AGEFI Luxembourg - mai 2025

Mai 2025 3 AGEFI Luxembourg Economie Suite pageUne Si la Securities and Exchange Commission (SEC), autorité de surveillance des mar- chés, le souhaite, elle peut retrouver tous les gros acteurs de cette journée mémora- ble. C’est, rappelons-nous, cette même SEC qui a permis de déceler le délit d’initié Pechiney/Triangle en 1989. Quoi qu’il en soit, l’exécutif américain doit bien réaliser : -ledéficitcommercialaméricain(900 milliards $ en 2024) concerne l’échange des biens, sans l’excé- dentdesservices(300milliards$) dont ceuxdesGAFAM. - bien que Trump ait raison de soutenir qu’avant son second mandat les taxes d’importation des biens américains étaient en moyenneplus élevées enEuropeque cellesdes biens européens aux États-Unis, et ce même si ses tariffs actuellement gelés sont parfois impossibles à com- prendre comme l’amontré l’exemple de la Suisse. - La devise MakeAmerica GreatAgain est peu crédible et surtout peu réaliste vis-à-vis de l’Europe, de 2010 à 2023, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis a notamment augmenté de 34 % alors que celui de l’Europen’aétéquede21%.Ànoteraussiqueladette publique américaine est pour une part investie dans des secteurs àhaute valeur ajoutée tels que la techno- logie et l’intelligence artificielle, notamment via l’Inflation ReductionAct, à la différence de l’Europe quiaplutôtprivilégiélesdépensessociétalesdontcer- taines apparaissent de plus en plus hors de contrôle en France ou en Belgique. L’effet multiplicateur et la dynamique sont très différents. De plus, le return sur fonds propres est très élevé aux États-Unis, 17 % en moyenne contre 11%enEurope, grâcenotamment à une productivité souvent plus élevée, une fiscalité avantageuse et à la dérégulation. Agefi Luxembourg : Faut-il demander aux banques centrales de baisser à nouveau les taux ? Roland Gillet : Hormis un nouveau recours au Quantitative Easing , les banques centrales ne peu- vent agir que sur les taux directeurs, à court terme. Les investissements sont gouvernés principalement par les taux à long terme (10 ans, voire même 20 ans) qui, nous l’avons constaté, ont augmenté récemment aux États-Unis. LenouveauPactedestabilitéeuropéen(2024)négocié principalemententrel’AllemagneetlaFrance,oblige de son côté les États en déficit excessif à retourner à unratiopublicde3%autermedubudget2025-2029, avec un délai supplémentaire possible de 3 ans, soit 7 ans alors au total. Donc, le recours systématique à l’endettement via la Banque centrale européenne (BCE) ne devrait plus être leur seul salut à court terme, il faudra dès lors demander aux États concer- nés d’être plus économes sur leurs dépenses et à la population de faire des efforts sur les retraites, d’ac- cepter des réformes dumarché du travail, de garder sous contrôle les dépense de sécurité sociale, etc. La population s’est habituée au financement de gros montantsdurantlescrisesprécédentes(Covid,guerre en Ukraine, transition écologique…) mais il y une limitepourlabanquecentrale,c’estlepourcentagede dette publique dans son bilan. Pour la BCE et l’Eurosystem,aujourd’huiavecunedétentiondel’or- dre de 30% de dettes publiques des États membres, peut-onallerencoreplusloinsansentraîneruneréac- tion dumarché ? Whatever it takes ? Le recours à la BCE à chaque nouvelle crise ressemble à une bouée de sauvetage gratuit qui permet aux dettes publiques des États de rester sou- tenables, et ce bien qu’au final cette soutena- bilité repose pour une large part sur la capa- cité contributive présente ou reportée des contribuables. La gratuité n’est qu’une illusion, carilyatoujoursquelqu’unquipaieoupaiera l’addition,sachantqu’emprunterdel’ar- gent coûte aussi de l’argent. De plus, la récente initiative de la Commission euro- péenne ‘ReArm Europe’ (via un emprunt européen depuis l’accord de l’Allemagne) permet une dérogation au nouveau Pacte de stabilité mais ne per- mettra que de financer le renfor- cement de la défense européenne pour800milliards€en4ans,dontseuls150milliards €d’emprunts européens, soit 650milliards à charges desÉtats concernés. Lesdépensesdedéfense seront- ellespluseuropéennesqueparlepassé,c’estpossible si l’on pense àAirbus vs. Boeing. Dès lors, si la BCE baisse même encore ses taux, il n’est pas exclu que celle-ci soit compensée par une augmentation des primes de risque sur les taux des membres les plus fragiles en matière de gestion de leursdéficits et de leur endettement par rapport aux taux allemands. Agefi Luxembourg : Les États-Unis et la Chine réalisent près de 50 % du PIB mondial. Quels seraient les principales conséquences d’une guerre commerciale ? Roland Gillet : Comme déjà souligné, la Chine, d’abord conciliante mais face aux assauts verbaux duprésident, peut réagir. Elle est avec le Japon l’un des deux plus gros créanciers souverains des États- Unis (plus de 1 000 milliards $) et elle peut donc agir sur les taux des Treasuries et donc sur les taux à moyen et long terme. La Chine peut aussi riposter en limitant l’accès aux terres rares et aux batteries, ce qui pourrait s’avérer tout aussi douloureux que les nouveaux tariffs américains. LaChinepeut également influencer le coursdudol- lar, avec un impact sur le consommateur américain importateur de biens de consommation d’Asie et d’Europe qui, devenant plus chers, généreraient de l’inflation. La Chine peut aussi tenter d’inonder l’Europe de biens qu’ellenepeut plus vendre enAmérique, pour autant que l’Europe ne crée pas de nouvelles taxes à l’importation, elle deviendrait encore plus com- pétitive par rapport aux Occidentaux. Bref, dans cette perspective, une guerre commer- ciale exacerbée avec la Chine provoquerait un véri- table séisme dans le commerce mondial avec des ondes et des répliques nombreuses et imprévisibles. Ajoutons également que si tous les cheminsmènent à Rome, il existe plusieurs pistes pour tenter de contourner les obstacles : l’Europe est bien passée par l’Asie pour acheter du gaz russe récemment et la Chine pourrait passer par le Vietnam p.ex. pour ses importations enOccident. N’oublions pas non plus que la Chine est une éco- nomieplanifiée et que ses réactions s’inscrivent dans une perspective beaucoup plus longue. ProposrecueillisparAdelinREMY,Editeur « Une guerre commerciale exacerbée avec la Chine provoquerait un véritable séisme » L emoral des investisseurs s'est amélioré plus rapidement que prévu enmai dans la zone euro après une chute drastique de l'indice en avril en raisonde l'imposition de nouveaux droits de douane parWashing- ton,montre une enquête publiée le 5mai. L'indice Sentixpour la zone euro est passéde -19,5 en avril à -8,1enmai, alorsque les analystes tablaient sur -12,5.L'indicedelasituationactuelleafficheégalement uneaméliorationsurpriseà-19,3,sonplushautniveau depuis août 2024 bien qu'il reste dans le négatif. Les attentes économiquespour les sixprochainsmoisont quant à elle bondi de 19,6 points pour atteindre 3,8. L'enquête menée auprès de 1.068 investisseurs du 1 er au3maimontreque cesderniers semblent appré- cier la réponsemodérée adoptée jusqu'à présent par la Commission européenne face aux droits de douane américains, a ajouté Sentix. Source : Reuters Les investisseurs gardent le moral

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