Agefi Luxembourg - décembre 2025

AGEFI Luxembourg 24 Décembre 2025 Consultance By Nessym Jules TIR, Avocat/Partner, Compliance & Investigations,Wolff&PartnersSCS,Attorneysatlaw I n a landscape of international geopolitical and economic tension, the legal instrument remains a real deterrent. Indeed, the proliferation of extraterritorial norms has led to a movement towards the im- plementation of blocking mechanisms. For exam- ple, in 2021, the Ministry of Commerce of the Peo- ple’s Republic of China (“MOFCOM”) issued Rules to counter the extraterritorial application of foreign laws and other measures by requiring entities to comply with the extraterritorial applica- tion of certain foreign sanctions laws and regulations. (1) The EU Blocking Regulation European Regulation No. 2271/96 (the “ Blocking Regulation ”), which came into force in 1996, an- nuls the effects, in the EU, of any foreign court de- cision based on laws, regulations and other legislative instruments designated in the annex to the regulation and gives EU operators the right to be compensated by the per- sons who are responsible for any dam- age resulting from extraterritorial sanctions fallingwithin the scope of the regulation. This Blocking Regulation also prohibits compliancewith these sanctions, unless exceptionally authorised to do so by the European Commis- sion, in the event that non- compliancewith themwould seriously harm their interests or those of the European Union. (2) In addition, the Blocking Regu- lation theoretically protects Eu- ropean companies against laws with extraterritorial scope. In practice, things are more nuanced because insofar as this regulation opens up the possibility of arbitration by companies to complywith the decision of a foreign authority by means of a request to the European Commission, the effect of the mechanismmay become bled dry in view of the economic stakes for operators. This trend has been confirmed by European case law, in particular by a judgment of 12 July 2023 with the European Commission’s decision to au- thorise an EU operator to comply with US sanc- tions against Iran. (3) Local initiatives in Europe Within the European Union, France had imple- mented a blocking statute in 1968 which provided for a ban on the communication of documents and information to foreign authorities inmaritimemat- ters. Then, LawNo. 80-538 of 17 July 1980 extended its scope of application with the aim of protecting French companies against the collectionof informa- tion as inAmerican pre-trial discovery and to protect Frenchnationals against circumvention of the judi- cial cooperation mechanisms provided for by the Hague Convention of 18March 1970. (4) The French legal corpus then evolvedwith the de- cree of February 18, 2022 which designates the SISSE, the Strategic Information andEconomic Se- curity Service, as a point of contact in order to clar- ify the referral procedure for companies and to designate a one-stop shop for the actors con- cerned, (5) in order to preserve the legal certainty of companies. The purpose of this initiative is to de- termine the data likely to fall within the scope of application of the French blocking statute. The German Federal Court of Justice (BGH) issued a judgment on 18 March 2025 (ref. XI ZR 59/23) whichputstheimpactoftheEUblockingstatuteinto perspective, in terms of civil liability. Indeed, the BGHconsiders that althoughEuropeanentities can- not comply under the EU’s Blocking Regulation, an assessment of interests, risks and proportionality neutralizescompliancewiththeBlockingRegulation in the context of this case. Furthermore, theBGHen- courages a test of proportionalities and fosters a nu- anced approach in light of the invocation of impendingUS sanctions under certain conditions. (6) In conclusion, companies continue to find them- selves in sometimes intractable situations at this stage as they navigate themurkywaters of the var- ious blocking regimes around theworld.At the EU level, a press release dated 3 December could pro- videprospects for clarification in the future. Indeed, by insisting on economic security, the European Commissionwishes to affirm a new roadmap and bemore proactive, inparticular in six high-riskpri- ority areas such as reducing strategic dependencies on goods and services, attracting safe investments to the EU, supporting critical sectors, making the EU a territory at the forefront of critical technolo- gies , protecting infrastructure, but especially with respect to sensitive information and data. (7) As a re- sult, it is to be hoped that more clarification and agility will be provided to companies that are en- gaged in complicated choices of legal/compliance risk arbitration on a daily basis. 