Agefi Luxembourg - novembre 2024
AGEFI Luxembourg 12 Novembre 2024 Economie EDITORIAL - par Adelin REMY, Éditeur, AGEFI Luxembourg P our aborder les questions de cour- toisie et d’humour dans les débats politiques récents, notamment ceux impliquant des figures comme Trump et Harris aux États-Unis (en cours),Attal et Bardella en France (23mai 2024), ou encore DeCroo et DeWever enBelgique (23mai 2024), il est pertinent de commencer par analyser l’évolutionhistorique du langage utilisé dans le dis- cours politique. Si les injures ont toujours fait partie des échanges politiques, l’augmenta- tionduniveaud’éducationduper- sonnel politique aurait dû, en théorie, adoucir le ton oudumoins raffiner les arguments. Pourtant, on constate que les invectives, souvent exacer- bées par l’usage desmédias et des réseaux sociaux, demeurent omniprésentes etmême plus virulentes qu’auparavant (1) . Formes d’injures dans les débats récents Le «mensonge» attribué à l’opposant est l’une des accusations les plus courantes, souvent renforcée par l’utilisationde chiffresdivergents qui traduisent plus unedifférenced’opinionqu’un réelmensonge. La perception de l’autre comme “menteur” devient un outil stratégique qui pousse les auditeurs à s’in- terroger : qui pourrait honnêtement souteniruncan- didat jugé peu digne de confiance ? Cette tactique conduit à des tensions accrues, car elle ne laisse que peu de place pour une vraie confrontation d’idées, remplaçant l’argumentation par le soupçon. Les accusations de collusion avec des puissances étrangères restent également récurrentes, la Russie étant fréquemment citée dans le contexte occidental. Cesaccusationsseperpétuentdefaçoncyclique,rap- pelant une forme de «chasse aux sorcières» moder- nisée, où l’accusation de trahison devient unmoyen de disqualifier l’opposant moralement et idéologi- quement. En outre, la comparaison avec des figures historiques controversées (Hitler, Staline, etc.) est de plus en plus fréquente, exacerbant la gravité des échanges et réduisant souvent lesdébats àdes invec- tives lourdes de connotations historiques, avec une rhétorique qui emprunte au passé pour projeter des peurs contemporaines. Le rôle de l’humour dans les débats L’humourdanslesdébatspolitiquesn’estjamaisneu- tre ; il est quasi systématiquement dirigé contre l’ad- versaire et vise à le ridiculiser, cherchant davantage à dissuaderqu’àconvaincre.Cetusagedel’humour,s’il peut être perçu comme une tentative de relâcher la tension, joue paradoxalement un rôle polarisant, en réduisant les échanges à une confrontation où l’on cherche à humilier plus qu’à persuader. Cela éloigne les électeurs potentiels, notamment ceux qui désirent des échanges constructifs et respectueux. Une explicationdes taux d’abstention ? Les taux élevés d’abstention dans les élections peuvent être en partie expli- qués par ce niveau de débat. Face à des candidats qui semblent da- vantage préoccupés par la dévalorisation de l’autre que par la promotionde leurs propres idées, de nombreux citoyens se sen- tent déconnectés, voire dé- motivés à l’idée de parti- ciper. L’augmentation de l’abstention pourrait ainsi être vue comme un rejet de cette culture de l’injure. Tentatives passées pour élever le niveaudes débats Les États-Unis et la France ont chacun connu des mouvementsvisantàassainirledébatpolitique.Aux États-Unis, le rôle de la civility (courtoisie) (1) dans les discours politiques a souvent été défendu par cer- taines figures intellectuelles et politiques cherchant àpromouvoir un«débat d’idées»plus qu’un«débat de personnes». En France, des tentatives pour réin- troduire un code de courtoisie à l’Assemblée natio- nale ont été menées, mais souvent sans succès durable face à l’intensité des luttes politiques. Dans l’ensemble, bienque ces initiatives aient eudes effets positifs ponctuels, elles n’ont pas suffià contenir les dérives qui tendent à se reproduire dès que la pres- sion électoralemonte. Lesmédias et les journalistes Les médias et les journalistes jouent un rôle essentiel dans la formation de l’opinion publique et peuvent fortementinfluencerletonetlaqualitédesdébatspo- litiques.Dansuncontexteoùl’invectiveetlaconfron- tationpersonnelletendentàdominerleséchanges,les médias pourraient, en adoptant une approche plus neutreetinformative,contribueràéleverleniveaudu débat. Cependant, leur rôle se révèle souvent com- plexe à cause de plusieurs facteurs. Le défide la neutralité et de l’impartialité Pour jouer un rôle constructif, les journalistes de- vraient idéalement rester neutres et non partisans. Cela signifie qu’ils devraient s’efforcer de rapporter lesfaitsdemanièreobjective,sanstomberdanslebiais partisan