AGEFI Luxembourg - mai 2025
Mai 2025 17 AGEFI Luxembourg Banques / Assurances ParDuncanLAMONT,CFA,HeadofStrategic Research, Schroders C es dernières années, le débat sur l'investissement actif ou passif n'a cessé de prendre de l'ampleur. La critique courante de la gestion active repose sur l'argument du « zero-sumgame » (jeu à somme nulle), selon lequel les investisseurs actifs ne peuvent jamais, collective- ment, obtenir demeil- leurs résultats que le marché dans son ensemble. Toutefois, de nouvelles don- nées de recherche de Schro- ders suggèrent que ce raisonnement ne se vérifie pas toujours. À l'avenir, vu l'évolutionde la compositiondumar- ché et l'émergence de nouveaux types d'investis- seurs, les gestionnaires de fonds actifs pourront pré- cisément avoirdavantaged'opportunitésde surpas- ser les investissements passifs. L'argument du « zero-sumgame » : un concept couramment utilisé, mais trompeur Au cœur de l'argument du « zero-sum game », on trouve l'idée que le marché se compose de deux groupes : les investisseurs actifs et les investisseurs passifs. Les investisseurs actifs arrivent au rende- ment du marché et, en théorie, les investisseurs actifs devraient également collectivement obtenir le rendement du marché, car ce dernier est la somme de deux groupes. Par définition, si un investisseur actif fait mieux que la moyenne, un autre investisseur actif doit faire moins bien. Et comme la gestion active entraîne des coûts plus élevés, on prétend que les fonds actifs, après déduction des coûts, produisent en moyenne des rendements inférieurs à ceux des investisse- mentspassifs. Si cette logique est correcte en théorie, elle est souvent mal appliquée dans la pratique. Où le bât blesse-t-il dans lamise enœuvre du « zero-sumgame » ? Une erreur fréquente consiste à classer tous les investisseurs passifs d'un côté et les gestionnaires de fonds actifs de l'autre, alors qu'en réalité, la situa- tionest plus complexe.D'unpoint devue technique, les vrais investisseurs passifs sont ceux qui détien- nent chaque position boursière exactement selon la capitalisation boursière de l'indice. Si une action représente 5%dumarché, elledoit également repré- senter 5% de leur portefeuille. Tous ceux qui s'en écartent font partiedes investisseurs actifs selon l'ar- gument du « zero-sumgame ». Autrement dit, les gestionnaires de fonds actifs, mais aussi denombreuxautres investisseurs sont considé- rés comme « actifs ». Il suffit de penser aux investis- seurs particuliers qui investissent dansdes fonds sec- toriels,desfondsaxéssurl'ESG,desETFthématiques ou même aux investisseurs particuliers qui achètent des actions individuelles. Vous achetez, par exemple, un ETF technologique plutôt qu'un ETF du marché général ? Selon cette définition, vous êtes alors un investisseur actif, même si la forme d'investissement semble passive. L'émergence d'investisseurs « néo-passifs »modifie lemarché Une nouvelle catégorie d'investisseurs a vu le jour : les investisseurs « néo-passifs ». Il s'agit d'investis- seurs enETF qui ne suivent pas l'ensemble dumar- ché, mais se concentrent sur des thèmes oudes seg- ments spécifiques. Ils se comportent différemment des investisseurs passifs traditionnels et influencent le marché dans une mesure croissante. Cela ouvre des perspectives aux gestionnaires de fonds actifs traditionnels, qui peuvent utiliser la sélection de titres pour se différencier de cette tendance. Aux États-Unis, on trouve actuellement six fois plus d'ETF « néo-passifs » que d'ETF indiciels tradition- nels. Depuis 2018, les flux entrants dans ces nou- veaux ETF ont été 50% plus élevés que les fonds passifs traditionnels. La montée en puissance des investisseurs « néo-passifs » signifie qu'une pro- portion croissante du marché est investie non pas en fonction de la pondération de la capitalisation boursière, mais selon des stratégies et des thèmes spécifiques. Il en résulte des inefficacités que les investisseurs actifs peuvent exploiter. Les investisseurs individuels