AGEFI Luxembourg - juillet août 2025

Juillet / Août 2025 33 AGEFI Luxembourg Droit / Emploi ParM e MarieMALDAGUE,AvocatàlaCour|Associate, chez Castegnaro – Ius Laboris Luxembourg E n principe, les salariés ne travail- lent pas pendant un jour férié légal tombant un jour ouvrable durant lequel ils auraient normale- ment travaillé. Toutefois, les condi- tions de l’entreprise ne permettent pas toujours de chô- mer pendant un jour férié légal et certains salariés doivent donc prester quelques heures ou toute la journée de travail. La Cour d’appel (1) a dû prendre po- sition sur lamanière dont les heures de travail prestées lors d’un jour férié légal qui n’a pas pu être chômé doi- vent être rémunérées au regard de ce que pré- voient les dispositions de la convention collective de travail pour les salariés du secteur bancaire (ci- après, « CCT ») à cet égard. Un salarié bénéficiant de la CCT a saisi le tribunal du travail, et ensuite la Cour d’appel, afin de solli- citer des arriérés de salaire pour les heures de tra- vail prestées pendant un jour férié légal. Dans le cas d’espèce, le salarié avait reçu, en sus de son sa- laire mensuel, le paiement des heures effectuées majorées de 100 %, soit un cumul total de 300 %. Le salarié prétendait quant à lui, qu’en vertu de la CCT, il était en droit de percevoir, en sus du salaire mensuel, le paiement de ces heures majorées à hauteur de 200 %, soit un cumul total de 400 %. Règles légales et conventionnelles La CCT prévoit que « pour chaque heure travaillée lors d’un jour férié légal, le salarié a droit à son salaire horaire normal (100 %) tel que défini à l’article 18. I. B. a) de la présente convention auquel s’ajoute la rémuné- ration des heures effectivement pres- tées (100 %) majorée de 100 %, c’est-à-dire son salaire horaire nor- mal majoré de 200 % » (2) . La CCT prévoit également que « Le salaire horaire nor- mal est obtenu en divisant par le nombre forfaitaire de 173 la rémunération de basemensuelle telle que dé- finie dans la présente convention, augmentée de la prime d’ancienneté et d’un douzième du 13 ème mois » (3) . Le tableau à l’annexe de la CCT indique ce qui suit : LeCode du travail prévoit quant à lui que « Lorsque les conditions spéciales de l’entreprise ne permettent pas de chômer un des jours fériés énumérés à l’article L. 232- 2, le salarié rémunéré à l’heure occupé ce jour a droit, en dehors de l’indemnité prévue au paragraphe (1) de l’ar- ticle qui précède [note de l’auteur : c’est-à-dire la rétri- bution du nombre d’heures de travail qui auraient normalement été prestées pendant ce jour], au salaire des heures effectivement prestées, majoré de cent pour cent. » et que « Le salarié rémunéré au mois touche pour chaque heure travaillée son salaire horaire moyen majoré de cent pour cent, sans préjudice de son salaire mensuel normal » (4) . En outre, le Code du travail prévoit que « les jours fériés légaux comptent pour la computation de la durée de travail hebdomadaire » (5) . Quels étaient les enjeux ? Selon le salarié, la CCT et notamment le tableau ré- capitulatif étaient à lire dans le sens qu’il aurait dû percevoir, pour chacune des heures prestées durant ce jour férié et en plus de son salaire mensuel, le sa- laire horaire normal et une majoration de 200 % dudit salaire horaire normal, soit un cumul total de 400 %en incluant le salairemensuel. Outrelaquestiondelarémunérationdesheurespres- tées pendant un jour férié légal, différentes questions sous-jacentes étaient en jeu : - laCCT était-elle plus favorable que la loi ? - Les heures prestées lors d’un jour férié légal consti- tuent-elles ipso facto des heures supplémentaires puisque, normalement, lesheures chôméesd’un jour férié légal comptent pour la computationde la durée de travail hebdomadaire ? Quelles sont les conclusions de laCour d’appel ? La Cour d’appel a débouté le salarié et a confirmé le jugement depremière instance rendupar le tribunal du travail en retenant que « Les heures fériées prestées en semaine ne constituent pas du travail effectué au-delà des limites journalières et hebdomadaires de la durée nor- male de travail, le salarié ne faisant que travailler, dans le cadre de sa durée normale de travail pendant des heures pendant lesquelles il aurait exceptionnellement chômé ». LaCourd’appelestdoncd’avisquelesheuresdetra- vail prestées durant