AGEFI Luxembourg - mai 2025

L es «Chiffres-clés 2024 » de l’Artisanat, présentés par la Chambre desMétiers le 29 avril enprésence duministre de l’Économie, des PME, de l’Énergie et duTourisme LexDelles,mettent en avant l’importance de ce secteur, représentant 20%de l’emploi et 19%des entreprises auLuxem- bourg. Les crises ont impacté l’Arti- sanat,mais elles ont aussi révélé ses principaux défis et ses perspectives de développement futures. «Encestempsdecriseetd’incertitudes,les artisansonttoujourssus’adapterauxdiffé- rents changements, tout en continuant à jouer un rôle économique et social décisif au sein de leur communauté. » soulignait TomOberweis, président de la Chambre desMétiers. « Toutefois, face aux défis actuels, les en- treprisesartisanalessouffrentbeaucoupde l’imprévisibilité. En tant que bâtisseurs de demainetporteursd’avenir,leschefsd’en- treprisesartisanauxsontprêtsàprendreles responsabilitésquileurvalentlaconfiance de leurs clients, de leurs salariés et de la communauté locale. » Alorsquelegrandpublicredécouvrepeu àpeulavaleurajoutéeinhérentedutravail artisanal, fortement lié au territoire et en contact direct avec les clients et la société danssonensemble,leministredel’Econo- mieestconvaincudurôle,delaforceetde larichessedel’Artisanat,incarnantàlafois l’excellence, la tradition et l’innovation. Le ministre Lex Delles a mis en exergue lors de son introductionque « l’Artisanat est la colonne vertébrale de notre écono- mie,unissanttraditionetsavoir-faireavec une volonté constante à innover. Je salue cette capacité à trouver des solutions et à faire avancer notre société, même dans des contextes économiques exigeants. Aujourd’hui,l’Artisanatjoueainsiunrôle moteur dans la transition vers une éco- nomie plus durable. Avec la Chambre desMétiers, c’est notrepriorité commune d’accompagner et de soutenir les entre- prises.Auministère, nous le faisons entre autres, en repensant les zones d’activités économiques, favorisant ainsi l’accès des entreprises au foncier, en simplifiant les démarches administratives, enmoderni- sant constamment les aides aux entre- prises, ouencoreen facilitant la recherche de main d’œuvre. En soutenant l’Artisanat, nous construisons ensemble l’avenir du Luxembourg. » Avec plus de 103.000 emplois, 9.000 entreprises et près de 1.700 apprentis, l’Artisanat a vu son emploi total croître à un rythme annuel moyen de 3% entre 1970 et 2024. L’environnement conjonc- turel difficile de 2024, notamment pour le secteur de la construction, a engendré une baisse inédite de 4.200 salariés dans le secteur (-4%), malgré une création nette d’entreprises de 2%. Les derniers résultats de l’enquête de conjoncturemontrent cependant que les chefsd’entreprises commencent à retrou- ver une certaine confiance, tout en res- tant prudents à cause de l’environne- ment incertain. Stimuler la productivité et la rentabilité du secteur ! Une enquête récente a révélé que beau- coup d’artisans n’arrivent toujours pas à trouver un site d’implantation adéquat, freinant leur développement écono- mique. Afin de combler le besoin en sur- faces identifié de 68 ha, il importera d’augmenter résolument la disponibilité deZAErégionales et communales enap- pliquant les principes de densification et demutualisation. Vul’inversiondelapyramidedesâgesau niveau des salariés artisanaux (30% des salariés sont âgés de plus de 50 ans), une offensive « main-d’œuvre qualifiée » fu- ture s’impose. Dans ce contexte, une ap- prochepluspersonnaliséedu«processus d’orientation » des jeunes est préconisée au niveau national. À l’échelle internationale, il est également important de considérer les besoins des secteurs artisanaux lors d’initiatives fu- tures d’attraction de salariés en prove- nance de pays tiers. Mettre la transmission d’entreprise au cœur des réflexions stratégiques sera un défi central pour les années à venir, afin de pérenniser les structures artisanales et leuremploi.Comme47%desgérantssont âgés de plus de 50 ans, il est proposé de favoriser la transmission en famille ou à un salarié de l’entreprise. Alors que l’Artisanat a un potentiel énorme de se réinventer grâce aux nou- velles technologies, notamment à travers la digitalisation et l’IA, on constate toute- fois une diminution des investissements. Simultanément, on observe une hausse du personnel administratif dans l’Artisa- nat (35%en 2024). Afindestimulerlaproductivitéetlacom- pétitivité des entreprises, la Chambre des Métiers fait appel au Gouvernement de mettre en place une réserve immunisée permettant de renforcer les capitaux pro- pres des entreprises et d’accélérer le pro- cessus de simplification administrative. Un secteur qui a le vent enpoupe ! L’Artisanat disposedequatre axesprinci- paux de développement prometteurs. Ainsi, les entreprises artisanales – acteur- clé de la durabilité - mettent enœuvre au sein de leurs structures de multiples ac- tions orientées vers la « Sustainability » et sont donc en phase avec les nouvelles va- leurs de consommation. Puisqu’elles re- présentent un pilier de la transition environnementale et énergétique, il est proposé de développer davantage