AGEFI Luxembourg - juillet août 2025

AGEFI Luxembourg 20 Juillet / Août 2025 Banques / Assurances D u 2 au 4 juillet 2025, s'est tenu à Luxem- bourg la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques cen- trales du groupe de vote du Fonds monétaire international (FMI) dont le Luxembourg fait partie, dans le cadre du «consti- tuency meeting». Placée sous le thème «Our constituency in an increasingly fragmented world» , la réunion a constitué une plateforme d'échange sur les grands enjeux écono- miques et financiers internationaux, dans un contexte d'incertitude et de fragmentation croissante. Outre les délégations nationales, des représentants du FMI, du Groupe de la Banque mondiale, de la Banque européenne d'investissement (BEI), du Mécanisme européen de stabilité (MES) ainsi que de la Commission européenne ont participé aux discus- sions. L'importance du multilatéralisme pour relever les défis communs L'évènement a réuni 16 pays partici- pants : l'Andorre, l'Arménie, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, laGéorgie, Israël, le Luxembourg, la Moldavie, le Monténégro, le Royaume des Pays-Bas, laMacédoine duNord, la Roumanie et l'Ukraine. Lors des séances plénières et parallèles les discussions ont surtout porté sur les thèmes suivants : l'élargissement de l'UE et le commerce, les priorités straté- giques de la Banque mondiale en Europe et en Asie centrale, la politique budgétaire en période de conflit, le rôle de la politique industrielle, le rôle des banques centrales dans la transition verte, la mobilisation des financements privés en faveur de l'emploi et d'une croissance durable. Enmarge de l'évènement, Gilles Roth a également tenudes réunions bilatérales avec ses homologues andorran, belge, géorgien et macédonien. Gilles Roth a commenté : « Dans un monde fragmenté, nous avons plus que jamais besoin de coopération et demul- tilatéralisme. Tel est le message clair de la réunionde notreConstituante auprès du FMI et de la Banque mondiale ici à Luxembourg. Seule cette coopération internationale nous permettra d'assurer une croissance durable et inclusive. Pour nos pays et nos économies. Et sur- tout pour nos citoyens. » Source : ministère des Finances Gilles Roth à la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du groupe de vote du FMI au Luxembourg: «Our constituency in an increasingly fragmented world» ©MFIN Par Nadège DUFOSSE, Global Head of Multi-Asset chez Candriam A l’heure oùnous écrivons ces lignes, lemarché améri- cain s’est approché de son niveau le plus haut historique, at- teint précédemment en février 2025 et la plupart des classes d’actifs affichent des performances positives endevise locale de- puis le début de l’année. (1) La réalité des marchés finan- ciers est-elledéconnectéede la perceptiondesrisquesparles investisseurs ? De manière récurrente, les investisseurs exprimentleursdoutesquant àlatendancehaussièredesactions alors que la réalité économique et politique leur sem- ble présenter un niveau toujours plus élevé d’incerti- tudes. Cette dichotomie peut s’expliquer facilement. Les incertitudes provoquent des émotions négatives etpeuventbiaiserlaperceptiond’uninvestisseuralors quelesmarchésapparaissentplusfiablesreprésentant les décisions demillions d’investisseurs… Noussommesdepuisledébutdel’annéedansuncas de figure un peu extrême de ce point de vue. Le « contrat social » est en pleine déconstruction et la loi duplusfortsembles’imposer…L’ordremondialpo- litique, social, économique est de ce fait en recompo- sitionetilnousestdifficiledefairedesprojectionssur unhorizon,mêmecourt.Quelenestl’impact«ration- nel»surlesmarchésfinanciers?Commentpouvons- nous positionner nos portefeuilles et prendre des risquesmesurés ? Qui sera le plus fort économiquement ? Lesperspectives économiques sont endéfinitive for- tement influencées