AGEFI Luxembourg - septembre 2025

AGEFI Luxembourg 34 Septembre 2025 Fonds d’investissement Par Renaud BARBIER,Managing Partner - Osons L es family offices incarnent, dans l’imaginaire collectif, ununivers feutré fait de discrétion, de pa- tience et de préservation. Leur rôle pre- mier a longtemps été cantonné à la gestion et à la transmissiond’un patrimoine, avec un objectif sim- ple : protéger la fortune familiale, la faire fructifier avec prudence et assurer la continuité entre généra- tions. Pourtant, àmesure que les lignes de force de notremonde se redessinent, ces structures évo- luent vers une dimensionnouvelle. Elles ne sont plus uniquement des gardiens du capital. Elles deviennent, qu’elles le re- vendiquent ounon, des acteurs d’influence. Dansunmondemarquéparl’urgenceclimatique,les fractures sociales, les tensions géopolitiques et la montée en puissance de l’IA, la manière dont une grandefortuneestinvestien’estplusneutre.Derrière chaque allocation d’actifs, derrière chaque pro- grammephilanthropique, derrière chaque clubdeal, sedessineunevisiondufutur.Certainsfamilyoffices l’assument avec franchise, affichant des stratégies d’impact ambitieuses, soutenant des think tanks ou participant à des initiatives internationales. D’autres préfèrentavancerdansl’ombre,mobilisantleurcapi- tal pour peser subtilement sur des secteurs entiers. Dans tous les cas, leur rôle dépasse désormais la sphère privée. La question est dès lors inévitable : jusqu’oùpeut,etdoit,allercetteinfluencesilencieuse ? Est-elle une chance pour l’innovation, la société et latransition,ouunrisqued’opacitéetdepouvoirsans légitimité démocratique ? Du gestionnaire d’actifs au catalyseur d’influence Pour comprendre cette transformation, il faut revenir àlafonctionoriginelledesfamilyoffices.Crééesàl’ori- gine par les grandes familles industrielles ou finan- cières, ces structures visaient avant tout à consolider et transmettre. LesRockefeller auxÉtats-Unis, lesdy- nasties industrielles en Europe ou les familles mar- chandes au Moyen-Orient avaient mis en place ces entités pour centraliser la gestion des actifs, planifier la succession et organiser une gouvernance familiale qui résiste au temps. La prudence dominait : immo- bilier, actions cotées, placements obligataires. Mais le mondeachangé.Lesnouvellesgénérations,plusédu- quées, plus mobiles, souvent formées dans les meil- leures universités internationales, ont apporté avec elles une vision différente. Pour elles, la richesse ne peutplusseréduireàunchiffresurunbilan.Elledoit devenirun levierd’action, unemanièrede contribuer à des causes, de donner du sens, d’incarner des va- leurs.Ellesveulentinvestirdanslesénergiesrenouve- lables, financer des programmes éducatifs, soutenir des entreprises sociales, s’impliquer dans la santé ou la recherche. Cette mutation générationnelle transforme profondément la mission des fa- mily offices. Ils ne sont plus seulement ges- tionnaires, mais catalyseurs d’une influence qui dépasse la stricte sphèrefinancière. Par la manière dont ils orientent leurs capitaux, ils participent directement à la redéfinition de nos priorités collectives. L’influence par le capital patient L’une des forces des family offices réside dans la tempo- ralité. Là où les fonds institu- tionnels doivent rendre des comptes trimestre après trimes- tre, là où les marchés imposent des ar- bitrages rapides, un family office peut investir sur vingt ou trente ans. Ce capital patient est une res- source rare dans unmonde dominé par le court-ter- misme et lavolatilité.Cettetemporalitélongueouvre laporteàdesinvestissementsàfortimpactmaisàma- turité lente. Elle permet de financer une start-up de biotechnologiedontlesdécouvertesneverrontlejour qu’au bout d’une décennie, ou d’accompagner la transformation énergétique d’une infrastructure qui ne deviendra rentable qu’après de longues années. Dansceschoixd’investissementsejoueunepartd’in- fluencedéterminante:soutenirunefilièreémergente, orienterunetransition,donnerdusouffleàdesprojets que d’autres acteurs jugeraient trop