un jour férié ne s’ajoutent pas mais se substituent aux heures qui auraient norma- lement dû être chômées pour la computation de la durée du travail. Enoutre, laCour d’appel est également d’avis que la CCT, combinée au Code du travail, est claire et pré- voit que, le salarié qui travaille pendant un jour férié tombant sur un jour ouvrable en principe travaillé a droit à : -sonsalairehorairenormal,correspondantpourlesa- larié rémunéré aumois à son salairemensuel ; -larémunérationdesheureseffectivementprestéesle jour férié correspondant à 100 % du salaire horaire normal ; - une majoration de 100 %des heures effectivement prestées le jour férié. Ainsi, pour la Cour d’appel, la notion de « salaire ho- raire normal » telle que visée dans la 1ère colonne du tableau de la CCT renvoie en réalité au salairemen- suel. En statuant ainsi, laCour s’écarte de l’interpré- tation faite par le salarié qui revenait à considérer que la référence au « salaire horaire normal » consti- tuait une composante additionnelle de la rétribu- tion du travail presté pendant un jour férié légal tombant un jour ouvrable, autonome par rapport à la rémunérationmensuelle. Plusieursenseignementssontàtirerdecesdeuxdéci- sions concernant les heures prestées pendant un jour férié légal coïncidant avec un jour ouvrable pendant lequel le salarié aurait dû travailler : -LaCCTn’estpasplusfavorablequelaloiencequ’elle ne prévoit pas d’élément de majoration supplémen- tairedesheuresprestéesdurantunjourfériétombant unjourouvrablequiauraitnormalementététravaillé; - Les heures prestées pendant un jour férié légal ne constituentpasautomatiquementdesheuressupplé- mentairesdusimplefaitqu’ellesnesontpaschômées. 1) Cour d’appel, 15mai 2025, n° CAL-2024-00383 du rôle 2) Article 18, III, B, a) de la CCT 2021-2023 ou article 19, 3), B, a) de CCT 2024-2026. 3) Article 18, I, B, a) de la CCT 2021-2023 ou article 19, 1), B), a) de CCT 2024-2026. 4)Article L.232-7 (1) et (2) duCode du travail 5) Article L.232-4 duCode du travail La rémunération des heures de travail prestées pendant un jour férié légal dans le secteur bancaire ȱ Salaire ȱ horaire ȱ normal ȱ Majoration ȱ cumul ȱ Travail ȱ supplémentaire ȱ 100 ȱ % ȱ 50 ȱ % ȱ 150 ȱ % ȱ Travail ȱ de ȱ dimanche ȱ 100 ȱ % ȱ 7 0 ȱ % ȱ 1 7 0 ȱ % ȱ Travail ȱ de ȱ j our ȱ férié ȱ légal ȱ 100 ȱ % ȱ 200 ȱ % ȱ 300 ȱ % ȱ Travail ȱ de ȱ j our ȱ férié ȱ bancaire ȱ 100 ȱ % ȱ 7 0 ȱ % ȱ 1 7 0 ȱ % ȱ Travail ȱ de ȱ nuit ȱ (22 ȱ à ȱ 6 ȱ heures) ȱ 100 ȱ % ȱ 30 ȱ % ȱ 130 ȱ % ȱ D ans un contexte européen marqué par de profondes mutations éco- nomiques, géopolitiques et tech- nologiques, la Chambre de Commerce et son Enterprise Europe Network, en colla- boration avec la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, ont organisé le lundi 30 juin 2025 la confé- rence « Empowering EU Business ». Dans la continuité des recommandations présen- tées il y a un an à l’occasion des élections euro- péennes, l’objectif de l’événement était d’offrir aux entreprises des clés de lecture et des leviers d’action concrets pour anticiper les nouvelles règles du jeu européennes et renforcer leur résilience. La conférence a été ouverte par Anne-Sophie Theissen, directrice Legal & European Affairs de la Chambre de Commerce, qui a rappelé le rôle de l’institution comme facilitateur stratégique entre Bruxelles et les entreprises luxembourgeoises : « La Chambre de Commerce se positionne comme relais stratégique entre les entreprises et les ins- tances de l’Union européenne. Notre mission est claire : renforcer la confiance, faciliter l’anticipation par une meilleure compréhension des règles eu- ropéennes clés et outiller les entreprises pour qu’elles soient des acteurs dynamiques de la trans- formation européenne en cours. » Le temps fort de la matinée a été marqué par l’in- tervention de Pierre Gramegna, directeur général duMécanisme européen de stabilité (MES) qui, en tant que keynote speaker, a livré un message à la fois lucide et mobilisateur. Dans un contexte de ra- lentissement progressif des échanges internatio- naux, les entreprises se retrouvent confrontées à un repli commercial mondial qui remet en ques- tion lesmoteurs de croissance dont elles ont béné- ficié ces dernières décennies. Les défis à venir sont nombreux, nécessitant une réponse collective et coordonnée. D’un côté, les rapports Draghi et Letta apportent