par les décisions des instances dirigeantes américaines.Dansnotre scénariocentral, nous anticipons un ralentissement de l’économie mondiale sous l’effet d’un changement substantiel du taux effectif des droits de douane américains (plus de 10 % (2) ). Les États-Unis nedevraient pas en sortir indemnes et leurcroissanceéconomiquepourraitbienpassersous les 2 %. Une récession devrait être évitée, mais son risque pourrait augmenter sous l’effet d’autres chocs négatifs(liésauxconflitsarmésencoursnotamment). Le choc sur le commerce international devrait se tra- duire en outre par des pressions inflationnistes tem- porairement accrues. La mission de la Fed sera d’autant plus délicate que le contexte devient « stag- flationniste ». Nous anticipons ainsi une première baisse de taux en décembre et deux à trois baisses consécutivesdébut 2026. Le soutienfiscal ne seraque marginal, loin d’être « big » ou « Beautiful » comme annoncé. Le secteur privé américain restenéanmoins sain, avec des marges bénéficiaires proches de leurs niveaux records, sans endettement excessif ni pro- blème d’accès aufinancement. En Europe, la politique commerciale des États-Unis représenteundéfimajeuretdevraitcontinueràpeser sur l’activité, en particulier en freinant les décisions d’investissement des entreprises. L’inflation en zone euro est aujourd’hui bien maitrisée et on observe un ralentissement fort de la croissance salariale. Cet en- vironnementpermetàlaBCEd’assouplirsapolitique monétaire amortissant ainsi le ralentissement de l’ac- tivité. Le tournant budgétaire allemand représente égalementunchangementclépourl’Europetan- dis que la mise en place progressive des plans d’investissement enmatièrededéfenseet d’in- frastructures devrait permettre d’amortir le choc négatif lié auxdroits de douane. Enfin, en Chine les autorités mettent en œuvre des politiques économiques contra- cycliques pour tenter de stabiliser la croissance. Nous attendons une dé- célération de la croissance, un peu en dessous de l’objectif fixé à 5 % pour 2025. Le leadership économique demeure bienun enjeu essentiel de la recompo- sition de l’ordremondial en cours. Les applications de l’intelligence artificielle devraient continuer à progresser et s’étendre dans les mois à venir, permet- tant des gains de d’efficacité et de produc- tivité.EntreÉtats-UnisetChine,labataillepourêtrele plus fort est bien engagée sur lemoyen terme. Les États-Unis préserveront-ils leur exceptionnalisme sur lesmarchés financiers ? En janvier 2025, les sondages auprès des investis- seurs faisaient état d’un large consensus positif en faveur du marché actions américain, du secteur technologique américain et du dollar. La soudaine remise en question de ce statut « exceptionnel » américain est une surprise. Elle a provoqué un ré- veil des investisseurs hors États-Unis qui cherchent àdiversifier leurs investissements. Les investisseurs commencent à diversifier leurs allocations, alors que les portefeuilles restent encore très concentrés sur les actions américaines. La diversification géo- graphique, sectorielle et factorielle peut offrir dés- ormais une meilleure couverture des risques, sans sacrifier la performance. l’exceptionnalismeaméricain,n’estpasunebulledans lesensoùilestsoutenuparunecroissancesupérieure desbénéficesdesesentreprises.Aprèslagrandecrise financière de 2008, les États-Unis se sont redressés beaucoupplusvitequelerestedumondeenmettant en place des politiques monétaires et budgétaires adaptées. La très forte croissance du secteur techno- logique et l’appréciationdudollar américainont créé uncerclevertueuxpourlesinvestisseurslocauxetin- ternationaux pour lesquels la diversification perdait de son intérêt, ce qui a entraîné l’extrême concentra- tion actuelle desmarchés actions. L’évolution des flux financiers et la recherche de di- versificationdans