecte-Luxembourg (public.lu ) 4)IO,C-420/18,13 juin2019. 5)TVA-Administrateurs-Actualités-Portaildelafiscalitéindi- recte-Luxembourg (public.lu ) 6)Administrateurs-ArrêtdelaCourde justicedel’UEC-228/22 (comgouv.lu) 7)Nousnevisonsiciquelesrémunérationsreçuesparl’admi- nistrateurpoursonrôleauseinduconseild’administration.S’il devaitexercerd’autresfonctionsouassurerd’autresmissions,la situationdevraitêtreanalyséespécifiquementsachantquela taxationestdeprincipe. 8)Rappelonscesconditions:ilouelle«n’agitpaspoursoncompte ni sous sa propre responsabilité et ne supporte pas le risque éco- nomiqueliéàsonactivité». Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg confirme que les administrateurs de SAne sont pas assujettis à la TVA E nprésence duministre du Travail, GeorgesMischo, l’Agence pour le développe- ment de l’emploi (ADEM) et FEDILEmployment Services (FES), représentées par Isabelle Schlesser etMarc Lebrun, ont signé le 10 décembre une nouvelle conventionde collaboration, ren- forçant leur engagement commun pour favoriser l’intégrationdes de- mandeurs d’emploi sur lemarché de l’emploi auLuxembourg. Cetteconventions’inscritdansunelongue tradition de partenariat entre l’ADEM et lesecteurdutravailintérimaire,initiéedès 1997.Elleviseàmutualiserleseffortspour favoriserl’employabilitédel’ensembledes demandeursd’emploi,enleurpermettant d’acquérir de nouvelles expériences et compétences, tout en répondant aux be- soins de flexibilité des entreprises. FEDILEmploymentServicesestl’associa- tionpatronalequiregroupelesentreprises de travail intérimaire établies au Luxem- bourg. «En tant que partenaire social res- ponsable, le secteur intérimaire joue un rôle central dans le placement de candi- dats, grâce à sa capacité d’adaptation ra- pide auxbesoinsdumarché et à ses outils de formation spécialisés», souligne Marc Lebrun, président du Conseil d’adminis- trationdeFES.Unerécenteenquêted’opi- nion sur le travail intérimaire au Luxembourg pour FES révèle en effet l’importance cruciale de l’intérim en tant qu’environnementformateur,permettant aux travailleurs de renforcer des compé- tences clés et de s’épanouir professionnel- lement.Ellemetégalementenlumièreson rôleessentielentantquetremplinversdes emplois plus stables. Les parties s’engagent à : - Faciliter le recrutement des demandeurs d’emploi grâce à un partage structuré et automatisé des offres d’emploi entre FEDILEmployment Services et l’ADEM; - Améliorer l’employabilité des candidats en proposant aux demandeurs d’emploi inscrits à l’ADEM des formations ciblées et adaptées aux besoins des employeurs; -Promouvoirletravailintérimairecomme un tremplinvers l’emploi durable. «Les entreprises de travail intérimaire jouent un rôleprécieuxpour lemarchéde l’emploi. En offrant un grand nombre de contratsdansdessecteursvariés,avecdes durées parfois significatives, elles contri- buent activement à l’acquisition de nou- velles compétences et expériences professionnelles par les demandeurs d’emploi, favorisant ainsi leur intégration durablesurlemarchédutravail»,constate Isabelle Schlesser, directrice de l’ADEM. Engagements réciproques Les entreprisesmembres de FES s’enga- gent à déclarer à l’ADEM les offres de missions qui seront publiées, grâce à un transfert automatique, sur la plateforme JobBoard*. Cela permettra à l’ADEMde mieux collecter les données relatives aux compétences professionnelles recher- chées par les employeurs et d’affiner la liste des métiers très en pénurie. Elles s’engagent également àproposer des de- mandeurs d’emploi inscrits à l’ADEM, qui le souhaitent, aux entreprises utilisa- trices, après un processus d’évaluation et de sélection. Afin d’accélérer l’intégration des candi- dats au marché de l’emploi, les entre- prises de travail intérimairemembres de FES pourront suggérer des formations adaptées, selon les profils et les besoins. De son côté, l’ADEM intensifiera ses ef- forts pour valoriser, auprès des deman- deurs d’emploi, l’intérim en tant que tremplinversuneoccupationprofession- nelle pérenne. De plus, l’ADEM sollici- tera régulièrement les entreprises membres de FES aux ateliers de recrute- ment et organiserades jobdaysdédiés au secteur intérimaire, de typeADEM-FES. Une attention accrue portée aux jeunes demandeurs d’emploi La conventionaccordeuneattentionpar- ticulière aux demandeurs d’emploi âgés demoinsde30ans, avecpeuoupasd’ex- périence, dans le cadre notamment du programme de la garantie pour la jeu- nesse. Les entreprises de travail intéri- maire seront représentées et valorisées dans les initiatives dédiées à ce public. Lesengagementsmutuelsprévoientéga- lement la mise en place d’ateliers et de dispositifs spécifiques pour permettre aux candidats les plus jeunes d’acquérir les compétences nécessaires à une inser- tion réussie sur lemarché de l’emploi. Un partenariat stratégique Georges Mischo, ministre du Travail, a vivement salué ces initiatives et a remer- cié lespartenairesduprogramme: «La si- gnature de cette convention réaffirme la volontédel’ADEMetdeFEDILEmploy- ment Services de conjuguer leurs efforts pour relever les défis d’un marché de l’emploi en constante évolution. Ce par- tenariat souligne la complémentarité entre le service public de l’emploi et le secteur du travail intérimaire, avec l’ob- jectif commun de réduire le chômage et d’accompagner les entreprises dans leur recherche de talents.» Un bilan semestriel du partenariat sera établi,afind’évaluerlesrésultatsetd’iden- tifier d’éventuels axes de progression. *https://adem.public.lu/fr/jobboard/employeur.html Source : ADEM Signature d’une convention de collaboration entre l’ADEM et FEDIL Employment Services Une collaboration au service de l’emploi (de g. à dr.)Marc L EBRUN , président de la FEDIL Employment Services (FES) ; GeorgesM ISCHO , ministre du Travail ; Isabelle S CHLESSER , directrice de l’ADEM ©ADEM
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