1 )https://miniurl.be/r-6k91 2 )https://miniurl.be/r-6k90 3 )https://miniurl.be/r-6k8z 4) F.ECHENNE, French “blocking laws” andUS extraterritorial legislativeconstraints,Villagedela justice,10/2016 5 )https://miniurl.be/r-6k8y 6 )https://miniurl.be/r-6k8x 7 )https://miniurl.be/r-6k8w Compliance & Geopolitic European blocking statutes in the global context Par Corinne LAWSON, sociologue éthicienne de la finance C omment réintroduire la dimension humaine dans un univers dominé par les modèles, les ratios et la recherche de performance ? Lors d’un entretien avec un fonds d’investissement, la proposition d’un atelier sur l’éthique de la ren- contre portant non pas sur des produits financiers, mais sur la dimension humaine de la déci- sion, suscita une réelle surprise. Comment parler d’éthique dans un secteur chiffré, structuré par la rentabilité et les indicateurs ? Cette réaction illustre un phénomène persistant : la marginalisation du facteur humain dans la finance, alors même que son impact social est considérable. L’éthique s’invite pourtant de plus en plus dans les débats, portée par les exigences réglementaires et par la transformation des attentes sociétales. Une anecdote illustre cette dynamique : deux ouvriers taillent des pierres. À la question « que faites-vous ? », l’un répond : « Je gagne ma vie » ; l’autre : « Je construis une cathédrale » . La conscience de contribuer à un projet porteur de sens trans- forme l’expérience du travail. Plus que de gagner notre vie, nous avons tous besoin de savoir quelle “cathédrale” nous construisons : cela conditionne notre engagement, nos valeurs, notre fierté profes- sionnelle et notre capacité à agir de manière res- ponsable. Étymologie et sens profond Issu du grec êthikos , qui signifie à la fois « manière d’habiter le monde » et « caractère », manière d’agir. Le terme renvoie à la relation que l’on entre- tient avec nous même, avec autrui, avec le milieu dans lequel nos actions s’inscrivent et avec le trans- cendant. Par extension, il pourrait désigner ce qui habite nos décisions. Il pourrait se rapprocher de l’essence (du latin essentia , être, ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est) et même l’âme (du latin : anima , souffle, qui anime le corps d’un être vivant), la vision du monde, les valeurs et la finalité que nous poursuivons. Sonéquivalent latin ethica , donnera lemot «morale», souvent associé aux normes et aux règles de conduite. L’éthique s’en distingue : elle relève d’une démarche réflexive, d’undiscernement en situation. L’éthique : habiter le monde de manière juste L’éthique peut être définie comme la recherche du juste, du bien et du respect de la dignité dans l’ac- tion humaine ou la recherche de notre humanité. Elle éclaire les décisions lorsqu’elles impliquent des tensions entre intérêts divergents, rappelant que toute décision – économique, technique ou financière – produit des conséquences concrètes sur des personnes, des commu- nautés et des écosystèmes. Elle répond à la question : « Que dois-je faire ? », en articulant trois dimensions : - L’obligation : ce que j’ai le devoir de considérer ; - La responsabilité : les consé- quences de mes décisions ; - L’action : la mise en œuvre concrète du choix retenu. L’enjeu éthique de la finance durable : redéfinir la finalité du capital En finance, l’éthique conduit à interroger la finalité du capital : est-il uniquement unmoyende générer de la rentabilité immédiate, ou un levier de contri- bution au bien commun et à la transition juste ? Les cadres réglementaires européens – SFDR, taxo- nomie, CSRD – accélèrent la réorientation des flux financiers vers des activités durables. Mais si la finance durable a fait d’immenses progrès sur la mesure de l’impact environnemental (carbone, énergie, biodiversité), elle reste confrontée à des angles morts éthiques, notamment sur les enjeux sociaux, humains et démocratiques, plus difficiles à quantifier. Pour y remédier, il est nécessaire de comprendre les outils existants – RSE et ESG – leurs limites intrinsèques et leurs liens avec l’éthique. L’éthique est la réflexion qui nous permet de comprendre et donner du sens à la pratique de la RSE et de l’ESG. Pourquoi dans notre entreprise mettre en place une politique de RSE ? et pourquoi rechercher une certification ESG ? RSE et éthique : une responsabilité élargie envers la société La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) intègre des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance dans la stratégie orga- nisationnelle de l’entreprise. Elle repose sur trois piliers : - environnement : réduction des émissions, pré- servation de la