lesmois à venir dépendront avant tout de la capacitédes États-Unis àmaintenir leur at- tractivité relative. Attractivité des « megacap » et de leurleadershiptechnologique,attractivitédesobliga- tions gouvernementales et surtout stabilisation du dollar, le risque de change représentant un élément clé dans une allocation internationale. Depuisledébutdel’année,ledollaraméricainachuté de plus de 10 %, enregistrant l’une de ses pires per- formances historiques. Cette tendance devrait se poursuivre au second semestre 2025. Le ralentisse- mentéconomiqueaméricainetlesbaissesdetauxat- tendues de la Réserve fédérale devraient contribuer àl’affaiblissementrelatifdudollar,tandisquelecreu- sement dudéficit budgétairemine la confiance dans lasoutenabilitédesfinancespubliques.Parallèlement, les banques centrales internationales poursuivent la diversificationdeleursréserves,réduisantleurexpo- sition audollar. Quelle allocation favoriser au cours du second semestre ? Actions : viser la croissance dans un monde sans élan Danscetenvironnement,nousadoptonsunposition- nement neutre et biendiversifié sur les actions. Nous évitons les biais régionaux et privilégions une diver- sification par secteurs et styles, avec un accent sur les secteurs et valeurs affichant une fortedynamiquebé- néficiaire,commelatechnologie,ainsiquesurlessec- teurssoutenusparlespolitiquesbudgétaires,telsque lesinfrastructures,l’industrieetladéfenseenEurope. L’absencede catalyseursnetspourune revalorisation plus globale des marchés nous conduit à maintenir une approche équilibrée. Les actions américaines nous semblent aujourd’hui bien valorisées, les marchés intégrant un scénario fa- vorablesurlapolitiquecommercialeetbudgétaire,ce qui limite leur potentiel de hausse et peut accroître le risque de déception. Les prévisions actuelles du consensustablentsurunecroissancedesbénéficesde 9 à 10 %, alors que les fondamentaux (commandes, croissanceduPIB)suggèrentplutôtunchiffreproche de 5 %. Dans ce contexte, nous restons sélectifs, avec une préférence pour les valeurs technologiques, por- tées par la croissance structurelle liée à l’intelligence artificielle. Malgré les incertitudes politiques, les en- treprisesaméricainesontfaitpreuvederésilience,avec une croissance des bénéfices de 12%avant le « Libe- rationDay»etdesperspectivesquidemeurentsupé- rieuresauxattentesduconsensus.Toutefois,dansun environnement de croissance molle et de taux dura- blement élevés, le scénario de marché pourrait res- sembleràceluide2023-2024:concentrationexcessive des performances sur unpetit nombre de titres. Lasous-expositionstructurelledesportefeuillesmon- diauxhorsÉtats-Unis, combinéeàunaffaiblissement progressif dudollar, rend lesmarchés internationaux attractifs. Contrairement à l’idée selon laquelle la ro- tationverslesactionsinternationalesseraitdéjàlarge- mentjouée,lesdonnéesmontrentqu’ellen’aenréalité pas encore vraiment commencé. Lazoneeurosetrouveàuntournant,confrontéeàun arbitrage entredesdépenses supérieures indispensa- bles dans les secteurs de la défense et des infrastruc- turesetuneréponseàlapressiondesdroitsdedouane américains.Malgrécestensionscommerciales,lesen- treprises européennes bénéficient des réponses bud- gétairesplusactivesetdevalorisationsplusattractives, ce qui a contribué à leur performance récente. Après lerebond,lesvalorisationsdecertainssecteursdomes- tiques (banques, utilities) semblent en ligne avec leur moyennehistorique. Lahaussede l’europourrait par ailleurs peser sur les bénéfices. Surlesmarchésémergents,l’évolutiondudollaramé- ricain est un élément clé. Les valorisations nous sem- blent attractives, avec un ratio cours/bénéfice (P/E) prévisionnelde12xlesbénéfices,contre19x (3) pourles marchés développés, tandis que le positionnement global des investisseurs, en particulier en