Agefi Luxembourg - février 2025
AGEFI Luxembourg 16 Février 2025 Economie / Banques «Aujourd’hui, le Luxembourg est reconnu comme un exemple de transparence et de rigueur, attirant des institutions financières dumonde entier» Opinion – par Halim MEGHARBI, Managing Partner House of Compliance* I l fut un temps où les pratiques au Luxembourg, ont conduit le pays à figurer, à partir de 2012, sur la liste grise duGroupe d’action fi- nancière (GAFI). Ce classe- ment, bienplus qu’une simple étiquette, résonnait comme un avertissement sé- vère. Ilmettait en lumière les failles structurelles et réglemen- taires duLuxembourg enma- tière de blanchiment d’argent. Le pays, alors sous les projecteurs, devait choisir entre préserver le statuquo ou entamer une transformation enprofondeur. Aujourd’hui, unpeuplus de dix ans après cet épisodemarquant, le Luxembourg est cité comme unmodèle enmatière de transpa- rence financière et de lutte contre les crimes financiers.Alors, comment une telle transfor- mation a-t-elle été possible ? Retour sur une évolutionmarquéepar des réformes structurelles, un renforcement institutionnel, une volonté politique affirmée et une conscientisation des acteurs locaux, avec le secteur financier en pre- mière ligne. 2012 : un électrochoc nécessaire L’inscription sur la listegriseduGAFI n’apas étéune surprise pour les observateurs avisés. À l’époque, le Luxembourgseretrouvaitsouspression,critiquépour sonopacité et sa réglementation jugée laxiste.Déjà en 2008, un reportage diffusé dans le journal télévisé de France 2, accusant le Luxem- bourg de blanchir de l’argent sale, avait suscitélacolèreduPremierministreJean- Claude Juncker. Ce classement avait des conséquences po- tentielleslourdes:pertedecrédibilitésur la scène internationale, impact sur les investissements étrangers et surtout, un risque de marginalisation écono- mique. Face à cette me- nace, le Luxembourg a pris conscience de l’ur- genced’agir.Ilnes’agissait passimplementderépon- dre aux exigences du GAFI, mais de redéfinir les basesmêmes de sonmodèle économique et financier pour s’inscrire dans une ère de transpa- rence et de conformité.Adieu les petites structures opaques,bienvenueauxgrandsgroupesfinanciersin- ternationaux (chinois, britanniques, américains, etc.). Un cadre législatif renforcé Lapremièreétapedecettetransformationaétélégis- lative.LeLuxembourgs’estengagédansunemoder- nisation complète de son arsenal juridique, en alignant ses lois sur les recommandations internatio- nales. La transposition successive des directives eu- ropéennes sur la lutte contre le blanchiment d’argent (de la 3 e à la 5 e directive AML) a permis de combler lesfaillesetderenforcerlesobligationsdesentitésas- sujetties. Parmi les mesures phares, la création en 2019 du Registre des bénéficiaires effectifs (RBE) a marquéuntournant.Cetoutil,destinéàidentifierles propriétaires réels des structures juridiques, a consi- dérablement accru la transparence et limité l’usage abusif des sociétés-écrans. En parallèle, le Luxembourg a alourdi les sanctions pénales et administratives pour les infractions liées aublanchiment d’argent, envoyant ainsi unmessage clair : le temps de l’impunité était révolu. Désormais, touslesregardssonttournésverslescommunications des régulateurs (CSSF, CAA ou AED), particulière- mentencequiconcernelessanctionsadministratives, et notamment les amendes financières. Des institutions renforcées pour plus de vigilance Mais un cadre législatif, aussi solide soit-il, ne suffit pas sansdes institutions capablesde l’appliquer effi- cacement. Le Luxembourg a donc considérable- ment renforcé ses organes de contrôle. LaCellulede Renseignement Financier (CRF), chargéed’analyser les déclarations de soupçon, a vu ses moyens hu- mains et technologiques augmenter, notamment avec la mise en place de «GoAML». Elle est au- jourd’hui