ou sensationnaliste. Or, le maintien d’une neutralité est difficile, surtout dans des contextes où les publics sont polarisés. Certains médias tendent à afficherdespréférencesidéologiques,cequiinfluence laperceptiondesinformationsetletraitementdessu- jets.Lesjournalistes,soumisàdespressionséditoriales etcommerciales,peuventaussiêtrepoussésàdrama- tiser les débats pour attirer l’audience. Rôle informatif et vérificationdes faits Lesmédias ont aussi un rôle important à jouer dans la vérificationdes faits, qui pourrait contribuer à ré- duire les accusationsmutuelles de «mensonge». En fournissant un travail d’analyse et en exposant les divergences factuelles entre les candidats de ma- nière claire et non biaisée, les journalistes peuvent aider le public à distinguer les vérités des manipu- lations ou exagérations. Ce travail de fact-checking est cependant souvent perçu par certaines franges de la population comme biaisé, surtout lorsque les informations corrigées touchent des figures poli- tiques polarisantes. Limiter l’usage de la rhétorique sensationnaliste Lesmédiasontaussilepouvoird’éviterdereproduire etdemettreenavantlesattaques adhominem ,notam- mentcellesquicomparentlesopposantsàdesfigures historiques controversées ou qui soulignent des pré- tendues incapacités personnelles. En choisissant de couvrir des aspects plus substantiels du débat poli- tique — idées, propositions concrètes, etc. — plutôt quedesphraseschoc,ilspourraientinfluencerpositi- vement lamanière dont les débats sont perçus par le public. Ce changement demande toutefois une rup- ture avec le journalisme «spectacle», qui privilégie souvent l’audience immédiate au détriment d’une analyse plus approfondie. Un journalisme plus constructif : vers des débats éclairés Certaines initiatives de «journalisme constructif» ou de slow journalism (2) visent déjà à encourager un trai- tementmédiatique plus axé sur les solutions et l’in- formation, au lieu de se concentrer sur les conflits et les oppositions. Ces formes de journalisme s’atta- chent à offrir une vue d’ensemble sur des sujets complexes, à explorer les solutions possibles et à fa- ciliter une meilleure compréhension par le public des enjeux politiques. Une influence sur l’abstention ? En adoptant une approche plus équilibrée et infor- mative, les médias pourraient avoir un impact po- sitif sur le taux de participation électorale. En fournissant aux citoyens des informations objec- tives et pertinentes, ils peuvent encourager un en- gagement plus fort de la part des électeurs, en leur permettant de faire des choix éclairés basés sur des programmes et des idées plutôt que sur des dis- putes ou des invectives. En conclusion, si les médias peuvent jouer un rôle important pour élever le niveau des débats poli- tiques, cela exige un engagement envers une cou- verture responsable et éthique. Ce rôleva au-delàde la simple transmission d’informations et implique un véritable choix éditorial : traiter l’actualité avec rigueur, en limitant les dérives sensationnalistes et enmettant en avant des analyses constructives. (1)American BarAssociation, Survey of Civic Literacy 2023 : 85% of respondents said civility today is worse than 10 years ago (2) Il existe en Belgique depuis 2018 un Prix du journalisme constructif pour «restaurer et maintenir le lien de confiance entre les médias et les citoyens, trait d’union essentiel à toute démocratie» (3) Slow journalism is a news subculture borne out of the frustration at the quality of journalism from the mainstream press Courtoisie et humour dans les débats politiques L eministre des Finances, GillesRoth a effectué une mission financière enAsie. “L'Asie présente un fort potentiel d'avenir, tant pour le Luxembourg que pour sa place financière”, a dé- claréGillesRoth.Après sondépla- cement à Singapour du 6 au 8 novembre, leministre s'est rendu à Tokyodu 9 au 12 novembre 2024. Singapore - Saisir les opportunités des technologies financières Leministre des Finances a débuté samis- sion à Singapour avec Luxembourg for Finance (LFF). Au Singapore Fintech Festival (SFF), Gilles Roth a prononcé un discoursremarquésurlatransitionnumé- riquedusecteurfinancier : «Nousdevons saisir les opportunités des technologies financières dans un monde financier en pleine évolution. Les nouvelles technolo- gies peuvent améliorer l'efficience des marchés financiers et rendre les produits etservicesfinancierspluspersonnaliséset accessibles. L'innovation digitale permet égalementderenforcerl'impactpositifdes investissements sur nos sociétés et sur la planète. Ensemble, nous pouvons façon- nerunsystèmefinancieroffrantprospérité et sécurité à tous nos concitoyens». Par