AGEFI Luxembourg - septembre 2025
Septembre 2025 15 AGEFI Luxembourg Economie Par Jonny BELL, senior director, financial crime compliance, LexisNexis Risk Solutions L e Groupe d’action financière (GAFI) a publié son rapport d’évaluation mutuelle pour le uxembourg en septembre 2023, achevant ainsi le quatrième cycle d’évaluation des 27 Étatsmembres de l’UE.Alors qu’unmarché commun comme l’UE suggère une conformité uniforme, les évaluations révè- lent d’importantes disparités. Le cadre réglementaire de l’UE, fondé sur la première directive introduite il y a plus de 30 ans, a donné lieu à des approches divergentes. Les directives doivent être transposées au niveau national, mais elles entraînent parfois un manque d’harmo- nisation et une variabilité des notes de conformité technique et d’efficacité du GAFI entre les États membresdel’UE.Cetteincohérenceaconduitàl’éla- boration d’un nouveau paquet de réglementation enmatièredeluttecontreleblanchimentdecapitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Le parcours législatif de l’UE en matière de LCB-FTpour contrer les abus du système financier L’UEaintroduitunenouvellelégislationen2021pour harmoniserlesrègles,comblerleslacunesetrenforcer les mesures de LCB-FT. Le livre blanc de LexisNexis Risk Solutions, LCB-FT : État des lieux de l’Union européenne, souligne comment lepaquet LCB-FTde l’UE représente une étape importante vers l’harmo- nisationdesmesures de conformité. Les derniers élé- ments du paquet, publiés au Journal officiel de l’UE le 19 juin 2024, remodèleront considérablement le cadre réglementaire de l’UE en matière de LCB-FT. La législation vise à uniformiser les règles entre les États membres de l’UE et à renforcer la capacité de l’UE à prévenir l’utilisation abusive du système financier. Le paquet comprend quatre instruments juridiques, chacun ciblant un aspect essentiel de la défense de l’UE contre la criminalité financière. Le paquet de l’UE sur la lutte contre le blanchiment de capitaux L’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux (AMLA), nouvellement créée, surveilleralesétablissementsàhautrisque dans l’ensemble de l’UE et fournira une assistancetechniqueetunecoordinationaux autorités de surveillance nationales. Les directives modifiées relatives à la lutte contre le blanchiment de capi- taux définissent les pou- voirs des autorités natio- nales et des cellules de ren- seignement financier en matière de traitement des déclarations d’activités et de transactions suspectes. Elles comprennent également des disposi- tions relatives aux registres nationaux, couvrant les bénéficiaires effectifs ultimes, les comptes bancaires et les biens immobiliers. Le règlement sur la lutte contre le blanchiment de capitaux introduit un « recueil unique de règles », ce qui constitueune étape importante vers l’harmo- nisation et l’efficacité des mesures LCB-FT. Ces règles s’appliquent directement à toutes les entités soumises à obligation dans l’UE, sans nécessiter de transposition nationale. Le règlement révisé sur les transfertsde fonds renforce les exigencesde transpa- rence pour les transferts de crypto-actifs et fixe des obligationspourlesprestatairesdeservicesdecrypto- actifs. De nombreux aspects techniques de la législa- tionLCB-FTdépendent de l’AMLA, qui prendra du temps pour devenir pleinement opérationnelle et prendre des décisions. L’organisme de surveillancemondial Le GAFI est un organisme de surveillance mondial quiprotègelesystèmefinanciercontreleblanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le finance- ment de la prolifération. Ses 40 recommandations constituent la norme internationale en matière de LCB-FT. Le rapport d’évaluation mutuelle du GAFI et les rapports de suivi évaluent la conformité tech- nique de chaque pays avec les 40 recommandations et l’efficacité de son régime de LCB-FT sur la base de 11 résultats immédiats. Le quatrième cycle d’évalua- tion mutuelle du GAFI a pris près de dix ans pour évaluerles27Étatsmembresdel’UE.L’Espagneaété le premier pays à être évalué selon la méthodologie de2012,etsonrapportaétépubliéendécembre2014. Le rapport du Luxembourg, publié en septembre 2023, a conclu le cycle. Au cours de cette période, de nombreux pays ont demandé des rapports de suivi afinde réévaluer