capable de traiter un volume croissant d’informations tout en collaborant activement avec seshomologues internationaux. Ce renforcement de son efficacité et de sa coopération a été salué à plu- sieurs reprises sur la scène internationale. Lors d’un colloque auquel j’ai eu l’occasiondeparticiper, Trac- finad’ailleurs souligné laqualitédu travail accompli par la CRF luxembourgeoise. LaCSSF (Commissionde SurveillanceduSecteur Fi- nancier) et le CAA (Commissariat aux Assurances) ont considérablement renforcé leurs effectifs, ce qui leur apermisd’accroître la fréquence et l’intensitédes inspectionsetauditssurplace,notammentauprèsdes banques, des gestionnaires de fonds et des compa- gniesd’assurance.Cescontrôlesrenforcésontjouéun rôleclédansl’identificationetlacorrectionrapidedes faiblessespotentielles,contribuantainsiàlasoliditéet à la conformité du secteur financier et assurantiel. Enfin, le secteur privé a également joué un rôle clé en adoptantunevéritableculturedecomplianceetenin- fusant une approche par les risques. Les banques et autresinstitutionsfinancièresontmassivementinvesti dans des outils technologiques avancés pour identi- fier, notamment, les transactions suspectes. La clé : une collaboration public-privé exemplaire Un autre facteur de succès réside dans la collabora- tion étroite entre les secteurs public et privé. Le Luxembourg a su créer des espaces de dialogue où régulateurs et acteurs financiers travaillent main dans la main pour identifier les risques émergents et développer des solutions adaptées. Pourmapart, ce rapprochement est symbolisépar l’ALCO(Asso- ciation of Luxembourg Compliance Officers) et les nombreuses conférences organisées sur la place luxembourgeoise. Unmodèle reconnu,mais des défis permanents Les efforts duLuxembourg n’ont pas tardé à porter leurs fruits, puisqu’en2023, leGAFI, lorsde sonéva- luation, a confirmé l’excellent travail accompli par le Luxembourg. Aujourd’hui, le pays est reconnu comme un exemple de transparence et de rigueur, attirant des institutionsfinancièresdumonde entier. Cependant, ces efforts sur le secteur financier doi- vent désormais être élargis au secteur nonfinancier, notamment à l’immobilier, oùdes faiblesses subsis- tent encore. Conclusion : une transformation exemplaire Pourconclure,jediraisquel’histoireduLuxembourg est celle d’une rédemption réussie. En un peu plus d’unedécennie, lepays est passéd’unstatut demau- vais élève à celui d’acteurmajeur enmatièrede trans- parence financière. Ce parcours illustre qu’avec une volonté politique forte, des réformes ambitieuses et une collaboration efficace entre les parties prenantes, il est possible de transformer une faiblesse en force. En toute honnêteté, je considère que le Luxembourg représenteunvéritablecasd’école,offrantunexemple inspirant pour de nombreux autres pays. *https://houseofcompliance.lu/ Du statut de mauvais élève à acteur de pointe : Comment le Luxembourg a transformé sa lutte contre le blanchiment d’argent OPINION - par Jean MARSIA, président de la Société européenne de défenseAISBL (S€D) A l’évidence, lemonde devient plus instable et plusmena- çant. Pour inciter Poutine à se distancier de laChine, Trump risque de forcer l’Ukraine à capituler, ce qui encouragerait laRussie à faire d’autres victimes, comme la Moldavie ou les États baltes. Trump et Poutine s’entendent pour se parta- ger des zones d’influence dans leur voisinage. Trump a dit qu’il ne se refuserait pas d’utiliser la force pour annexer le Groenland, qui recèle des hydro- carbures, de l’uranium, des terres rares, que la fonte des glaces rendplus aisément exploitable tout comme elle rendplus navi- gable le passage duNord-Ouest, qui relie les océansAtlantique et Pacifique via l’Arctique. En réponse à ces menaces, la présidente de la Commission européenne et le président du Conseil européen oublient que les