Agefi Luxembourg - décembre 2025

AGEFI Luxembourg 30 Décembre 2025 Fonds d’investissement Par Christopher DEMBIK, Senior Investment Strategy Adviser Pictet Asset Management C es dernières semaines ont été rudes enbourse, enparticulier pour le segment technologique. Selon nous, la baisse n’est pas réellement liée à une crainte de bulle de l’IA. Elle s’explique principalement par deux facteurs : - Lesprisesdebénéficemassivesde lapart des fonds spéculatifs –après de beaux gains réalisés grâce aux positions acheteuses qu’ils déte- naient depuis mai/juin et qui ont été souvent renforcées en septembre. Tout lemonden’est toutefoispasven- deur. Les institutionnels sont encore à l’achat sur les actions – y compris les actions technologiques. - Les effets de levier qui amplifient la baisse et expli- quent les mouvements erratiques - des actions sont en forte hausse en préouverture puis clôturent en nettebaisse sans raisonapparente.Auprintemps, au moment de la rotation des institutionnels et des fonds vers les actions européennes, les ménages américains se sont rués sur les actions tech- nologiques via des ETFs à effet de levier. Lorsquelemarchéesthaussier,toutvabien. Mais en cas de retournement, cela amplifie les phases de baisse, comme c’est le cas ac- tuellement. Un troisième facteur a probablement joué : l’effondrement des crypto-monnaies. C’est cepandumarchéqui adé- gringolé le premier. Il a en- suite entraîné dans son sillagelesactionstechnolo- giques américaines. À ce stade, il s’agit d’une suspi- cion plutôt que d’une certi- tude. Si c’est vrai, c’est un changement de paradigme majeur. Les crypto-monnaies sont devenues si importantes et intégrées au système financier qu’ellespeuventavoirdeseffetsdirectssurlesactions. Àvérifier à l’avenir. Quelles sont les perspectives ? Le comportement dumarché est similaire à 2022. Le VIXestpartid’unniveaurelativementbas(~16 → 30). Cela indique un niveau de tension élevée, mais pas extrêmeet suggèreune correction tardiveouunepa- nique demilieu de cycle plutôt qu’une crise généra- lisée. Une fois cette phase terminée - prochainement d’ailleurs - les actions devraient repartir à la hausse. Trois facteurs de soutien demeurent : -LabaissedestauxparlaRéserveFédéralevaentraî- nerunerotationdesfondsmonétairesverslesactions. -Denouveauxachatsparlesménagesaméricains.En début d’année prochaine, ils devraient récupérer en- vironUSD70milliards lorsde leurdéclarationd’im- pôts. Une partie va soutenir la consommation, une autre partie les actions. - Les solides résultatsfinanciersdes entreprises amé- ricaines,notammentdelatech.LesbénéficesdesSept Magnifiques, qui représentent 37%desbénéficesdu S&P 500, ont augmenté de 28,3 % sur un an grâce à une hausse de 18,1 % de leur chiffre d’affaires com- biné. Toute la bourse américaine est en bonne santé. Prenons lesmarges des entreprises du S&P500, elles sont trois fois plus élevées qu’en 1999-2000. La question épineuse de l’économie circulaire Il suffit de regarder le niveau de rentabilité et de tré- sorerie disponible des entreprises technologiques pour savoir qu’il n’y a pas de bulle boursière de l’IA. En revanche, il est légitime de s’interroger à propos desinvestissementsmassifsréalisésdansOpenAIqui aboutissentàcréeruneéconomiecirculaire.Est-ceun élément de fragilité ? Probablement pas. Il faut appréhender ces investissements comme des opérationsfinancièresassezcourantesdansl’univers des start-ups. Prenons un exemple concret. En sep- tembre,Nvidiaaannoncéinvestirenplusieursétapes USD 100milliards dans OpenAI afin de développer ensembledesinfrastructuresmatériellesetlogicielles pour l’IA. Dans le bilan de Nvidia, cela apparaît au- jourd’hui comme une dépense d’investissement. MaisNvidiavaêtrerémunéréepoursontravail,avec son propre argent investi dans OpenAI. Demain – c’est la beautéde