leur conformité technique. Lesnotesattribuéesàlaconformitétechniqueetàl’ef- ficacitédiffèrentconsidérablementd’unpaysàl’autre de l’UE. Les pays se répartissent généralement en deux groupes : conformité et efficacité faibles, ou conformité élevée et efficacité supérieure à la moyenne. La moyenne de l’UE est de 67 % pour la conformité, mais de seulement 33%pour l’efficacité. Cela montre que la conformité technique ne conduit pas toujours à un cadre opérationnel efficace. La conformité au GAFI est souvent liée à la date d’adhésion d’un pays à l’UE. Les premiers membres ont tendance à avoir une conformité et une efficacité élevées, selon les évaluations duGAFI, tandis que les pays qui ont adhéré en2004ouplus tardont souvent uneconformitéetuneefficacitéfaibles.Laplupartdes pays atteignent un niveau de conformité technique acceptable, mais des différences subsistent. La Pologne se classe au dernier rang avec un taux de conformitéde46%,tandisqueleLuxembourgarrive en tête avec un tauxde 87%. Lesmesures préventives duGAFI Lesrecommandations9à23des40recommandations duGAFIportentsurdesmesurespréventivespourle secteur privé. Elles portent notamment sur le devoir devigilance à l’égardde la clientèle, la tenuede regis- tresetlagestiondessituationsàhautrisquetellesque les personnes politiquement exposées, les opérations decorrespondancebancaireetlestransfertsdefonds. Ellescouvrentégalementladéclarationd’activitéssus- pectes et d’autresmesures de protection. L’Espagne a réalisédes progrès significatifs par rap- port à son rapport d’évaluationmutuelle de 2014 et se place désormais en tête de tous les États mem- bres, en respectant 92 % des recommandations 9 à 23. La Bulgarie s’est également améliorée, faisant passer son tauxde conformité auxmesures préven- tives de 44 % à 57 % après son récent rapport de suivi. Les pays moins performants, dont la Croatie, l’Estonie, laPologne, laRoumanieet laSlovaquie, ont tousrespecté52%oumoinsdesmesurespréventives. La Belgique et l’Autriche mettent en évidence des incohérences. Toutes deux respectent pleinement les recommandations 10, 12, 16, 24 et 25,mais ne respec- tentquepartiellementlesrecommandations6–sanc- tions financières ciblées liées au terrorisme et à son financement – et 7– sanctionsfinancières ciblées liées à la prolifération. Combler les lacunes pour lutter contre la criminalité financière Les principales recommandations du GAFI révèlent une grande variabilité dans lamanière dont les pays de l’UE mettent en œuvre les directives de LCB-FT. Lesmarchés communs ont besoind’approches cohé- rentesenmatièredeconformité.Uneconformitéfrag- mentéeaugmentelescoûtsetcréedesdifficultéspour les banques et les entreprises. Ces divergences souli- gnent la nécessité de passer des directives aux règle- ments. Lanouvelle législationLCB-FTvise à combler les lacunes par des règles claires et cohérentes. Cette approche unifiée aidera l’UE à prévenir l’arbitrage réglementaire, à soutenir une concurrence loyale et à préserver l’intégrité du système financier. L’UEa progressé dans lamise enœuvre des normes du GAFI. Le nouveau train de mesures reflète son ambitiond’établirl’étalon-orenmatièredeconformité et de lutte contre la criminalité financière. L’harmonisation de la conformité est ambitieuse et poserades problèmes à certains pays plus qu’àd’au- tres. L’efficacité des nouvelles règles dépend des capacités de contrôle des États membres et de la volonté politique de les appliquer, car l’AMLA ne supervisera que quelques entités. Le paquet LCB-FT de l’UE vise à mettre en place des mesures préven- tivesplus fortes et plus cohérentespourprotéger son systèmefinancier.Lesprofessionnelsdelaconformité doiventaméliorerleursmesuresenutilisantdesdon- nées et des solutions technologiques avancées pour répondre à ces attentes. L’Europe s’oriente vers une action unifiée en matière de criminalité financière Nouvelles publications - Août 2025 Cadre d’application - 2024 Luxembourg LaCSSF a publié son rapport annuel Le 28 août 2025, laCommissionde Surveillance du Sec- teur Financier (CSSF) a dévoilé son rapport d’activités 2024. Ledocument de 160pages revient notamment sur lesmissionsdesurveillancedecettedernière,surlesme- suresd’exécutionprisesdurantl’annéeécoulée,ainsique sur ses priorités