remèdes à notre déclasse- ment et à notre effacement ne pourront venir que de nous et ils se limitent à un appel à renforcer un lien transatlantique que le président américain ne consi- dère plus que comme unmoyen de nous vendre du matériel militaire. Ils n’envisagent pas grand’chose pourmettreenœuvrelesrecommandationsexposées dans les rapports deMM. Letta, Draghi et Niinistö, (1) alors que cela renforcerait le lien transatlantique. Necomptonsplussurlesautrespourprendreànotre place les responsabilités qui nous incombent. Une douzaine d’années seulement après sa conception et sonénoncé, le 9mai 1950, leprojet politiqued’Union européenne s’est réduit à un espace économique et de libre échange commercial, à causedu refus, par le Benelux et l’Italie, du passage à la confédération, en attendant la fédération, comme proposé par de Gaulle etAdenauer. Même la réduction de ce projet à l’Allemagne et à la France n’a pas vraiment abouti, le Bundestag ayant vidé le traité de l’Élysée de 1963 de son sens, en le subordonnant au traité de Washington de 1949, instituant l’Alliance atlantique. Face auxmenaces de Trump de frapper le Danemark de droits de douane prohibitifs s’il ne cède pas le Groenland, la Haute Représentante est inaudible et le Commissaire en charge du com- merce extérieur, dont c’est pour- tant la compétence exclusive, semble n’avoir rien préparé comme réponse. Face à ces dangers, plusieurs attitudes sont possibles pour les dirigeants européens : - les ignorer, détourner le regard, et poursuivre leur somnambu- lisme, comme leurs prédécesseurs d’avant les deux guerres mondiales ; - juger que les dangers ne concernent que les autres, les Ukrainiens, les Danois et les Canadiens, par exemple ; - plier devant les menaces, à l’instar de Chamberlain et Daladier, qui en 1938, à Munich, ont lâchement abandonné la Tchécoslovaquie face à Hitler, ce qui a conduit presque toute l’Europe à subir le joug impla- cabledesnazis, prolongé enEurope centrale et orien- tale par celui tout aussi inhumaindes bolcheviques ; - regarder la réalité en face et mobiliser notre intelli- gence, notre cœur et l’expérience pour agir. C’est l’attitude courageuse que préconise M. Jean Chrétien,quifutPremierministreduCanadade1993 à 2003. Il a publié le 11 février dernier, à l’occasion de ses 91 ans, une opinion dans La Presse et le Globe and Mail .(2)IlrefusequeleCanadadeviennemembredes États-Unis d’Amérique, parce que les systèmes de santéetdepensioncanadienssontbienmeilleursque ceux des États-Unis d’Amérique, et que néanmoins le Canada a la dette et le déficit le plus faible du G7. L’inflation est à 2 % l’an, le chômage y est remplacé par une pénurie demain d’œuvre. Les valeurs cana- diennes diffèrent de celles des Américains : les Canadiens sont plus tolérants, généreux, solidaires. Ils pratiquent deux langues officielles, cequi renforce leur union. Des gens du monde entier veulent venir au Canada, parce qu’il y fait bon vivre. M. Jean Chrétienincitelaclassepolitiquecanadienne,fédérale et provinciale, à réagir avec plus de vigueur et être moins sur la défensive face aux menaces proférées par Trump et à faire prendre conscience aux AméricainsqueTrumpestentraindefairelecontraire de ce qu’il a promis au cours de la campagne électo- rale. Il avait annoncé des diminutions d’impôts et il envisage de fortes hausses de droits de douane, qui seront payés par les consommateurs américains. Il incite les pays agressés par Trumpà s’organiser pour lutter contre sa puissance brute et déraisonnable, car ilsontbesoindelaforcedunombre,notammentpour l’obliger à reconnaître la souveraineté duCanada sur le passage du Nord-Ouest. C’est la meilleure façon d’empêcher la Chine communiste de s’y immiscer et de débarquer auGroenland. L’Union européenne (UE) semble dépourvue d’hommes d’État de cette envergure. Elle n’a ni troupes terrestres, ni