redeviennent des sélectionneurs d'actions Outrel'essordesETFthématiques,lemarchéaégale- ment connu une augmentation du nombre d'inves- tisseurs particuliers qui achètent activement des actions individuelles. Ce phénomène a été amplifié par l'introduction de la transaction sans commission chez les principaux courtiers américains et, pendant la pandémie de coronavirus, cette tendance a été renforcée par l'explosion du nombre de comptes d'investissement privés. L'engouement pour les «Meme stocks », comme dans le cas deGameStop, a attiré l'attentiond'un largepublicsurl'investissement.Bienquenombre de ces nouveaux investisseurs achètent des ETF S&P 500, les données de la Réserve fédérale amé- ricainemontrent que le pourcentaged'actions détenues directement dans les porte- feuilles privés a atteint des niveaux inégalés depuis la bulle Internet. Les transactions et les inefficacités dumarché font naître des opportunités pour les fonds actifs Unautreargumentcontrele«zero-sum game » est qu'aucun investisseur ne peut être totalementpassif.Celas'expliqueparleschangements constants intervenant dans la structure du marché, tels que: - Introductionsenbourse(IPO) :Denouvellesentre- prises entrent sur le marché et les fonds passifs peu- vent investir dans ces entreprises uniquement après leur inclusion dans l'indice. Les investisseurs actifs peuvent anticiper ces IPO. - Changements au sein des indices : Les entreprises peuvent être promues ou rétrogradées d'un indice à l'autre, notamment en passant d'une société à petite capitalisationàunesociétéàgrandecapitalisation.Les investisseurs actifs peuvent anticiper cette évolution et profiter des nouvelles pondérations. - Ajustements des actions dans les indices MSCI : Par exemple, l'inclusion des actionsA chinoises dans les indices internationauxa entraînédes achats forcés par des fonds passifs, ce qui a provoqué des fluctua- tions de prix. De telsmouvementsdemarché entraînent des coûts de transaction supplémentaires et des effets de prix dont les investisseurs actifs peuvent tirer parti. Ces effets sont déjà perceptibles sur les marchés des actions,mais encore plus prononcés sur lesmarchés obligataires. Les fonds obligataires passifs se com- portent souvent moins bien que leur indice de réfé- rence en raisondu tauxde rotation élevédes obliga- tions et du fait que les entreprises émettent réguliè- rement de nouvelles dettes. Conclusion : davantage d'opportunités pour la gestion active Les détracteurs de l'investissement actif affirment souvent qu'il est mathématiquement impossible de surpasser les investissements passifs sur le long terme. Mais cet article montre que cette affirmation est erronée : - la structuredumarché est en trainde changer.Avec le développement des ETF thématiques et des inves- tisseursindividuels,lesinvestissementssontdemoins enmoins pondérés par la capitalisation boursière, ce qui crée des inefficacités. - Les transactions créent des opportunités. Les IPO, les changements au sein des indices et les nouvelles pondérationscontraignentlesfondspassifsàacheter ou à vendre certaines actions, ce qui provoque des fluctuations de prix dont les fonds actifs peuvent tirer parti. - Les marchés obligataires sont encore plus difficiles pour les fonds passifs. Vu le taux de rotation élevé des obligations, les fonds passifs peinent à égaler leur indice de référence. Cela ne signifie pas que tous les gestionnaires de fonds actifs seront automatiquement plus perfor- mants, mais cela suggère que les fonds actifs ont à l'avenirdemeilleureschancesdesurpasserlesinves- tissementspassifsqueparlepassé.Ilpeutdoncs'avé- rer intéressant, pour les investisseurs, de repenser leur stratégie et de ne pas présumer automatique- ment de la supériorité de l'investissement passif. Mêmesurlesmarchéstraditionnellementconsidérés comme « efficaces », les stratégies actives peuvent obtenir un avantage concurrentiel. Les nouveaux investisseurs créent des opportunités pour la gestion active
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