la chose - cela va apparaître comme une source de revenu, donc un encaissement, dans son bilan comptable. En outre, ce type d’accord est souvent conditionné à l’octroi d’actions de la part de lastart-up(Tech-for-Equitymodel)–cequiestcertai- nement le cas avecOpenAI. Cesactionssontensuitevenduesenintégralitélejour de l’introduction en bourse, garantissant aux bénéfi- ciaires une belle plus-value. C’est plutôt ingénieux et souvent très rentable. Ce n’est donc pas, selon nous, un sujet d’inquiétude. Actions technologiques : pas de panique Par Marcelo PRETO, gérant actions chez Mandarine Gestion D ans des marchés de plus en plus concentrés, la di- versification et la sélecti- vité deviennent essentielles pour capter les moteurs structurels. Un terreau toujours fertile pour les actions Alors que 2026 se profile, le paysage boursier poursuit sa transformation,portépardes tendances profondes qui s’ajoutent à la conjoncture économique. La Réserve fé- dérale reste le point focal pour l’année prochaine car les marchés antici- pentencoreplusieursbaissesdetauxd’icifin2026,un mouvement susceptible de soutenir les actifs risqués. L’effet devise, qui avait pesé sur les actions améri- caines pour les investisseurs européens en 2025, de- vrait enoutre se normaliser. La dynamique bénéficiaire confirme cette toile de fond : si les entreprises américaines devraient en- core une fois afficher en 2025 une progression plus robuste que leurs homologues européennes, les anticipations pour 2026 et 2027 demeurent bien orientées partout, signe d’une capacité des en- treprises à absorber inflation, salaires et tensions douanières. Le potentiel de performance reste ainsi ancré dans la progression des profits. L’IAcommemoteur central, mais des disparités entre régions Depuis 2023, l’essentiel de la croissance des résultats provient des sociétés liées à l’intelligence artificielle, aux semi- conducteursetauxinfrastructuresnumé- riques. Cette concentration constitue à la fois unmoteur et un risque, que les inves- tisseurscherchentàarbitrer.Sil’adoptionde l’intelligence artificielle (IA) devrait conti- nuerdes’accélérer,elleimposeaussiderester sélectif au seinde sa chaîne de valeur. AuxÉtats-Unis,laperspectivedetauxplusbasnour- rit un vif appétit pour le risque : les segments tech- nologiques non-profitables, l’or spéculatif et les Magnificent 7 dominent les performances. À l’in- verse, les secteurs sensibles aux tarifs douaniers, la consommation discrétionnaire et l’immobilier rési- dentiel demeurent fragilisés dans une économie de plus en plus polarisée. EnEurope, les thèmesde souveraineté et dedéfense —renforcés par la relance budgétaire allemande— prennent le devant, tandis que le secteur bancaire surperformepour la troisièmeannée consécutive. La consommation reste morose et le style « qualité » cède du terrain au profit de valeurs plus cycliques. En Chine, le marché progresse mais en ordre dis- persé : technologie, robotique et innovation tirent les indices, pendant que l’immobilier et certains pans de la consommation accusent du retard, rendant néces- saire une approche fine par sous-thèmes. Transition énergétique : de grands écarts entre les segments Auseinde la thématique climat, 2025aétéaussimar- quéepardefortesdivergences.Lesénergiesrenouve- lablesrebondissentnettementmalgrélescraintesliées au cycle politique américain. L’explosion des besoins électriques — alimentée no- tammentparl’IA—metentensionlescapacitésexis- tantes : réseaux, transformateurs, câbles, cuivre et infrastructures deviennent des maillons critiques. Le nucléaire regagne en importance dans les stratégies de souveraineté, même si les déploiements majeurs sont attendus après 2030. Les batteries et le stockage stationnaire s’imposent eux aussi comme piliers de long terme. À l’inverse, les ventes de