Chine, de- meurefaible.L’apaisementdesincertitudescommer- ciales entre les États-Unis et la Chine est un facteur positif tout comme la volonté renouvelée de laChine de soutenir l’économie privée, avec un potentiel de nouvelles mesures de relance. Pour autant, l’activité intérieure enChine est atone depuis longtemps et les investisseurs restent globalement prudents. Toute améliorationducôtéde la consommationserait donc une bonne surprise.Nous restons positifs sur la tech- nologie chinoise, considérant la récente faiblesse comme une opportunité d’augmenter les investisse- ments,avecuneprobabilitéd’élargissementdelapar- ticipation aumarché chinois. Obligations : positionnement défensif avec des poches de portage sélectif Nousconservonsunepositionlonguesurladuration en zone euro et restons neutres sur les bons du trésor américains.Dansunportefeuillediversifié,laduration continued’offriruneprotectionefficace,enparticulier dans un environnement de ralentissement écono- mique et d’inflationmodérée. En Europe, la Banque centrale européenne nous semble proche de la finde soncycled’assouplissement,mêmesideuxbaissesde taux supplémentaires sont encore anticipées d’ici la findel’année.Cettedynamique,combinéeàunenvi- ronnementmacroéconomiquetoujoursatoneetàune inflationbienancrée,soutientnotreopinionconstruc- tive sur la dette souveraine européenne. Aux États-Unis, notre positionnement sur les taux reste neutre dans l’attente d’un point d’entrée plus attractif. Nous anticipons une légère baisse des ren- dements au second semestre 2025, portéepar unaf- faiblissement progressif de l’activité économique et les baissesde taux attenduesde lapart de laRéserve fédérale. La trajectoirede l’inflationdevrait rester ir- régulière, lespressions haussières liées auxdroitsde douane et à la politique budgétaire expansive étant compensées par un contexte macroéconomique plus faible. Surlesegmentducrédit,nousréaffirmonsnotrepré- férence pour les obligations Investment Grade avec unbiaisfavorableaucréditeuropéenquibénéficiede fondamentaux solides et d’une meilleure résistance en environnement incertain. En revanche, nous res- tons plus prudents globalement sur leHighYield. La dette émergente suscite un regain d’intérêt portée par des rendements réels positifs, la baisse du dollar etladésescaladedanslaguerrecommerciale.Cesélé- mentscontribuentàaméliorerl’attractivitérelativedes actifs émergents, malgré un positionnement encore modeste des investisseurs. L’or et l’alternatif en soutiendes portefeuilles L’orconserveunrôlestratégiquedanslesportefeuilles, agissant comme une couverture efficace face aux in- certitudes géopolitiques, à la volatilité des taux réels et aux risques macroéconomiques extrêmes. Malgré des rendements nominaux élevés, la demande reste soutenue, portée par les achats persistants des banquescentrales,lareconstitutiondesréservesinter- nationalesetunregaind’intérêtdesinvestisseurspar- ticuliers et via les ETF. Compte tenu de la volatilité persistante et des risques asymétriques sur les mar- chés,nousconservonsuneallocationauxstratégiesal- ternatives liquides. Ces approches offrent une stabilisation des portefeuilles et complètent les expo- sitions plus traditionnelles et directionnelles, en ap- portant des rendements décorrélés. Composer avec l’incertitude, investir avecdiscerne- ment Dansunenvironnement enpleinemutation,marqué par des dynamiques économiques, géopolitiques et technologiques, la loi du plus fort semble s’imposer nonseulementdanslesrelationsinternationales,mais aussi dans les équilibres demarché. Les investisseurs devront plus que jamais concilier agilité et sélectivité dans la gestionde leurs portefeuilles. 1)Lesperformancespasséesnepréjugentpasdesperformancesfutures. 2) Données Candriamau 25/06/2025 3) Source: Bloomberg La loi du plus fort

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