la suite, il a visité le pavillon luxem- bourgeois organisé par LFF et laLuxem- bourg House of Financial Technology (LHoFT).Enmargeduplusgrandfestival des technologies financières au monde avecplusde60.000participants enprove- nance de 140 pays, le ministre a eu des échanges productifs avec des représen- tantsdugouvernementsingapourienainsi qu'avec des dirigeants de banques, d'ins- titutions financières, d'entreprises et de startups d'Asie et dumonde entier. L'ob- jectif dudéplacement était d'intensifier les liens et les interactions entre les deux grandes places financières régionales que sont Singapour pour l'Asie et le Luxem- bourgpourl'Europeainsiquederenforcer le rôle du Luxembourg dans la fintech, la finance durable et l'innovation. Dans ce sens, la Luxembourg House of Financial Technologie (LHoFT) a pu signer deux protocoles d'accord (MOU) avec de nou- velles entreprises partenaires. Actuelle- ment,leLuxembourgcomptequelque280 entreprises fintech qui jouent un rôle im- portant dans la transformationdigitalede notreplacefinancièreetdesserventlemar- ché européenvia le Luxembourg. GillesRotha commenté : «Notremission financière à Singapour a été très positive pour le Luxembourg, sa place financière et ses citoyens. J'ai pu discuter avec des entreprises fintechs intéressées d'accéder aumarché européenvia leLuxembourg. Il est important que nous soyons encore plus présents ici. Avec Singapour, nous partageons les mêmes intérêts en tant qu'économiesouvertesavecdesplacesfi- nancières internationales.» Japon - Un fort potentiel de croissance pour les fonds d'investissement alternatifs Après son déplacement à Singapour, le ministredes Finances s'est renduàTokyo avec LFF. Dans la capitale du Japon, le ministreaeudeséchangesproductifsavec Atsushi Mimura, vice-ministre japonais des Finances et chargé des Affaires inter- nationales,avecRyozoHimino,vice-gou- verneur de la Banque du Japon, notam- ment sur la situation macroéconomique et les relations entre nos pays dans le sec- teurfinancier.Leministreaégalementren- contré les dirigeants des principales insti- tutions financières du pays du soleil levant. Le Japon représente le principal marché pour la place financière luxem- bourgeoise enAsie, avec un fort potentiel de croissance notamment pour les fonds d'investissement alternatifs, mais égale- ment dans une optique de diversification deportefeuillepourlesinvestisseursjapo- nais.77%denoséchangesdeservicesavec le Japon sont des services financiers. Notre place financière compte actuelle- mentsixbanquesjaponaisesdontlecentre de compétences international pour les fonds d'investissement se trouve à Luxembourg. S'y ajoutent trois compa- gnies d'assurance japonaises dont le siège européen se trouve auGrand-Duché. Gilles Roth a commenté : «Notremission financièreiciauJaponnousapermisd'ap- profondir encore les excellentes relations politiques, économiques et financières entre nos deux pays. Le Luxembourg est un partenaire fiable du Japon pour le développement de son secteur financier à l'international, notamment en ce qui concerne la transition verte et les ambi- tions du pays pour développer son rôle en tant que hub de gestion d'actifs.» Source :ministèredesFinances Le ministre des Finances Gilles Roth en mission financière à Singapour et au Japon «L'Asie présente un fort potentiel d'avenir pour notre place financière » ©MFIN L e 8 novembre 2024, l'agence de nota- tionDBRSMorningstar a confirmé la notation «AAA» duGrand-Duché de uxembourg avec perspectives «stables». La solidité des finances publiques et le faible niveau d'endettement du pays sont les principaux atouts pour la notation tout comme l'efficacité des institu- tions, la prospérité de l'économie et la position exté- rieure forteduLuxembourg. Selon laquatrièmeplus grande agence de notation aumonde, la dynamique de la croissance économique s'est renforcée au cours des derniersmois avec une progression soutenue de la consommation privée grâce aux mesures gouver- nementales de soutien auxménages. Pour 2024, l'agence s'attend d'ailleurs à un résultat budgétaireplusfavorablequelesprojectionsdugou- vernement. Le Luxembourg disposerait en outre d'une marge de manœuvre budgétaire suffisante pour faire face à des déficits budgétairesmodérés au cours des prochaines années. DBRS Morningstar considère que le Luxembourg continuera à rester un centre financier très attractif grâce à samain-d'œuvre hautementqualifiée,soncadrejuridiqueetréglemen- taire solide et sa stabilité politique. Source : ministère des Finances DBRS Morningstar confirme le «AAA» du Luxembourg KirchbergLuxembourg @PhilippeSchroeder
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