véhicules électriques ralen- tissentaprèslafindecertainessubventions,tandisque l’hydrogène,les biofuels ,l’efficacitéénergétiquedesbâ- timents ou encore les services eau-déchets avancent plus lentement. Autant de segments en retrait, mais potentiellement porteurs pour les années à venir. Les axes qui émergent parmi les tendances de fond Dans des marchés de plus en plus concentrés, la di- versification et la sélectivité deviennent essentielles pour capter les moteurs structurels sans céder aux excès de valorisation. Les grandes thématiques — électrification tirée par l’IA,souverainetéénergétiqueetmatièrespremières, réindustrialisation, infrastructures—demeurent in- tactes, selon nous. En revanche, les trajectoires tech- nologiques divergent selon les régions : une technologiedominanteenChine, commedans le so- laire ou la robotique, ne s’impose pas automatique- ment en Europe ou aux États-Unis et vice-versa. Àl’heureoùlesbénéficesdevraientcontinuerdedon- nerlerythme,2026s’ouvresurunpaysageoùlesmo- teurs structurels solides côtoient des segments en retardsusceptiblesdeprofiterducycled’assouplisse- mentmonétaire engagé par laRéserve fédérale. Thématiques d’investissement : Ce qui devrait compter en 2026 Par Pierre PINCEMAILLE, Secrétaire général de la GestionDNCA Investments L a situation est inédite : à l’initiative des droits de douane du Président américain est venu s’ajouter le plus long shutdown de l’administration fédé- rale (43 jours). Résultat : les diffé- rentes agences statistiques commencent à peine à pu- blier les indicateurs dumois de septembre et ceux d’octo- bre, notamment le rapport sur l’emploi, passeront pure- ment et simplement à la trappe. En attendant de pou- voir analyser les données de novembre et de décembre, les investisseurs se tournent donc naturelle- ment vers les sociétés pour sortir du brouil- lardmacroéconomique et appréhender au mieux la situation actuelle et ses grands agrégats : consommation, dépenses d’inves- tissement et emploi. Les chiffres trimestriels agrégés tranchent nettement avecl’ambianceanxiogènegénérale.Eneffet,lasaison depublicationaméricaine est indéniablement bonne si l’on en croit le pourcentage de surprises positives au niveau des bénéfices par action (80 % vs 75 % en moyenne).Mais contrairement aux trimestresprécé- dents,lesattentesduconsensusn’ontpasétérévisées en amont, ce qui rend la qualité des publications en- core plus remarquable : +14%au troisième trimestre (vs. T32024), soit environ ledoubledespré- visions. Avec de tels résultats, les publica- tions européennes ne peuvent que difficilement tenir la comparaison. Et même si les surprises sont demoindre am- pleur(55%,enligneaveclamoyenne),lefait d’avoir des BPA agrégés en croissance sur le trimestre est déjà une satisfaction (+1%). L’analyse granulaire des chiffres parsecteurpermetdesortirdela narration:lessecteurstechnolo- gie et télécommunications ont tiré à la hausse la croissance des BPA aux États-Unis ce trimestre,grâceauxbonnes performances de Nvidia, Microsoft et Google. Mais, si elles ont été moins médiatisées, les pu- blicationsdesfinancièressontencoremeilleures avecunecroissancede25%surlamêmepériode.Plus généralement l’écart de croissanceentre les Mag7 et le restedumarché américaina eu tendance à se réduire (23%vs. 12%), preuve d’un début de normalisation du tauxde croissance des megacaps américaines. EnEurope la tendance est identique, les banques fai- sant la course en tête grâce à une combinaison de meilleursrevenus,decoûtsmaîtrisésetdeprovisions faibles.Latechnologieetl’immobilierfontégalement partieduclubtrèsrestreintdessecteursencroissance surletrimestre.Touslesautressontdescontributeurs négatifs, avec notamment la consommation discré- tionnaire en chute libre sur la période (-50 %). Dans ces conditions, on comprend aisément pourquoi