une approche « top-down », dessinant les grandes lignes d’une Europe plus souveraine, compétitive et stratégique ; cette vision ne prendra toutefois pleinement son sens que si elle entre en résonance avec le terrain. Et c’est là que réside l’enjeumajeur : les entreprises doivent adopter une posture proac- tive en agissant, en s’adaptant et en se réinventant. En tant que forces vives de l’économie européenne, elles incarnent une forme de réponse « bottom- up », essentielle pour bâtir une Europe plus forte qui s’affirme en tant que telle. Dans sonmessaged’introductiongénérale à la table ronde, Anne Calteux, représentante de la Commis- sion européenne au Luxembourg, amis en lumière les nouvelles grandes priorités du programme de travail de laCommissioneuropéenne, ensoulignant les ambitionsportéespar lesdernières initiatives eu- ropéennes présentées par l’UE, dont notamment la Boussole de la compétitivité européenne, la Single Market Strategyet les Paquetsdits «Omnibus » lan- cés par la Commission européenne depuis le début de cette l’année. La table ronde, qu’elle a animée, a rassemblé un panel de premier plan. CharlesGoerens,députéeuropéen,apartagésonen- gagement dans le processus décisionnel de l’UE et a mis en lumière les leviers parlementaires au service des entreprises. Il a surtout lancéunappel clair : face auxdéfis actuels, l’heure est venued’avancer dema- nièredécisivepour renforcer la compétitivitédes en- treprises et de l’Union européenne en général. Maurits Pino, Senior Expert à la DG GROW de la Commission européenne a, pour sapart, détaillé les grandes lignes de la stratégie européenne pour le marché unique, en insistant sur l’importance d’un soutien et encadrement adéquat des PME, notam- ment à travers les réseaux européens existants (p.ex . SOLVIT et Enterprise Europe Network). Steve Fritz, en charge de la politique européenne et de la propriété intellectuelle auprès duministère de l’Économie, a apporté un éclairage national sur le rôle essentiel joué par les États membres dans la transposition concrète des politiques européennes. Italo Di Lorenzo, Luxembourg Public Policy Lead chezAmazon Europe, a apporté la voix du terrain, en soulignant le rôle essentiel de l’évaluation d’im- pact en amont des futures réglementations, afin de garantir leur viabilité pour les entreprises. Enfin, Sabrina Sagramola, SeniorManager EUSer- vices & Programs à la Chambre de Commerce & Manager de l’Enterprise EuropeNetwork, a illustré l’engagement de l’institution à travers une offre concrète de services européens de proximité, qui permet aux entreprises non seulement d’intégrer la dimension européenne dans leur stratégie, mais aussi de la vivre auquotidien, d’en saisir les oppor- tunités, et de contribuer activement à sa construc- tion et à sa compétitivité. Les échanges ont permis de mettre en lumière les mutations profondes à l’œuvre dans le marché in- térieur, les tensions globales qui redéfinissent les chaînes de valeur et l’urgence pour l’UE d’être un moteur d’innovation, de compétitivité et de rési- lience. Le panel a également encouragé les entre- prises à s’emparer des outils mis à leur disposition, en particulier via des initiatives comme la plate- forme digitale Have Your Say, les réseaux Enter- prise Europe Network et SOLVIT ou encore le Single Market Barrier Tracker. Un workshop thématique a finalement permis aux participants de plonger dans les implications concrètes des politiques européennes avec une illus- tration des sanctions économiques, des régimes de contrôle à l’exportation et des évolutions tarifaires en présence de Eric Müller, directeur adjoint en charge de la Division du Commerce International de la Di- rectiondesAffaireseuropéennesetdesRelationséco- nomiques internationales auprès du ministère des Affaires européennes et étrangères, de Ivana Micic, attachéeauprèsdel’OCEIT–l’OfficedeContrôledes Exportations, des Importations et du Transit, et de Alejandro Valls Langdon de l’Unité « Sanctions » de laDGFISMAde laCommission européenne. La matinée s’est conclue par un déjeuner de net- working, propice aux échanges directs entre inter- venants et entreprises. Source : Chambre de Commerce Empowering EU Business : Donner aux entreprises les clés pour naviguer dans une Europe en pleine mutation ©ChambredeCommerce

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