marine, ni aviation de combat. Pour dissuader Trump d’envahir le Groenland, et Poutine les États Baltes, l’UE peut seulement agiter desreprésaillescommerciales,quis’avèrentdéjàinsuf- fisantes pour empêcher l’escalade des droits de douane entre les deux rives de l’Atlantique et ont été totalement inefficaces pour mettre fin à la guerre en Ukraine.L’impuissancedel’UErisquedenousmener à la partition de l’Europe, comme le fut la Pologne tropde fois dans sa tragique histoire. L’Histoire nous apprend que la paix se mérite, et que leprixde la lâchetéest incommensurable. Il vaut mieux, courageusement, payer celui de la liberté physique, mentale, culturelle. Si nous tenons vrai- ment à nos chères « valeurs », donnons-nous les moyens de les défendre. Dans unmonde comptant 8 milliards d’humains, les États européens qui ne comptent qu’un demi-milliard d’habitants risquent d’être laminés s’ils restent désunis. En revanche, fédérés, ils seraient capablesdedéfendrenos intérêts et de faire rayonner nos valeurs. LesEuropéens ont jusqu’àprésent négligédemettre en place la fédération annoncée par Schuman le 9 mai 1950. La conséquence en est le déclin amorcé il y a un quart de siècle, alors qu’il suffirait que quelques gouvernants européens aient enfin le cou- rage de fédérer leurs États, comme le préconisaient les mouvements de résistance à la fin de la Deuxième Guerremondiale. Pendant près de quatre-vingts ans, les États-Unis d’Amérique ont contribué à maintenir la paix en Europe. Malheureusement, ils sont entrés dans une ère nouvelle, qui semble nous être moins favorable. L’UEn’est pas capabled’assurer notredéfense, ni de veiller à la santé publique, ni de préserver l’état de droit, ni de mener une politique étrangère crédible, nid’avoirunepolitiqueenvironnementalecohérente, et il en sera ainsi tant que l’Europe ne sera pas un État fédéral, respectant le principe de subsidiarité, démocratique et légitime. Nos petits États nationaux ne savent pas avoir col- lectivement le souci du bien commun, mais quelques-unsd’entreeuxpourraient se fédérer, pour être ensemble capablesdegarantir ladémocratie, de préserver l’intégrité de notre territoire et d’assurer notre indépendance face aux autocrates qui gouver- nent près de 2 milliards d’individus, lesquels génè- rent un PIB annuel proche de 50 000milliards €, soit plusdedeux fois et demi lePIBde l’UE. L’UEapour elle de réaliser un excédent commercial de 37 mil- liards € et de comptabiliser 16%des importations et exportationsmondiales. C’est maintenant que les citoyens européens devraient inciter les gouvernants à agir, car le pro- cessus de fédéralisation, d’union et de construction d’une défense européenne prendra nécessairement du temps, qui seramis à profit par ceux qui ne par- tagent pas nos valeurs et n’ont pas nos intérêts pour nous nuire. Le temps de la rupture, du coup d’État pacifique, est venu. L’Europe sait comment faire, depuis tant de décennies ! Avant l’Europe des Six, il y eut le Benelux !Avant lazoneSchengen, il yeut leBenelux. A l’origine de la zone euro, lors de la signature du traité deMaastricht, 9 États seulement étaientmem- bres, et ils sont vingt. Faire advenir un État fédéral européen doit être notre priorité pour 2025. Vive l’Europe, notre patrie commune ! 1) Voir Olivier Hanrion, « L’Union européenne tétanisée face au duo Trump et Musk, la position de l’autruche Coué ? » in RTBF Actus ,https://lc.cx/zAcK7j ,10 janvier2025. 2)VoirJeanChrétien,«JeanChrétien:Canadianswillnevergive upthebestcountryintheworldto jointheU.S.»in TheGlobeand Mail ., https://lc.cx/MUM1UO, 11 février 2025; Jean Chrétien , « Trump a unifié les Canadiens plus que jamais » in La Presse , https://lc.cx/rA2XLI ,11 janvier2025. Pour mieux résister aux chantages de Trump, créons une Fédération à côté de l’Union européenne !
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