le secteur bancaire européen fait mieux que le marché cette année. Avecunmarchédu travail prochede « la vitesse de ca- lage »pourreprendrel’expressiondubanquiercentral américain Christopher Waller, la saison de publica- tion a également été l’occasionpour les investisseurs de prendre le pouls du consommateur américain. Plusieurs sociétés signalent unedemandeplus faible dans les catégories comme les voyages, l’automobile et la restauration. Enmême temps, Walmart et Star- bucks indiquent des tendances stables ouenamélio- ration, ce qui suggère des prises de parts de marché par les acteurs disposant d’une certaine envergure et surtout unmarché àdeuxvitesses. C’est l’illustration microéconomiquedelacroissanceenK (1) duconsom- mateur américain. Les communiqués et conférences téléphoniques ont été l’occasion pour les directions de revenir sur le thème transversal de l’IA qui, avec le retour aux ac- tionnaires et l’évolution desmarges est un des sujets majeurs de la saison. La presse s’est beaucoup fait le relais des annonces de dépenses d’investissement des hyperscalers , mais l’analyse des transcrits montre au niveau agrégé une anticipation des gains opéra- tionnels (notamment pour les secteurs énergétiques et de la consommation discrétionnaire) et une amé- liorationdelademandefinalepourlesindustrielsqui sont les « pelles et les pioches » de cette nouvelle ré- volution. Enfin, il est ànoter que la réductiond’effec- tifs arrive bondernier des thèmes abordés, à rebours des gros titres des journaux. Le tour d’horizon ne serait pas complet sans aborder la réaction des actions aux beat andmisses . Et c’est jus- tement cet aspect qui permet de rééquilibrer la situa- tion entre l’Europe et les États-Unis. En effet, si le comportement des valeurs européennes a été relati- vementéquilibréentermesdeperformancesentreles bonsetlesmauvaisélèves,lesréactionsauxÉtats-Unis ont été largement biaisées à la baisse. Les sociétés qui ontpubliéau-dessusdesattentesontpatinéalorsque les autres ont été sévèrement sanctionnées. C’est un rappel brutal aux investisseurs que les multiples de valorisation du marché américain (2) laissent peu de marge en cas de déception. La saison de publication étant désormais derrière nous, il est raisonnable de considérer que celle-ci est dans les cours et les investisseurs vont naturellement basculer vers les perspectives 2026.Ace titre, les anti- cipations du consensus pour l’année prochaine sont assez proches pour les deux zones (3) . En revanche, la décomposition de la croissance à venir montre une plus grande diversité des contributeurs côté euro- péen (consommation discrétionnaire, financières, in- dustrielles...),alorsqu’auxÉtats-Unislatechnologieest sans surprise le principal moteur en raison de son poids dans l’indice. Alors que sur les dernières années, le marché améri- cain a délivré plus de croissance des bénéfices que l’Europe, les initiatives gouvernementales en cours (notamment allemandes), associées au levier opéra- tionneldessociétéscrédibilisentlesanticipations.Dans cecadre,sil’écartdecroissanceentrelesdeuxgrandes zones reste inchangé en 2026, cela amènera mécani- quement à une réductionde la décote dumarché ac- tions européen qui est actuellement à un niveau historiquement élevé (4) ... 1) Depuis la dernière correction boursière liée au Liberation Day, la confiancedesménagesàhautsrevenuss’estaccrueetcelledesbasrevenus s’est fragilisée, donnant la configuration en K typique d’une économie à deuxvitesses ; 2)Ratiocourssurbénéficesprospectifs12moisde22xpourleS&P500; 3)+14,2%pour leS&P500contre+11,7%pour leStoxx600 ; 4)Décotesupérieureà25%pour leratiocourssurbénéficesprospectifs 12moisensecteursneutres,pourgommer lesbiais. Résultats trimestriels : un phare dans le brouillard

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