l’ac- compagnement individualisé des PME tout en simplifiant les réglementations dans une optique « think small first ». Par son enracinement et sa proximité lo- cale, le secteur peut tirer un avantage compétitif par le recours aux réseaux ré- gionaux d’approvisionnement en maté- riaux, notamment en Grande Région. Contrairement aux multinationales, les artisans ne cherchent pas toujours la so- lution lamoins chère, mais plutôt la voie la plus durable et la plus pérenne. Les entreprises familiales (79%des entre- prises du secteur ont moins de 10 sala- riés) constituent un vecteur de résilience et d’intégration socio-économique non- négligeable, transmettant les valeurs fon- damentales inhérentes à l’activité artisa- nale, à savoir la responsabilité, lemérite, la créativité et l’autonomie. Il est essentiel de mettre en place des mesures encou- rageant l’engagement individuel dans l’entreprise et de trouver des solutions intelligentes et intégrées pour le loge- ment et lamobilité. L’apprentissage artisanal offrant de belles perspectives de carrière, la Chambre des Métiers propose de valoriser l’Artisanat via des campagnes comme #Makers OfLuxembourget#ShapeYouFuture,tout en soutenant financièrement les entre- prises formatrices et les apprentis. L’Artisanat, une force motrice dans une société en mutation ©ChambredesMétiers Par M e Marie BEHLE PONDJI, Avocat à la Cour, Counsel, CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg A uLuxembourg, hormis en cas de fermeture totale de l’entreprise, le délégué dupersonnel jouit d’une protection absolue contre le licenciement, quels que soient la nature ou la gravité des faits qui lui sont reprochés. S’il souhaite se défaire de la relation de travail et est en mesure de prouver que le délégué a commis une faute la rendant immédiatement et définitivement impos- sible, l’employeur devra faire intervenir le juge. Parallèlement, dans le mois de la connaissance des faits incriminés, il pourra notifier une mise à pied avec effet immédiat au délégué. La réforme du dialogue social à l’intérieur de l’en- treprisede2015 (1) (« Réforme ») était censéeapporter un meilleur équilibre des recours du délégué et de l’employeur. Cependant, certainesvoies restent sans issue pour l’employeur enlisé dans un litige l’oppo- sant à un délégué du personnel non-résident. Un cadre légal complexe…et confus Depuis la Réforme, le délégué mis à pied conserve automatiquement son salaire pendant trois mois, à charge pour lui d’exercer (ou non) l’un des deux recours prévus par le Code du travail (2) . Il peut alors choisir de demander : - au président du Tribunal du travail, dans le mois qui suit la mise à pied, d’ordonner le maintien du salaire au-delà de la période de conservation légale des 3mois, ou - au Tribunal du travail, dans les trois mois de la notification de lamise à pied, de constater la résilia- tion du contrat de travail et de condamner l’em- ployeur à l’indemniser. Le choix du recours est irréversible. Quant à l’employeur, il a la possibilité de deman- der la résiliation judiciaire du contrat « auprès de la juridiction du travail, le cas échéant, par demande recon- ventionnelle, au plus tard dans le mois à comp- ter de la date de la notification de la convoca- tion à comparaitre devant le président de la juridiction du travail. » (3) Pour mémoire, la demande reconvention- nelle est celle qu’un défendeur (p.ex . l’em- ployeur) introduit auprès de la juridiction saisie par le demandeur au principal (ici, le délégué du personnel). Certains employeurs ont légitime- ment déduit de la formulation de cet article qu’une demande recon- ventionnelle en résiliation judi- ciaire du contrat peut être présen- tée au président du Tribunal du travail préalablement saisi par le délégué d’une demande enmain- tiende salaire. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la Réforme, les juridictions du travail (4) - et plus récemment, le ministre du Travail saisi en mars 2025 d’une question par- lementaire (5) à ce sujet – font une lecture tout à fait différente de cette disposition. La réponse ministérielle va jusqu’à affirmer que « la possibilité de demander la résolution judiciaire de manière reconventionnelle existe uniquement lorsque le salarié protégé demande la constatation de la résilia- tion du contrat de travail à la formation collégiale du tribunal du travail, […] ». Une position aussi assertive interroge : si l’em- ployeur est convoqué à comparaître devant le pré- sident de la juridictiondu travail, c’est que le salarié a nécessairement renoncé à agir en constatation de la résiliation du contrat, le choix du recours étant irréversible. De fait, le Tribunal du travail ne sera pas saisi par le délégué et il n’y aura donc pas de demande reconventionnelle possible devant la for- mation collégiale. De même, si le délégué choisit d’agir en constatation de la résiliation judiciaire de son contrat, l’employeur ne sera jamais convoqué à comparaître devant le président du Tribunal du travail de sorte que le délai visé par la disposition ne commencera jamais à courir. L’enjeu lié au cas particulier du délégué dupersonnel