stratégiques pour la place financière luxembourgeoise. Une supervision renforcée, plus de 11 millions d’euros d’amendes : En 2024, la CSSF amené 133 contrôles sur place, portant sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le finan- cementduterrorisme(LCB/FT),enparticulierauprèsdes organismes de placement collectif et des établissements decrédit.Lessanctionsadministrativesprononcéess’élè- vent à 11.076.929 €, à l’encontre des entités suivantes : • Établissements de crédit : trois sanctions administra- tives, dont une amende de 3 millions d’euros infligée à BGL BNP Paribas pour manquements à ses obligations professionnelles enmatière de LCB/FT. • Entreprises d’investissement et professionnels du sec- teurfinancier(PSF):plusieursamendesontétéadressées, dont plus de 186.000 € à des PSF spécialisés. •Professionsduchiffre:huitsanctionsprononcées,dont des amendes comprises entre 10.000 € et 18.000 €, ainsi qu’une interdictiondéfinitive d’exercer pour un réviseur d’entreprises agréé, accompagnée de sa radiation du re- gistre public. La CSSF a également sanctionné des manquements aux obligations de transparence, avec six amendes totalisant 110.000 € pour retards dans la publication et le dépôt de rapports financiers annuels ou semestriels. LCB/FT et lutte contre la criminalité financière : Lors d’inspections, la CSSF a relevé les faiblesses ré- currentes suivantes : •Contrôles de name screening incomplets ou tardifs. • Insuffisances dans la surveillance des transactions. • Dossiers clients lacunaires (origine des fonds et vérifi- cation des bénéficiaires effectifs). • Supervision insuffisante des contrôles externalisés. LaCommissiondeSurveillanceduSecteurFinancierade même rappelé ses attentes : filtrage quotidien des listes de sanctions, paramétrage adapté des seuils de corres- pondance, mise en place de KPI et processus d’escalade pour les tâches déléguées, formalisation du Compliance Monitoring Plan et meilleure intégration des risques liés aufinancement de la prolifération. Priorités de travail et domaines ciblés lors des futures ins- pections : Àl’avenir,lesinspectionsdelaCSSFporterontnotamment surladiligenceàl’égarddesinvestisseursetdesdélégués, surlarevuedescomptesbloqués,surlesuiviparKPIdes contrôles LCB/FT et sur la qualité des déclarations à la CRF.Cettedernièresouligneégalementl’adoptiondupa- quet législatif européen du 31 mai 2024, marquant une étape importante avec la création de l’AMLA (Authority for Anti-Money Laundering and Countering the Finan- cingofTerrorism),etl’applicationdirectedenouvellesrè- gles de vigilance. Vers une supervision plus technologique et prédictive : Sonrapportd’activitésannonceenoutreuntournantvers une supervision fondée sur les données : •Usageaccrud’outilsanalytiquesetdigitauxpourcibler les contrôles. • Inspections et revues thématiques sur des sujets émer- gents : crypto-actifs, ESG, IA. •Mise en avant de typologies nouvelles : greenwashing, manipulationsliéesàl’IA,risquesliésauxactifstokenisés. LaCSSFmetparailleursl’accentsurlacoopérationinter- nationale(collègestransfrontaliers,surlaconvergenceré- glementaire) et sur la nécessité de renforcer la résilience face auxmenaces technologiques et financières. Banquesetmarchésfinanciersfaceauxnouveauxrisques ESGet climatiques : Depuis septembre 2024, la CSSF a intégré les risques liés au climat dans ses inspections auprès des établissements de crédit, en complément des contrôles sur la gouver- nance,surlerisquedecréditetleProcessusInterned’Éva- luation de l’Adéquation du Capital (ICAAP). Cette approche traduit une convergence progressive entre risques prudentiels traditionnels et risques de durabilité. Prioritésstratégiques(financedurable,innovationetmar- chés de capitaux) : Dans son avant-propos, le directeur général de la CSSF, ClaudeMarx,soulignel’urgencedemobiliserlescapitaux privés pour financer la transition écologique et numé- rique. Il met aussi en garde contre un contexte mondial instablemarquéparlafragmentationgéopolitique,parla nécessitédemobiliser plus de 1.000milliards d’euros par an et par le risque d’un retard prolongé de l’Europe en matière de compétitivité et d’intégration desmarchés de capitaux. Une autorité en croissance : Au 31 décembre 2024, la CSSF comptait 983 collabora- teurs. Une