incertains. Onpourraitcitericil’exempledefamillesquiontmas- sivement investi dans les énergies propres à une époqueoùcesecteurn’intéressaitpasencorelesmar- chésfinanciers traditionnels. Leur capital apermisde structurerdesfilièresentières,d’accélérerlarecherche etdecrédibiliserdesmodèles.Aujourd’hui,cesinves- tissements apparaissent visionnaires. Demain, d’au- tres familles joueront peut-être le même rôle dans l’hydrogène vert, l’agritech, la santé numérique ou l’exploration spatiale. Philanthropie stratégique : quanddonner devient orienter La philanthropie familiale a elle aussi changé de na- ture. Pendant longtemps, il s’agissait de dons ponc- tuels, de restaurations d’églises ou de mécénat artistique.Aujourd’hui,elleseprofessionnaliseetde- vient un instrument de stratégie. Les family offices structurent des fondations, financent des pro- grammes pluriannuels, accompagnent des causes sur le long terme. Certains choisissent la santé, finan- çant des centres de recherchedepointe làoù les bud- gets publics s’essoufflent. D’autres se tournent vers l’éducation, créant des bourses, des universités, des centres de formation. D’autres encore investissent dans la culture, soutenant des artistes émergents ou préservant des patrimoines menacés. Dans tous les cas, la philanthropie cesse d’être seulement un geste de générosité : elle devient un outil d’influence. Ce phénomènen’estpaspropreàl’Occident.AuMoyen- Orient, certaines familles utilisent leurs family offices poursoutenirdesprojetsculturelsetéducatifsquipar- ticipent à l’influence régionale. EnAsie, des fortunes technologiquesfinancentdesprogrammesdeforma- tion et de recherche qui leur donnent un poids gran- dissant dans les écosystèmes locaux. En Afrique, certaines familles participent aufinancement de pro- jetsd’infrastructurescommunautaires,renforçantleur rôle dans le développement territorial. Dans tous les cas,laphilanthropiestratégiqueagitcommeunlevier detransformation,parfoisplusrapideetplusagileque l’actionpublique. Réseaux de co-investissement : une influence démultipliée Un autre canal d’influence se joue dans la manière dont les family offices s’organisent entre eux. La lo- gique solitaire laisse de plus en plus place aux clubs deals, auxalliances transnationales, auxplateformes collaboratives. Plusieurs familles mettent leurs moyensencommunpourfinancerdesscale-ups,des fonds sectoriels ou même des infrastructures pu- bliques.Cettelogiquemultiplielapuissanced’action. Làoùune famille seulen’aurait pupeser quemargi- nalement,l’alliancedeplusieurspermetdestructurer desprojetsdegrande envergure. Ces clubsdealsde- viennent des écosystèmesprivés capablesd’influen- cerdes secteurs entiers : la tech, la santé, l’immobilier durable, l’agriculture régénérative. Au-delà de l’in- vestissement, ces réseaux créent unenouvelle forme de diplomatie économique privée. Dans un dîner à Genève, à Dubaï ou à New York, des familles de continentsdifférents échangent, partagent, co-inves- tissent. Ce maillage discret mais puissant contribue à orienter les flux de capitaux mondiaux, souvent loindes radarsmédiatiquesmais avecdes effetsbien réels sur l’économie réelle. Think tanks et soft power familial L’influence ne passe pas seulement par le capital fi- nancier, mais aussi par le capital intellectuel. De nombreux family offices financent ou soutiennent des think tanks, organisent des conférences, com- mandent des étudesprospectives. Ils façonnent ainsi les idées autant que les marchés. Cette influence in- tellectuelle peut être directe ou indirecte. Dans cer- tains cas, un family office finance un centre de recherchequiproduitdesrecommandationsreprises ensuite par les décideurs publics. Dans d’autres, il soutient une plateforme de débat international qui contribue à orienter les narratifs dominants. Ce rôle de policy shaper reste discret, mais il n’en est pas moinsdécisif. Il s’agit làd’unvéritable soft power fa- milial. Non coercitif, souvent invisible, il repose sur la capacité à orienter les conversations, àmettre cer- tains sujets sur la table, à donner du crédit à des ap- prochesémergentes.