AGEFI Luxembourg - juillet août 2025
Juillet / Août 2025 35 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi A près avoir rencontré sépa- rément les partis politiques représentés à la Chambre des Députés pour leur présenter les contours de sa réforme de l’im- position, leministre des Finances Gilles Roth a répondu aux ques- tions des députés à l’occasion d’une réunion de la Commission des Finances le 1 er juillet. C’est une réforme qui ne doit rien faire perdre aux contribuables. Elle doit aussi répondre à la réalité sociale actuelle en prenant en compte les modes de vie d’aujourd’hui, sans donner d’avantage particulier aux personnes selon le fait qu’elles sont mariées ou pas. C’est ainsi que Gilles Roth a présenté sa réforme de l’imposition devant mener à un impôt individualisé des contribuables, supprimant les classes d’imposition actuelles (1, 1a et 2). Le calendrier de la réforme prévoit le dépôt d’un projet de loi en 2026 pour une entrée en vigueur en 2028. Il s’agit d’introduire une classe d’imposition unique, le barème « R », basé de façon générale sur le barème de l’actuelle classe d’impôt 1a. Il doit s’appliquer aux contribuables des classes d’impôt 1 et 1a et pour les nouveaux couples pacsés et mariés. Les couples déjà mariés ou pacsés qui bénéficient d’avantages fiscaux liés à la classe d’impôt 2 pourront cepen- dant continuer à en profiter pendant une période de transition de 20 ans. Selon leur situation, ceux-ci pourront aussi adopter le barème « R » avant la fin de la période de transition de 20 ans. Ils ne pourront cependant pas revenir en arrière, comme l’a précisé le ministre en réponse aux questions des députés, pour éviter que les personnes ne changent plusieurs fois de classe d’imposition selon l’évolution de leur situation personnelle. Leministredes Finances a soulignédans ce contexte qu’une grande majorité des personnes mariées ou pacsées seraient dans des situations dans lesquelles elles auraient intérêt à changer de barème dès l’entrée en vigueur de la réforme. En réponse à une question des dépu- tés, Gilles Roth a encore affirmé réflé- chir à la mise en place d’un outil dans les bureaux d’imposition pour conseil- ler les contribuables et leur permettre de calculer l’opportunité de passer au nouveau barème. Des exemples concrets ont été donnés lors de la présentation. Les personnes aux revenus les plus faibles devraient profiter le plus de la réforme. Un céli- bataire avec un revenu brut annuel de 50.000 euros pourrait ainsi voir son imposition diminuer et passer de 5.572 euros à 3.071 euros, selon les chiffres présentés. Un coût estimé entre 800 et 900 millions d’euros par an Les députés ont globalement salué la manièredontGillesRothaprocédédans ce dossier, en rencontrant en amont les groupes et sensibilités politiques sur une base individuelle pour mener un échange autour de cette réforme d’en- vergure. Gilles Roth a également tenu à remercier les parlementaires pour leur approche « constructive ». Plusieurs critiques ont cependant été formulées par les partis de l’opposition. La critique la plus partagée concerne le financement de cette réforme, dont le coût est estimé entre 800 et 900millions d’euros par an. Ce financement serait ainsi difficile à assumer, notamment dans le contexte d’une situation écono- mique tendue et avec de nouvelles dépenses à l’horizon, liées selon cer- tains députés à l’augmentation prévue du budget de la Défense. Certains par- lementaires ont partagé leur inquiétude selon laquelle le ministre compterait trop sur la croissance dans ce contexte et regretté que le gouvernement écarte par exemple l’outil de l’impôt sur la for- tune, limitant sa marge de manœuvre. Gilles Roth a souligné sur ce point que les coûts seraient en partie compensés par l’application de tranches d’index et que la réforme permettrait également d’augmenter le pouvoir d’achat des contribuables, tout en reconnaissant qu’il y avait un « prix à payer » pour basculer vers ce nouveau système envi- sagé de longue date. Une autre critique d’un député de l’op- position a concerné le fait que les cou- ples mariés ou pacsés au sein desquels les conjoints ont des revenus dont l’or- dre de grandeur varie fortement, ou au sein desquels un conjoint n’a pas de revenu, seraient perdants avec cette réforme car ils ne bénéficieraient plus des avantages que leur donnait la classe d’imposition 2. Le ministre des Finances a affirmé dans ce contexte que c’est la raison pour laquelle la période de transition de 20 ans avait été déci- dée. Il a également ajouté que cela rele- vait d’une décision politique, souli- gnant encore une fois qu’un système fiscal doit être adapté à la réalité de la majorité des situations de vie actuelles. Un autre point soulevé par les députés a été celui de la prise en compte du coût que représentent les enfants pour les contribuables. Le