non-résident Le justiciable n’est pas libre de choisir le tribunal qui règlera son litige. La compétence des tribunaux répond à des règles procédurales biendéfinies, qui tiennent à la matière du litige, à des critères géo- graphiques et/ou pécuniaires. Le principe est que l’employeur qui souhaite agir judiciairement contre son salarié doit saisir la juridiction du domicile de ce dernier, même si ce dernier ne réside pas au Luxembourg. S’il veut obtenir la résiliation judiciaire du contrat qui le lie à undélégué frontalier, l’employeur devra assumer à la fois les coûts de la procédure que le déléguédupersonnel aura éventuellement engagée au Luxembourg pour le maintien de son salaire, et ceuxde la procédure qu’il devra lui-même entamer dans le pays de résidence du salarié. Une difficulté supplémentaire se pose en ce qui concerne le droit applicable au litige porté devant la juridiction étrangère. En effet, le régime de la protection des représentants du personnel relève généralement des lois de police et/ou de l’ordre public social des états, auxquels l’on ne peut déro- ger (p.ex. cas de la France (6) ). Ceci implique une forte probabilité que les dispositions de la loi luxembourgeoise soient écartées au profit de la loi du pays de résidence ! Si la loi localeneprévoit pas lapossibilitéd’une rési- liation judiciaire du contrat de travail du délégué en cas de faute grave, l’employeur luxembourgeois se trouveradans une situation aumieux inconfortable, au pire inextricable (ce qui était déjà le cas avant la Réforme). C’est là que réside tout l’enjeu de l’inter- prétation du paragraphe (5) de l’article L. 415-10 du Code du travail. Le droit de demander au président du Tribunal du travail, saisi par le délégué frontalier, de statuer éga- lement sur la résiliation du contrat de travail, per- mettrait à l’employeur d’échapper à l’incertitude d’une procédure judiciaire à l’étranger. Une position jurisprudentielle et ministérielle en contradiction avec l’objectif de la Réforme ? L’action reconventionnelle introduite par la Réforme au profit de l’employeur n’est pourtant pas le fruit du hasard. L’objectif de ce recours a été clairement explicité au cours des travauxparlemen- taires (7) . Ainsi, dans les commentaires relatifs au recours du délégué en maintien du salaire, la Commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale évoquait : « Ce paragraphe prévoit donc une première saisine de la part du salarié et non pas de l’employeur, ceci afin de rendre possible que toute la procédure juridique puisse se dérouler devant les tribu- naux luxembourgeois et non pas dans les pays de rési- dence respectifs des salariés frontaliers . »( 8) . Or, dans un tel contexte, seul le mécanisme de la demande reconventionnelle permettrait à l’em- ployeur d’échapper à la compétence territoriale du tribunal dupays de résidence dudélégué frontalier. L’intention législative ne semble souffrir d’aucune équivoque quant au fait que la Réforme devait permettre aux employeurs luxembourgeois d’ob- tenir la résiliation judiciaire du contrat du délégué frontalier devant les juridictions du travail luxem- bourgeoises ! Conclusion La volonté exprimée par le Législateur au travers de cette disposition est sans aucun doute critiquable à plusieurs égards sur le plan du droit. Néanmoins, la formulation actuelle de l’article L. 415-10 (5) duCode du travail rend intellectuellement contestable l’affir- mation que la demande reconventionnelle en résilia- tion judiciaire du contrat de travail ne peut pas être présentée devant le président duTribunal du travail. Ilestregrettablequecettequestionparlementairen’ait pas été l’occasiond’interroger lesprolégomènesde la Réforme et d’en évaluer les effets pernicieux sur la réalité judiciaire. Cemanquedeclartémaintientl’employeurdansune insécurité juridique qui entrave son accès à la justice et avantage le délégué frontalier, dont la faute grave continue d’échapper plus facilement à la sanction. 1)Loidu23 juillet2015portantréformedudialoguesocialàl’in- térieur des entreprises et modifiant le Code du travail et la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le Registre de CommerceetdesSociétésainsiquelacomptabilitéetlescomptes annuelsdesentreprises 2)ArticleL.415-10(4)duCodedutravail 3)ArticleL.415-10(5)duCodedutravail 4) Voir notamment ordonnances du président du Tribunal du travail de et à Luxembourg du 4 mai 2018 et du 14 janvier 2020, n°135/2020,n°1596/2018 5) Question parlementaire n°2153 du 26 mars 2025 et réponse ministérielle 6)CourdeCassationfrançaisedu13/12/2010n°10/00051 7)Projetdeloin°6545portantréformedudialoguesocialàl’inté- rieurdesentreprisesetmodifiantleCodedutravailetlaloimodi- fiéedu19décembre2002concernantleRegistredeCommerceet des Sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises 8) Rapport de la Commission du Travail, de l’Emploi et de la Sécuritésocialedu24 juin2015(ausujetduparagrapherelatifau recoursdudéléguédupersonnelenmaintiendusalaire) Le délégué du personnel frontalier est-il « surprotégé » ? AGEFI Luxembourg 34 Mai 2025 Droit / Emploi

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