Àl’heureoùlabatailledesidées est aussi importante que celle des marchés, cette in- fluence intellectuelle prend une place croissante. Opportunités et risques Cette nouvelle dimension d’influence offre des op- portunitésmajeures. Les familyoffices peuvent accé- lérer des transitions que d’autres acteurs rechignent à financer.Ilspeuventsoutenirdesinnovationsquipei- nentàtrouverleurplacedansdeslogiquesdemarché court-termistes. Ils peuvent combler des vides laissés par des États en retrait ou en difficulté, notamment dans la santé, l’éducationou la culture.Mais elle n’est pas sans risques. Le premier est celui d’un pouvoir sans mandat démocratique. Quand une famille dé- cide, via son family office, de financer telle cause ou d’orienter tel secteur, qui valide la légitimité de ce choix ? Le deuxième risque est celui de l’opacité. La discrétion,ADNdesfamilyoffices,peutvitesetrans- former en soupçon d’ingérence ou de manipulation. Enfin,ilyalerisqueréputationnel:uninvestissement mal choisi, une cause controversée, et c’est toute une dynastie qui peut voir sonnomexposé. Il ne faut pas oublier non plus le risque interne : les tensions familiales. Les jeunes générations ne parta- gentpastoujourslesprioritésdeleursaînés.Làoùcer- tains veulent investir massivement dans le climat, d’autres privilégient la continuité patrimoniale. Ces divergences devaleurs peuvent devenir explosives si elles ne sont pas anticipées et encadrées par une gou- vernance claire. Vers une éthique de l’influence familiale Face à ces défis, les family offices n’ont d’autre choix quedeformaliserunevéritableéthiquedel’influence. Celasupposed’abordunetransparencesélective:res- ter discret, mais assumer publiquement certains en- gagements, notamment philanthropiques, afin d’éviterl’opacitétotale.Celapasseaussiparunegou- vernance explicite : intégrer l’influence dans les chartes familiales, créer des comités consultatifs, im- pliquer les jeunes générations. La cohérence est éga- lement essentielle. Rien n’est plus destructeur qu’un décalage entre les valeurs affichées et les investisse- ments réels. Enfin, il s’agit de trouver un équilibre entre influence et retrait. Le rôle premier d’un family office reste la protection et la transmission. L’in- fluence doit être assumée, mais toujours au service de la cohésion familiale et du bien commun. L’influence discrète, nouvelle frontière des family offices Les family offices ne sont plus de simples gestion- naires de fortunes privées. Ils sont devenus des ac- teurs de l’influence silencieuse. Par leurs investissements, leurs réseaux, leurs engagements intellectuels et philanthropiques, ils participent à la redéfinition de notre société. Leur puissance re- pose sur une équation singulière : la discrétion, qui leur permet d’agir sans bruit, et la capacité à orien- ter, qui leur confère un poids croissant dans un monde en quête de nouvelles formes de leader- ship. Cette influence pose néanmoins une question fondamentale : comment articuler pouvoir patri- monial, responsabilité sociétale et légitimité démo- cratique ? Dans dix ans, il est probable que les familyoffices seront considérés nonplus seulement comme des gardiens de fortunes, mais comme de véritables think tanks privés, des laboratoires de ca- pital patient et de soft power familial. Leur succès ne semesurerapas uniquement enmilliards d’actifs gérés, mais en impact réel sur le monde. Family Offices : les nouveaux acteurs de l’influence silencieuse By Eleonore N INOVE , Manager; Thibault T HOMAS , Associate Partner, &Bigué S ÈNE , Consultant, Avantage Reply T he EUwill adopt a T+1 settlement cycle on 11October 2027, cutting the standard settle- ment period formost securi- ties fromtwo days (i.e. T+2) to one (i.e. T+1). The move aims to reduce sys- temic and counterparty risk, im- prove liquidity, and align with markets like theU.S., which tran- sitioned in May 2024. While no settlementstepiseliminated,each mustbeexecutedfaster,requiring automation, same-daymatching, andstrongercoordinationamong