ministre des Finances s’est dit ouvert à poursuivre la discus- sion pour trouver des solutions sur ce point. Le ministre des Finances doit maintenant rencontrer les représentants des syndicats pour leur présenter le contenu de la réforme. Lors de lamême réunion de la Commission des Finances, Maurice Bauer (CSV) a été nommé rapporteur duprojet de budget 2026 et duprojet de budget pluriannuel. Source : Chambre des Députés L’impôt individualisé prend forme La présidente de la Commission des Finances Diane Adehm et le ministre des Finances Gilles Roth ©ChambredesDéputés U n ajustement de prix de transfert réalisé enmatière d’impôts directs constitue- t-il une prestation de services sou- mise à TVA avec comme consé- quence potentielle une hausse de la TVAnon déductible pour cer- taines entreprises comme celles du secteur financier ? ParCédricTUSSIOTetTomasPAPOUSEK, Partners, et Michel LAMBION, Managing Director, Deloitte Tax&Consulting Après nos articles relatifs aux conditions dans lesquelles une société peut déduire la TVA sur des services intragroupes (l’arrêt Weatherford Atlas Grip SA (WAG) et à la détermination de leur valeur (conclusions de l’avocat général dans l’affaireHögkullenAB), il est temps d’examiner les conclusions demonsieur J. Richard de la Tour, avocat général auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE » ou « la Cour »), dans l’affaire SC Arcomet Towercranes STL«Arcomet Roumanie ») (C-726/23) (1) relative aux conséquences TVA d’un ajustement du prix de services intra- groupe enmatièred’impôt sur le revenu. Arcomet Roumanie a signé le 24 janvier 2012 un contrat qui prévoit qu’Arcomet Belgique assure à son profit différentes fonctions dont la plus importante est de trouver les fournisseurs et de négocier les conditions d’achat de grues et autres matériels auprès de fournisseurs tiers. Surtout, Arcomet Belgique s’engage à supporter les principaux risques écono- miques liés à l’activité d’Arcomet Roumanie, qui est d’acheter les produits et les louer et / ou les vendre à ses clients. Le prix des services est basé sur une un étude de prixde transfert conduite selon les législations nationales et les lignes directrices de l’OCDE enmatière de prix de transfert dont le but est de s’assurer que les prix convenus entre parties liées soient « at arm’s lenght », donc compa- rables à ceux qui seraient pratiqués entre personnes indépendantes et de prévenir d’éventuels ajustements de ces prix par les autorités fiscales nationales. La réalisation d’une telle étude est non seulement exigée par les réglementa- tions en vigueur, mais constitue égale- ment un moyen de se protéger des redressements et de leurs consé- quences potentielles (double imposi- tion, amendes, intérêts de retard, sanc- tions pénales). Cette étude a établi que, tenant compte des rôles et responsabilités d’Arcomet BelgiqueetRoumanie,lamargecommer- ciale de cette dernière devrait se situer entre moins 0,71 % et plus 2,74 %de son chiffre d’affaires. Arcomet Roumanie qui a réalisé une marge supérieure au maximum de 2,74 %reçoittroisfacturesémisesparArcomet Belgiquecorrespondantauxmontantsqui lui sont dus, notamment en application de la politique susmentionnée de prix de transfert.ArcometpayelaTVAroumaine sur deux des factures et considère que la troisième concerne des opérations hors champ.ElledéduitlaTVAqu’elleapayée puisque ses activités de vente et de loca- tion sont entièrement soumises à la TVA et lui ouvrent, en principe, un droit à déduction total. L’administrationroumainetoutencollec- tant la TVApayée sur les deux premières factures et en exigeant le paiement de la TVA sur la troisième refuse la déduction en amont de de cette TVA au motif qu’Arcomet n’aurait pas démontré la nécessité de ces services pour ses opéra- tions imposables (2) . Arcomet porte l’affaire devant la justice roumainequi décidedeposer laquestion à la CJUE de savoir si un tel ajustement de prix de transfert constitue ou non une prestation de services soumise à la TVA. L’avocat général rappelle qu’il ne peut exister une prestation de service réalisée à titre onéreux que s’il existe un rapport juridique, qui est ici le contrat, et un lien direct entre le service rendu et la contre- valeur reçue, qu’il estime existermême si le contrat nedéterminepas leprixen tant que tel, mais qu’il fournit les éléments permettant de le déterminer. En consé- quence, il considère qu’il existe bien un service rendu par Arcomet Belgique à Arcomet Roumanie, ce que ne remet pas encause la spécificitéde la rémunération. A ce stade, le lecteur pourrait se dire « tout cela pour cela, c’est tellement évi- dent : on paye pour ce que l’on reçoit, quelle découverte ! » et nous reprocher sa perte de temps. Malheureusement,l’avocatgénéralajoute que, dans l’hypothèsed’unemarge néga- tive inférieure à – 0,71 %, le fait qu’Arco- met Roumanie émettrait une facture