biodiversité, gestion durable des ressources. - social : droits humains, conditions de travail, inclusion, diversité, dialogue social. - gouvernance : transparence, lutte contre la cor- ruption, diversité des instances, vision long terme. Parce qu’elle reconnaît que l’entreprise est un acteur moral autant qu’économique, la RSE entre- tient un lien naturel avec l’éthique. Elle structure la responsabilité envers les parties prenantes et cherche à aligner les décisions sur des valeurs fon- damentales : dignité, justice, équité, prudence, res- ponsabilité. Elle constitue ainsi un pont entre prin- cipes éthiques et pratiques opérationnelles. Les critères ESG : mesurer l’éthique dans la décision financière Les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) traduisent les enjeux extra-finan- ciers en indicateursmobilisables dans l’analyse des investissements. Environnement (E) Évalue l’empreinte écologique (émissions, pollu- tion, ressources). Lien éthique : protection des conditions de vie présentes et futures. Social (S) Analyse les impacts sur les travailleurs, les usagers, les communautés (égalité salariale, santé, sécurité, diversité, droits humains, bien-être au travail. Lien éthique: respect de la dignité humaine et justice sociale. Gouvernance (G) Examine la qualité de la prise de décision (indé- pendance, transparence, conflits d’intérêts, com- positiondu conseil). Lien éthique : intégrité, équité, responsabilité. Les critèresESGont permisd’intégrer l’éthiquedans la logiqued’investissement.Mais leurhétérogénéité, leur dépendance aux données déclaratives, et leur focalisation prioritaire sur l’environnement laissent persister des zones aveugles, notamment sur la réa- lité sociale vécue sur le terrain. Trois stratégies pour réduire les angles morts éthiques de la finance durable Face à ces limites, trois stratégies émergent pour renforcer l’intégration de l’éthique dans la finance durable. Stratégie 1 -Améliorer les standards ESG : recen- trer sur l’humain Cette première stratégie vise à affiner la qualité des indicateurs en renforçant les dimensions sociales et de gouvernance. - Développer des indicateurs sociaux plus exi- geants (conditions de travail réelles, inclusion, dia- logue social, bien-être au travail, prévention des risques psychosociaux). - Intégrer des données qualitatives : enquêtes de terrain, témoignages, analyses ethnographiques, apports des sciences humaines. - Mettre en place des audits éthiques indépen- dants. - Harmoniser les méthodologies des agences ESG. Objectif : rapprocher la performance déclarée de l’impact réel, en replaçant les personnes et les ter- ritoires au cœur de l’analyse. Stratégie 2 - Engagement actif : transformer les pratiques plutôt que sanctionner Au lieu d’exclure les secteurs à risque, l’engage- ment actif propose d’accompagner les entreprises dans une trajectoire d’amélioration. - Dialogue régulier avec les dirigeants. - Vote en assemblée générale pour renforcer les droits sociaux. - Participation à des comités éthiques. - Suivi de la mise en œuvre de plans de transition justes. L’investisseur devient un acteur de transformation, contribuant à améliorer les pratiques et à assumer une responsabilité partagée dans l’impact social. Stratégie 3 - Collaboration intersectorielle, plu- ridisciplinaire : croiser les expertises pour voir l’invisible La complexité des enjeux éthiques exige de faire dialoguer : - institutions financières, travailleurs - régulateurs, - ONG et syndicats, - chercheurs en sciences humaines, - experts en éthique, - acteurs sociaux et territoriaux Cette coopération permet d’identifier les risques invisibles (discriminations, atteintes aux droits, détresse psychologique) et de co-construire des outils d’analyse éthique adaptés aux réalités du ter- rain. Elle replace la finance dans une approche sys- témique orientée vers le bien commun. Conclusion La finance durable voudrait entrer dans une nou- velle phase. Elle ne veut plus se limiter à la ges- tion des risques environnementaux ; elle doit intégrer pleinement la dimension humaine, sociale et éthique des décisions financières. En améliorant les standards ESG, en adoptant une posture d’engagement actif et en renforçant les collaborations intersectorielles, elle peut réduire ses angles morts éthiques et devenir un moteur de transformation. La finance durable peut ainsi contribuer non seu- lement à financer la transition écologique, mais aussi à bâtir une société plus juste, plus humaine et plus cohérente avec les finalités du capital au service du bien commun. Réduire les angles morts éthiques en finance durable : fondements et stratégies

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