augmentation de 1,86 % par rapport à 2023, qui traduit l’élargissement constant de ses missions de surveillance, auprès des banques, des fonds d’investisse- ment et des nouveaux acteurs du numérique. Europe Cadre d’application - Août – novembre 2025 L’EFRAGpublieune consultation sur les projets de normes ESRS 2025 modifiés Le 31 juillet 2025, l’European Financial ReportingAdvi- sory Group (EFRAG) a présenté les projets révisés et simplifiés des European Sustainability Reporting Stan- dards (ESRS) ; elle a aussi lancé une consultation pu- blique de 60 jours, ouverte jusqu’au 29 septembre 2025. Cette étape majeure répond au mandat formel de la Commission européenne, qui a demandé enmars 2025 à l’EFRAGde proposer une simplification substantielle des normes adoptées en 2023 dans le cadre de la Cor- porate SustainabilityReportingDirective (CSRD). L’ob- jectif est de rendre les rapports de durabilitéCSRDplus faciles à gérer, plus utilisables et plus rentables, tout en conservant leur pertinence et leur alignement avec le Pacte vert pour l’Europe. Un allègement chiffré dudispositif : Sur la base de plus de 800 réponses recueillies et d’échanges avec les parties prenantes, l’EFRAG a mené un double exercice de simplification : une révision “top- down”desprincipesetprocessus,complétéeparunexa- men “bottom-up” de l’ensemble des points de données. Les résultats sont significatifs : •Réductionde57%depointsdedonnéesobligatoires(à publier uniquement si lematériel est disponible). •Réductionde 68%de points de données au total (obli- gatoires et volontaires). • La longueur totale de l’ensemble des normes a été ré- duite de plus de 55%. Les documents proposés à la consultation comprennent les12normesrévisées,leGlossaireamendé,uneBasedes conclusions,desRegistresdesamendementsetdesexem- ples illustratifs non contraignants. Les leviers de simplification : Six leviers principaux ont guidé la révision : 1.Évaluationdedoublematérialité(DMA):processuscla- rifié, charge documentaire réduite, articulation renforcée entre identification des impacts/risques/opportunités et choixdes thèmesmatériels. 2. Lisibilité et concision : possibilité d’un résumé exécutif, flexibilitéaccruedanslaprésentationetregroupementdes informations. 3. Réduction des chevauchements : rationalisation entre les exigences générales d’ESRS 2 et les standards théma- tiques, limitation des redondances sur politiques, actions et objectifs. 4. Suppression des divulgations volontaires et meilleure distinction entre contenus obligatoires et guidance non contraignante. 5. Allègements et exemptions : introduction de méca- nismes permettant de ne pas publier certaines informa- tions si cela entraîne un coût ou effort excessif, assouplissements en cas d’acquisitions/cessions ou pour certaines données de la chaîne de valeur, traitement cla- rifié des actifs loués et des effets financiers anticipés. 6. Interopérabilité renforcée : ajustements substantiels et éditoriaux, pour aligner les ESRS avec les IFRS Sustaina- bilityDisclosure Standards et leGHGProtocol. Les exigences thématiques environnementales : Lesnormesréviséesconserventunestructurationautour de trois blocs : • Stratégie : alignement avec l’Accord de Paris et les ob- jectifs de neutralité climatique 2050, contribution aux ca- dres de biodiversité. •Gestiondesimpacts,risquesetopportunités:politiques, actions et ressources affectées par domaine (climat, pol- lution, eau, biodiversité, économie circulaire). • Indicateurs et objectifs : émissions de GES (scopes 1, 2 et 3), consommation énergétique, émissions polluantes, utilisation et circularité des ressources, cibles chiffrées de réduction. Étapes futures : Laconsultationouvertejusqu’au29septembre2025sedé- roule via un questionnaire en ligne. Elle comprend 30 questions générales et des sections optionnelles permet- tantdecommenterchaqueexigencededivulgation(Dis- closure Requirement). À l’issue de cette phase, l’EFRAG transmettrasonavistechniquefinalàlaCommissioneu- ropéenne d’ici le 30 novembre 2025, ouvrant la voie à l’adoption d’un acte délégué révisant les ESRS. ©2025Deloitte Tax&Consulting, SARL REGULATORY COMPLIANCE SENTINEL d • P e G h REGULAT RY COMPLIANCE SENTINEL d • P e G h
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy Nzk5MDI=