ne remettrait pas en cause cette analyse. Utiliser le terme de « facturer » n’est pas neutrepuisque, tant dans le langage cou- rant que celui de la TVA, il suppose qu’il existe une vente de biens, ou ici de ser- vices. L’utilisationde ce terme laissedonc déjà transparaître une prise de position. Pourtant, il est assezdifficiled’envisager, sur la base des informations disponibles, à savoir les conclusions et le texte de la demande de décision préjudicielle, quel pourrait bien être le service qui serait renduparArcometRoumanieàArcomet Belgique dans un tel cas. Par ailleurs, il estime qu’il serait étonnant qu’une marge négative soit réalisée et ce sans plus de commentaire. Ceci nous semble méconnaitre que dans la réalité toute activité n’est pas nécessairement profitable. De plus, il ajoute que la ques- tion n’est pas là (alors pourquoi l’abor- der ?) puisque le tribunal de renvoi n’a pas fourni les éléments permettant de se prononcer sur la qualification qui pour- rait être un financement octroyé par Arcomet Belgique ou un service rendu par Arcomet Roumanie à Arcomet Belgique. Pourtant, cettemarge négative est prévue, dans le contrat du 24 janvier 2012 entre les deux sociétés qu’il cite lui- même. En résumé, devons donc com- prendrequ’unefactureestémisepourun service et ce alors que, malgré le contrat, lesinformationsnécessairespourledéter- miner ne sont pas disponibles ? Il ajoute encore que les services assurés parArcomet Belgique ont un effet sur la marge d’Arcomet Roumanie en lui per- mettant des économies. C’est vrai. Ceci est d’ailleurs reflété dans le contrat et, surtout, la fourchette de marges. Mais en quoi les économies ainsi dégagées parArcomet Roumanie démontreraient qu’un service serait rendu par elle en faveur d’Arcomet Belgique en cas de perte excédant les moins 0,71 % ? Si des économies sont réalisées grâce à Arcomet Belgique, ce serait à elle d’éta- blir la facture puisque c’est Arcomet Roumanie qui en bénéficie ! Bref, s’il existe bien un service rendu par la Arcomet Belgique à Arcomet Roumanie, nous voyons mal quel serait celui renduensens inverse. Riendans les éléments d’informations disponibles (les conclusions et la demande de décision préjudicielle) ne laisse penser que le contrat aurait prévu qu’un service serait renduparArcometRoumanieàArcomet Belgiquecequiestd’ailleursconfirmépar l’avocat général lorsque celui déclare que les éléments fournis, dont le contrat, ne permettentpasdequalifierceservice,qui pourtant selon lui existerait. Ceci nous semble d’ailleurs confirmé par le flou de l’avocat général qui voit bien un service mais ne sait pas lequel. Ne serait-ce pas plus un ajustement du prix du service de la maison-mère qui supporte la perte lorsqu’elle excède un certainmontant parce que le servicen’est pas efficace : comme lorsqu’une entre- prise accorde un rabais lorsque le client est objectivement déçu du service reçu ? Et qui reçoit les profits jugés excéden- taires lorsque le service est, au contraire, particulièrement efficace, par exemple lorsqu’un prestataire reçoit un « success fee » ? Ceci nous semble cohérent avec la répartition des risques assumés par les parties et doncde la répartitiondesbéné- fices qui endécoulent, ce qui est l’essence même des règles de prix de transfert : Arcomet Roumanie ne gagnera jamais beaucoupmais est assuréevoir sespertes limitées.Deplus, il nedoit pas êtreoublié qu’uneadministrationfiscalepeut impo- ser un ajustement du prix des services convenus entre parties. Comment alors y voir un quelconque service ? Il paraît donc curieux d’un point de vue technique TVA qu’un ajustement de prix de transfert constitue à lui seul un service distinct. Néanmoins, au-delà de ces considérations tenant à la technique TVA, passionnantes pour les auteurs mais peut-être moins pour leurs lec- teurs, le plus important pour les entre- prises concernées est l’existence d’un éventuel impact financier. Les entre- prises qui, comme Arcomet, ont un droit à déduction total de la TVA sur leurs charges, ne devraient pas être affectées. En revanche, tel serait le cas de celles du secteur financier, des assu- rances, de la gestion de fonds, immobi- lier, etc., qui n’ont pas de droit à déduc- tion ou un droit limité. Même si nous devons attendre la déci- sionde laCour, en espérant qu’elle sera plus claire, il ne peut être exclu que les entreprises n’aient à examiner de manièreplusdétailléelesconséquences TVAdesajustementsdeprixdetransfer et comment y réagir. 1) Dans l’affaire Stellantis Portugal (C-603/24), la même question se pose mais cette fois en matière delivraisonsdebiens. 2)Cetteargumentationestprochedecellequecette même administration dans l’affaire Weatherford Atlas Grip SA (WAG) (notre article de mai) et qui futrejetéeparlaCJUE. Traitement TVAd’un ajustement de prix de transfert
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