intermediaries. Europe’s frag- mented infrastructure—multiple CSDs,CCPs,currencies,andlegal frameworks—makes the transi- tion more complex, particularly forLuxembourg-domiciledcross- border funds. FromCSDRRefit to ESMA’sMandate ThelegalfoundationforT+1liesin the CSDR Refit (December 2023), whichmandated ESMA to assess itsfeasibility.ESMA’sFinalReport (November 2024) confirmed the benefits, provided the transition wascarefullygoverned.Following this,theEuropeanCommissionset theOctober 2027 deadline and es- tablished a two-tier governance structure: the EU T+1 Coordina- tionCommittee for strategic over- sightandtheIndustryCommittee witheleventechnicalworkstreams for operational issues covering all the phases of the settlement cycle and regulatory/legal issues. Provisional agreements in 2025 addressed exemptions, such as the exclusionof securities financ- ing transactions (SFTs) such as repo, reverse repo, etc. from the applicationof art. 5 of CSDR, and transitional relief mechanisms like temporary suspension of CSDR cash penalties – usually appliedbyCSDs in case of settle- ment fail or late matching fails. Preparatory work also includes monitoring national specificities and insolvency frameworks to ensureharmonized implementa- tion across Member States and EEA countries. Understanding the NewSettlement Cycle Under T+2, two business days separatetradeexecutionfromset- tlement, leaving time for confir- mation, netting, funding, andFX. T+1 compresses this into a single day, requiring near real-time matching and faster processing by CCPs, CSDs and custodians. Market participants will face higher demands. Investment firms and asset man- agersmust accelerateworkflows, custodiansmustresolveissuesin- stantly, CCPsmust speedupnet- ting, and banks must provide earlier funding and collateral. This acceleration promises bene- fits—lower counterparty risk, quicker collateral release, and global alignment—but requires deepoperational change. Strategic and Operational Frictions The transition introduces frictions across liquidity management, FX execution, compliance, and distri- bution. For funds, especially in Luxembourg, mismatches be- tween T+1 securities settlement and slower investor cash flows (T+2/T+3) increase liquidity pres- sure, leading to pre-funding costs of 1.5–2 basis points per subscrip- tion (1) . Compressed timelines re- quire overnight or “follow-the- sun”models,earlierordercut-offs, andhigher cashbuffers. Regulatoryrisksalsoemerge:tem- porary breaches of UCITS limits oncashandborrowingprompted the CSSF to recognize such cases as “passive breaches (2) . FX execu- tion is particularly challenging as cross-currency trades must now be booked on trade date, limiting opportunities to batch orders and exposing funds to wider spreads, especially across time zones. (e.g. Luxembourg fund trading Japanese equities must convert € into JPY on the same day of the trade insteadof aggregatingmul- tiple trades into one FX order and executingsmaller,separatetrades, payingwider spreads). Conclusions T+1 isbotha regulatorymilestone and a catalyst for transformation. In the short term, asset managers mustdigitalizeworkflows,secure intraday liquidity, and renegoti- ate cut-offs with custodians and counterparties.Medium-termre- forms include aligning fund flows with settlement cycles, de- veloping industry-wideprotocols for trade matching and FX, and reinforcing governance through the EU committees. The debate on scope and exemp- tions—particularly for SFTs and cash penalties—will shape the final framework, with lessons fromtheU.S.emphasizingphased andpragmatic implementation. Ultimately, T+1 is more than compliance. It reshapes operat- ing models and competitiveness in Europe’s capital markets, re- warding those who adapt early to the accelerated settlement en- vironment. 1)ALFI considerations on T+1 securities settlement 2 )https://lc.cx/v1ePhT T+1 Settlement in the EU: Strategic Implications for Luxembourg-Domiciled Funds

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